Près de 10 % des agriculteurs français sont en bio

En 2018, la surface agricole utile (SAU) française engagée en agriculture biologique a dépassé les 2 millions d'hectares, passant de 6,5 % de la SAU totale en 2017 à 7,5 % en 2018, soit une progression de 17 %, a indiqué Philippe Henry, exploitant en agriculture biologique et nouveau président de l'Agence bio, lors de la présentation des chiffres annuels de la filière bio début juin. Ce rythme est supérieur à celui enregistré entre 2016 et 2017, ce qui s'explique en partie par le dynamisme des conversions en grandes cultures (+31 % entre 2017 et 2018). Trois autres secteurs tirent également cette croissance : les légumes, les fruits et la vigne (respectivement à +24 %, +20 %, et +20 %). Les surfaces en première année de conversion augmentent de 31 %, dépassant les 268 000 ha. 9,5 % des exploitations françaises sont certifiées bio, avec une hausse de 13 % du nombre de producteurs bio en 2018, soit 5 000 agriculteurs.
Les surfaces certifiées en bio devraient continuer à progresser de l'ordre de 250 000 à 300 000 ha par an dans les prochaines années, estime l'Agence bio. « La conversion des élevages est également en plein essor », ajoute Philippe Henry, avec une dynamique notable pour les monogastriques. On note par exemple +31,3 % pour les poules pondeuses bio, l'évolution de la mise en place des poules pondeuses bio ayant peut-être été dopée par la grippe aviaire de 2017 et les vides sanitaires qu'elle a entraînés, et +20 % pour les truies, la production ayant un retard important à combler. Du côté des ruminants, les brebis laitières, vaches laitières et chèvres progressent de 20 %, 14 % et 15 %, mais la croissance est moindre pour les brebis et vaches allaitantes (+6 % et +8 %). Enfin, si 60 % des exploitations et des surfaces en bio se situent dans quatre régions, l'Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes et Pays de la Loire, la hausse des surfaces conduites en bio se maintient ou se renforce dans l'ensemble des régions.
Une bio en tension
Avec cette progression de la bio, s'opère un véritable changement d'échelle. « Le bio sort de sa niche pour devenir une norme », salue ainsi Philippe Henry. Symbole de cette montée en puissance, la moitié de la consommation de bio (49 %) est désormais portée par les enseignes de la grande distribution. Le chiffre d'affaires des distributeurs généralistes a augmenté de 22,6 % en 2018. Parallèlement, un nouveau règlement bio a été adopté en 2018 au niveau européen, après quatre ans de négociations. Depuis plusieurs mois, les modalités de son application, et l'interprétation du texte, font l'objet de négociations au niveau européen et national.
La Fnab compte sur ces négociations pour empêcher “l'industrialisation” de la bio. En témoigne l'affaire des serres chauffées qui a fait la Une de l'actualité ces dernières semaines. Mobilisant l'opinion publique avec une pétition, la Fnab tente d'influer sur l'interprétation qui sera faite par la France de la réglementation européenne, qui n'interdit pas explicitement cette pratique pour le moment. Au niveau européen, ces négociations sur l'application du règlement bio se font entre États membres, dans le cadre de l'élaboration des actes d'application, dits secondaires, dont le but est de « préciser le règlement » sur certains points. L'échéance de la publication de ces actes est 2020, pour une application effective en 2021. Les prochains mois devraient donc être cruciaux.
Taille des élevages et épandage
La délicate question de la taille des élevages de poules pondeuses sera tranchée pendant les négociations européennes. Le règlement de 2018 prolonge la limite de 3000 poules par « salle d'élevage », mais ne fixe pas de plafond pour l'exploitation entière. La Fnab appelle à l'instauration d'une limite de 9 000 poules (trois salles d'élevage) pour l'ensemble d'une exploitation. Certains pays du Nord, comme les Pays-Bas, rejettent en bloc l'idée d'une limitation des effectifs. La définition des modalités d'application du règlement se joue également au niveau français, via la rédaction des “guides de lecture”, qui interprètent le texte, et servent de base pour les contrôles de certification. L'élaboration de ces guides se négocie au sein du Comité national de l'agriculture biologique (Cnab), à l'Inao.
Ces derniers mois, un autre sujet lié au changement d'échelle de l'agriculture biologique a fait l'objet de discussions intenses au sein de ce comité : l'utilisation d'effluents d'élevage conventionnels pour fertiliser les champs bio. Pour le moment, l'agriculture biologique n'a en effet pas la capacité d'être autonome en azote, et se fournit en effluents essentiellement issus d'exploitations non bio. Le règlement européen interdit d'utiliser des effluents d'élevage dits « industriels ». Mais l'interprétation de ce terme doit être définie au niveau national. La Fnab appelle donc à une définition stricte de cette notion, même si l'organisation ne veut pas d'interdiction totale d'utilisation d'effluents venant d'élevages conventionnels. La FNSEA souhaite une définition plus souple. La Fnab a connu une première victoire sur ce sujet : dans un guide de lecture publié en décembre, l'Inao recommande l'interdiction des effluents venant « d'élevages en cages ou sur caillebotis intégral ». « Nous sommes vent debout contre ces dispositions, alerte au contraire Étienne Gangneron, de la FNSEA. Ce serait un coup d'arrêt pour de nombreuses cultures bio. »
Forian Cazeres
Dossier complet à retrouver dans notre édition papier datée du 2 août 2019