RURALITE
Des maires au chevet

Les maires jouent un rôle essentiel dans la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences sur la vie quotidienne de leurs administrés. Exemples dans le nord du département à Belmont-de-la-Loire et dans le sud à Grammond auprès de deux maires également agriculteurs.
 Des maires au chevet

 « L'Ehpad de la commune a été fermé aux visites une semaine avant le confinement du grand public. Cela a créé une prise de conscience parmi la population. C'était un peu dur sur le coup, mais cela a porté ses fruits car – je touche du bois – il n'y a pas de situation critique dans cet établissement », commente Jean-Luc Matray le maire de Belmont-de-la-Loire. Le développement de la pandémie puis la mise en place du confinement ont été complexes à gérer dans les petites communes d'autant qu'ils sont arrivés dans le contexte des élections municipales. « C'est l'ancien conseil qui continue de gérer mais les nouveaux élus sont tenus informés », résume Patrice Carteron maire de Grammond, « mais la politique c'est secondaire, ce qui nous préoccupe c'est la santé de la population ».

Standard téléphonique

Si les besoins de la population existent toujours, les services de la mairie sont forcément affectés. A Grammond, la secrétaire de mairie est en télétravail : « On échange par mail, par téléphone. Parfois, avec les adjoints, on se retrouve sur le terrain en gardant nos distances bien sûr. » Mais difficile de répondre à toutes les demandes comme l'explique Jean-Luc Matray. « La mairie est fermée au public, mais nous avons gardé une permanence téléphonique aux horaires habituels avec pour priorité de régler les affaires courantes. On explique aux personnes qui appellent pour des petits soucis du quotidien (nuisances sonores, etc.) que c'est malvenu en cette période. On ne peut pas toujours répondre à toutes les demandes puisque le conseil municipal ne se réunit pas et ne peut donc pas délibérer. »

Garder... le contact avec les plus fragiles

Conscients de leur rôle, les deux maires assument la responsabilité de veiller sur les personnes les plus vulnérables. « Nous avons appelé toutes les personnes de plus de 70 ans qui vivent seules.  Avant, il suffisait d'ouvrir l'annuaire, aujourd'hui, de nombreuses personnes n'y apparaissent pas. Chaque conseiller est chargé de veiller sur les personnes de sa zone », précise Patrice Carteron. La démarche est identique à Belmont : « On a une responsabilité sociale vis à vis de la population âgée, importante dans notre commune, avec un habitat diffus. On a mis en place une cellule de veille et des élus volontaires font leurs courses. »

 

Jean-Luc Matray en profite pour rendre hommage « aux commerces de bouche de la commune qui continuent leur activité malgré les risques. Ils gardent un œil sur leur clientèle et on peut échanger ensemble si l'on voit des difficultés chez certains. Un esprit de solidarité renaît ». Dans un autre registre, à Grammond le maire a tenu à venir en aide aux infirmières libérales « qui n'ont pas ou peu de matériel pour se protéger et ne savent pas où s'en procurer. On leur a fourni des surblouses... de vétérinaire ! »

 

Le maire de Belmont espère que les leçons de cette crise seront retenues : « Dans nos zones rurales, on est privilégié car la plupart ont un peu d'espace pour profiter de l'extérieur. Ce monde rural, on ne l'a jamais autant envié alors qu'il a été parfois oublié au profit de la centralisation dans les espaces urbains. » De la même manière les producteurs agricoles sont plébiscités. « On n'a jamais eu autant besoin de nous, on n'entend plus tellement parler d'agribashing... J'espère qu'on saura s'en rappeler. » A Grammond, les agriculteurs privés de marché en ville ont décidé de s'organiser pour écouler les productions des serres auprès des consommateurs, en limitant bien sûr le contact. « Des citadins appellent les producteurs. Ils regroupent des commandes par quartier et on livre au pied des immeubles. Cela crée de nouvelles solidarités. On a tous besoin les uns des autres », conclut Patrice Carteron.

Franck Talluto et David Bessenay

 

A Grammond, le marché continue... ... mais s'adapte !

Le maire, Patrice Carteron, a obtenu le maintien du marché du samedi matin à Grammond pour pallier le manque de commerce d'alimentation. Mais les élus, présents dès l'aube, comme les clients, ont pris les mesures nécessaires : route coupée à la circulation, stands éloignés les uns des autres, sens de circulation piétonnier, distance de sécurité entre clients... « Ici, on est discipliné », se félicite l'édile. Disciplinés et... de bonne humeur ! « C'est notre sortie de la semaine, au moins on peut discuter ! » s'amusent les consommateurs malgré les plusieurs bons mètres qui les séparent. Les revendeurs eux aussi s'adaptent : gants, masques, gel... Le fromager a fait appel à son neveu pour rendre la monnaie et éviter les contaminations croisées. Du côté du primeur, on se réjouit de l'affluence, équivalente à celle d'avant la crise sanitaire, mais on peste contre la cacophonie qui a entouré l'arrêt puis le rétablissement de certains autres marchés, notamment celui de Chazelles-sur-Lyon. « Comment voulez-vous gérer les achats dans ces conditions ? » Après quelques jours de confusion, la situation des marchés de la Loire semble néanmoins éclaircie.

 

 

Le plus beau marché de France finalement maintenu

A l'annonce de la liste des marchés maintenus mardi dernier, de nombreux maires ont fulminé... C'était le cas du maire du plus beau marché de France, Christophe Bazile à Montbrison. « Oui, j'étais en colère... Après je peux comprendre que le préfet est là pour appliquer les directives de Paris, du ministère... » Mais l'édile de Montbrison et quelques autres ont repris le dialogue pour convaincre le représentant de l'Etat d'assouplir les règles. « Dans un but avant tout sanitaire, assure-t-il. Bien sûr qu'il existe à Montbrison d'autres commerces que le marché pour s'approvisionner, mais si on ferme le marché, on concentre la population et donc la propagation du virus dans d'autres lieux ! » Un argument derrière lequel visiblement le préfet s'est rangé puisqu'au final ce sont 45 puis 53 marchés qui ont été maintenus, bien plus que la première liste. Ce maintien est toutefois soumis à quelques conditions. Le maire de Montbrison s'explique : « D'ordinaire, il y a 250 forains, dont 100 dédiés à l'alimentaire. Samedi, il n'y en aura que 40, que des producteurs et vendeurs locaux ! Il n'est pas question de faire venir des Lyonnais qui se seraient approvisionnés au marché gare. » Samedi matin, le maire était sur place dès 7 heures du matin, accompagné de policiers municipaux et plus tard, de gendarmes. « Nous contrôlons les flux, il ne peut pas y avoir plus de 100 personnes à la fois. » A sa bonne foi, le maire a décidé d'y ajouter une preuve : « J'ai fait filmer le marché de la semaine passée et je l'ai mis en ligne sur notre site internet. Il y a eu 900 personnes, jamais plus de 2 ou 3 personnes à attendre au même stand. On voit bien que cela n'a rien à voir avec les marchés parisiens que l'on nous a montrés aux infos. » Et de conclure insistant : « Bien sûr que le maintien du marché est bon pour l'économie locale mais j'insiste, la première motivation est sanitaire. »
D.B.