Delphine Tailliez
Santé : l’intérêt de la prévention par l’alimentation

Initié par l’Interprofession des fruits et légumes frais (Interfel) et l’Agence pour la recherche et l’information en fruits et légumes (Aprifel), le programme Fruit & Veg 4 Health se termine. Bilan et perspectives avec Delphine Tailliez, directrice adjointe d’Aprifel.

Santé : l’intérêt de la prévention par l’alimentation
Aprifel mène, depuis 2018, une action innovante d’accompagnement des professionnels de santé pour qu’ils portent le message de la prévention-santé via l’alimentation, et notamment les fruits et légumes.

Quel était l’objet du programme Fruit & Veg 4 Health qui vient de se terminer ?

Delphine Tailliez : « L’alimentation est un des facteurs qui permet de prévenir les maladies non transmissibles. Il est urgent d’agir car on commence à voir une augmentation de ces maladies en termes de prévalence. On commence à avoir une augmentation de l’obésité, et en parallèle une diminution de la consommation de fruits et légumes. Nous avons décidé, avec les partenaires d’Aprifel, de proposer une action innovante : accompagner les professionnels de santé car ils sont la voix du conseil médical. Le but est de nous baser sur cette relation professionnel-patient, parce que c’est une relation de confiance, qui permet de faire passer des messages. L’initiative du programme vient de ce constat : passons de la science à l’action. Et l’action doit se positionner sur cette relation. Le programme a commencé en 2018. Il repose sur la formation des professionnels de santé et se base sur des fiches pratiques, des dépliants dans les salles d’attente et par une présence régulière dans des congrès médicaux et dans la presse médicale. Avec à chaque fois un message répété : l’intérêt de la prévention par l’alimentation. Depuis le lancement de ce programme en 2018, nous avons réalisé 15 fiches pratiques (il y en aura 17 en tout, il en reste deux à finaliser). Ces fiches ont été diffusées auprès de 23 000 médecins, soit 20 % de cette profession. Un bon résultat car notre ambition était de toucher 10 % de cette cible. Et avec les relais presse, nous estimons avoir touché beaucoup plus de monde. »

Avez-vous pu tirer un premier bilan ?

DT : Nous avons fait réaliser une enquête (1). Il en ressort que 96 % des médecins sont sensibles au fait que l’alimentation est un point clé, qu’elle joue un rôle essentiel sur la santé. Si deux tiers des médecins font des recommandations, c’est en priorité aux personnes en surpoids, aux femmes enceintes et aux enfants. Cela veut dire qu’ils n’activent pas réellement le rôle de la prévention. Pourtant, la prévention, ce devrait être quelque chose que l’on active pour tous. Par ailleurs, seulement un tiers des professionnels de santé font des recommandations pour convaincre le patient d’aller vers des professionnels de la nutrition. Ce n’est pas assez. En revanche, nous constatons que nous avons un excellent retour sur les fiches que nous avons envoyées. 86 % des médecins les jugent très utiles. Et ils les recommanderaient volontiers à d’autres praticiens. On constate aussi que ces professionnels ne recommandent pas suffisamment les cinq fruits et légumes par jour. Ils considèrent que c’est un acquis. De plus, il n’y a qu’un praticien sur deux qui fait le lien entre consommation des fruits et légumes et prévention des maladies. Et ils sont 17 % à estimer que la recommandation du cinq par jour est trop élevée.

Ces chiffres ne sont pas surprenants. Ils sont globalement positifs, car ils révèlent que les professionnels de santé ont conscience du besoin de faire de la prévention, et que l’alimentation est un point important. Mais on s’attaque à un changement de modèle : seulement 1 % du budget de la sécurité sociale est consacré à la prévention. Et donc 99% est sur du curatif. Donc notre ambition est de développer ce 1 %, car la prévention, cela coûte moins cher pour tout le monde, que ce soit le patient ou le système de santé. Si ces résultats sont bons, ils ne sont pas suffisants. Ils nous encouragent à poursuivre. C’est un chantier de long terme que nous avons initié. »

Quelle est la réaction des médecins lorsqu’ils reçoivent une information en provenance de la filière fruits et légumes ?

DT : « Aprifel est composé de trois conseils. Un conseil d’administration avec les professionnels représentants la filière des fruits et légumes, un conseil scientifique avec des médecins, des chercheurs, des nutritionnistes, …, et un conseil consommateur avec des associations de consommateurs. Il faut que ces trois conseils soient d’accord pour que l’on produise une communication. Par ailleurs, notre approche est globale. On a bien entendu un focus fruits et légumes, car nous n’en consommons pas assez. La moyenne en France est de 300 grammes sur les 400 recommandés par jour. Et nous en consommons de moins en moins. Donc il est légitime de parler fruits et légumes au regard de l’enjeu que cela représente. Mais notre approche est de promouvoir une alimentation variée et équilibrée. Il faut des Oméga 6, des Oméga 3, du lait, du gras, des féculents, … et des fruits et légumes. Nous ne sommes pas des dogmatiques des fruits et légumes. »

Quels sont vos projets ?

DT : « Il va se passer deux choses. Tout d’abord, le matériel a été créé, les fiches existent. Il nous faut continuer à diffuser les fiches afin de toucher plus que 20 % des médecins. Nous allons déposer un dossier pour avoir des financements européens. Nous voulons essayer de créer une communauté de praticiens convaincus qui seraient les ambassadeurs de l’enjeu de la prévention via l’alimentation, notamment les fruits et légumes, mais pas que. Le but est qu’au final, un patient ait un message commun et cohérent sur l’alimentation et la prévention, quel que soit le professionnel de santé qu’il rencontre. Nous allons aussi diffuser ces fiches au niveau européen, dans les langues locales. Nos partenaires nous les demandent. Enfin, nous allons travailler sur la formation des médecins en continu. Toutes ces réflexions sont en cours afin d’avoir plus d’impact sur les professionnels de santé. »

Source : Actu Agri


(1) Baromètre perceptions et attitudes des professionnels de santé à l’égard des fruits et légumes réalisé par CSA Research