Herbivores
Comment faire des économies sur la gestion des prairies ?

L’herbe constitue la base du système fourrager des élevages herbivores. Face à l’augmentation du cours des intrants, il convient d’avoir une gestion économe afin de conserver l’efficacité économique des exploitations. Du choix des prairies à la conduite, en passant par l’entretien des surfaces fourragères, de nombreux leviers peuvent être actionnés pour faire des économies.

Comment faire des économies sur la gestion des prairies ?
Plusieurs éléments peuvent contribuer à la bonne gestion des prairies (fertilisation, pH du sol, optimisation du pâturage) et permettre de faire des économies considérables, intéressantes vue la conjoncture actuelle.

La première des prairies multi espèces présente chez tous les éleveurs est la prairie naturelle. Ces surfaces ne doivent en aucun cas être négligées. Pour de nombreuses exploitations, elles participent majoritairement aux stocks fourragers. Des outils existent afin d’améliorer la connaissance des prairies présentes sur une exploitation et ainsi améliorer la gestion de ces surfaces. En caractérisant la flore présente dans les prairies, il est possible de connaître quelles seront les conséquences d’une augmentation ou une diminution de la fertilisation et ainsi optimiser la production.   

Les prairies multi-espèces se sont fortement développées dans le département. Les avantages sont multiples : fourrage en quantité et en qualité, répartition de la production sur l’année, adaptation des espèces aux caractéristiques de sols, économie en fertilisation azotée, restitution pour la culture suivante… Tous les fournisseurs mettent à disposition des éleveurs des mélanges multiples et variés. Malgré tous les bénéfices de ces prairies, le coût des semences est en moyenne de 300 euros par hectare pour une culture de longue durée. Afin d’amortir ce coût sur plusieurs années, il convient de mettre tout en œuvre pour assurer la pérennité de la prairie.

Apports de fertilisants

Trop souvent sous-estimés, les engrais de ferme sont les premiers fertilisants dans une exploitation d’élevage. Pour bien les valoriser, il ne faut pas les gaspiller et essayer de les répartir le mieux possible sur toutes les surfaces épandables de l’exploitation. Selon différentes études 1 m3 de lisier reviendrait à 9 €/m3 en équivalent NPK, et une tonne de fumier reviendrait à 15 € en équivalent NPK. Ces données sont calculées en équivalent engrais minéraux dans une conjoncture « normale ».   

Les apports recommandés pour les prairies sont indiqués dans le tableau à consulter en cliquant ici (Source : guide régionale de fertilisation – prairies et cultures fourragères – Chambre d’agriculture d’Auvergne).

Les besoins sont avant tout couverts par les matières organiques présentes dans les exploitations. La teneur en éléments fertilisants est très variable d’une exploitation à l’autre en fonction des bâtiments, mais aussi de l’alimentation des animaux. Il est intéressant de réaliser des analyses de matières organiques afin de connaître plus précisément les valeurs présentes. En l’absence d’analyse, des moyennes régionales peuvent être utilisées. Les quantités recommandées sont les suivantes : compost 10-15 T/ha, fumier 15-20 T/ha, et lisier 20-25 m3/ha. Ces niveaux d’apports permettent de couvrir les apports en phosphore et potasse. Pour les prairies en fauches précoces (ensilage, enrubannage, 1ère coupe foin ventilé), les apports doivent être réalisés tous les ans. Pour les prairies en fauches tardives, les apports pourront avoir lieu tous les deux ans.

Les matières organiques contiennent des éléments fertilisants permettant de couvrir tout ou partie des besoins des prairies. Néanmoins, il faut tout mettre en œuvre pour limiter au maximum les pertes. Ces dernières peuvent atteindre 30% de l’azote si un lisier est apporté par temps sec, ensoleillé et venteux. L’épandage des effluents d’élevage peut entrainer des pertes qui sont variables en fonction des matières organiques. Dans les fumiers de bovins, l’azote est sous forme organique et a donc besoin d’une transformation dans le sol pour être assimilé sous forme de nitrate. En conséquence, les apports doivent être réalisés tôt au printemps ou à l’automne. Dans le cas des lisiers, l’azote est principalement sous forme ammoniacal, sensible à la volatilisation. Pour limiter les pertes, ces produits doivent être incorporés rapidement après l’épandage.

Il faut aussi noter que les effluents stockés en bout de champ et utilisés plusieurs mois après ont perdu des éléments fertilisants. Avec une saison de pluie, les pertes peuvent aller jusqu’à 65% de la teneur en azote, 30% en phosphore et 80% en potasse. Même si la pratique est encore peu répandue et contraignante, le bâchage des tas permet de limiter les pertes et ainsi faire des économies sur la commande d’engrais.

Après avoir fait le calcul des éléments fertilisants apportés par les effluents d’élevage, le reste des besoins nécessaires pourra être amené par les éléments minéraux.  Concernant l’azote, un complément pourra se faire avec un engrais azoté simple, pas nécessairement soufré. Tous les engrais de ferme contiennent des oligoéléments et notamment du soufre. Pour les parcelles qui n’ont jamais ou très rarement de fertilisation organique, les besoins seront couverts par un engrais complet dosé avec deux fois plus de potasse que de phosphore de type 20.5.10 ou 14.10.20.

pH du sol

Enfin, le potentiel des prairies peut être limité non pas par la fertilisation apportée mais par le pH du sol. Les apports calciques (chaulage) sont indispensables pour assurer une bonne vie biologique et un bon fonctionnement des sols. Les sols de la Loire sont en majorité sur une roche mère granitique et ont une tendance naturelle à l’acidification. Des situations sont très hétérogènes sur le département avec des pH compris entre 5 et 7.  L’acidification des sols est un mécanisme naturel. Mais si le pH chute trop, il y a un risque de toxicité aluminique nuisible à la vie du sol et à l’assimilation par les plantes prairiales. Les apports calciques ont pour but de compenser ce phénomène. L’objectif étant d’avoir un pH au-dessus de 6.

Pour les sols à pH compris entre 5,5 et 6, un chaulage d’entretien est nécessaire pour couvrir les exportations de CaO par les prairies, soit 150 à 250 kg d’équivalent CaO/ha/an. L’apport peut être fait en une fois tous les deux à trois ans. Pour les sols dont le pH est inférieur à 5,5 : un chaulage de redressement est nécessaire, complété d’un entretien à un rythme plus soutenu (plutôt 1 an sur 2) jusqu’à ce que le pH ait atteint un niveau satisfaisant. Seule la valeur neutralisante du produit indique le nombre de kg d’équivalent CaO qu’il apporte.

Tous les effluents d’élevage ont un effet amendant : 3 à 5 unités de CaO/T de fumier ou de compost, 1 unité de CaO/m3 de lisier… En complément, un apport d’1 tonne/ha de carbonate est recommandé au minimum tous les trois ans. Là encore, les prairies à forte proportion de légumineuses sont à traiter à part. En effet, les légumineuses exportent beaucoup de calcium. Les apports en carbonate seront, si possible, d’une tonne par hectare tous les ans.

Utilisation des prairies

La mise à l’herbe des ruminants est en cours, ou le seront dans les quinze prochains jours. Il est encore temps de réajuster les pratiques de pâturage pour la saison. L'herbe pâturée est un aliment de qualité si elle est pâturée au bon stade. D'après les données de l'Inra, au stade feuillu, l'herbe a une valeur de 0,97 UFL et de 17% de MAT.

L'herbe pâturée est aussi un aliment économique. D'après différentes études, une tonne de matière sèche d'herbe pâturée coûte en moyenne trois fois moins cher qu'une tonne d'herbe récoltée, sans compter les économies faites sur les épandages de matière organique. Il existe de nombreux systèmes de pâturage, mais l'objectif principal est d'offrir régulièrement aux animaux une nouvelle surface pour pâturer de l'herbe de qualité. Le pâturage tournant est le meilleur compromis en termes de résultats technico-économiques. Avec la mise en place du pâturage tournant, certains éleveurs arrivent à des niveaux de valorisation d'herbe pâturée de l'ordre de 8 à 10 TMS/ha.

Le pâturage tournant c’est : un temps de présence des animaux compris entre un et trois jours ; un temps de repousse d’environ 21 jours au printemps et 40 jours en été ; avoir au minimum sept paddocks par lot avec si possible des parcelles fauchables permettant ainsi de pouvoir débrayer des paddocks si la pousse de l’herbe est trop importante.

Etant donné les bonnes conditions de portance en ce début de saison, il peut être intéressant de créer un décalage de pousse d’herbe avec le déprimage. Dans la mesure où les animaux ont encore la quasi-totalité de la ration hivernale, la pâture quelques heures par jour permet d'assurer une excellente transition alimentaire. Le « pré-pâturage » permet aussi de nettoyer les refus laissés à l'automne et de favoriser le tallage des graminées. Cependant, pour être efficace, le déprimage ne doit pas s'éterniser. Il doit être arrêté à 550°C (sommes des températures) afin de ne pas perdre en quantité récoltée. L’information est donnée dans les bulletins info prairie diffusées toutes les semaines.

Enfin, sur toute la saison de pâture, il faudra veiller à ne pas surpâturer. Les animaux doivent être sortis du paddock lorsque la hauteur d’herbe est de 5 cm (hauteur du talon de la botte) afin d’avoir une bonne repousse pour la prochaine exploitation. Tout comme la hauteur de fauche, cet élément conditionne la pérennité des prairies.

Faire le point sur les stocks

L’année 2021 a été plutôt favorable en termes de quantité récoltée. Il est alors intéressant de faire le point sur l’état des stocks en sortie hiver. Ce bilan permettra d’ajuster les récoltes à réaliser cette saison pour l’alimentation des troupeaux sur l’hiver prochain tout en prenant une marge de sécurité si un besoin de complémentation des troupeaux devait avoir lieu. En fonction des résultats du bilan fourrager, une priorité pourra être donnée à certaines parcelles.

Concernant les récoltes, le premier des éléments à prendre en compte est la hauteur de fauche. Une fauche à une hauteur de 7 cm permet d’avoir un ressuyage du fourrage optimal, un fourrage sans terre, une qualité et une vitesse de repousse de la prairie. Il est donc très important de prendre le temps de régler la faucheuse.  

 

Pierre Vergiat, Chambre d’agriculture de la Loire