Histoire
Revivez les premières éditions du comice de Feurs

1884 est l’année de la création officielle du comice agricole de Feurs. L’organisation et le déroulement de cet événement étaient bien différents de ce qu’ils sont aujourd’hui. Les documents relatant les premières éditions de cette manifestation forézienne le prouvent.

Revivez les premières éditions du comice de Feurs
Affiche du comice de Feurs de 1885 et de 1904. D’une dimension de 50 x 80 cm pour la première, et plus grande pour la seconde, elles faisaient office de règlement des concours et de programme.

Le marquis Emmanuel de Poncins a organisé le premier comice de Feurs en 1884. Il se déroulait place de l’Hôtel-de-Ville. Cet homme né en 1830 était propriétaire foncier à Saint-Cyr-les-Vignes. A cette époque, la plaine du Forez était considérée comme pauvre et insalubre en raison de ses marécages. Le paludisme sévissait au sein de la population et l’agriculture y était misérable. Sur sa ferme, le marquis de Poncins a aménagé un réseau de fossés et de canaux, a lancé de grands travaux d’irrigation et a fait labourer les terres. Chevaux et vaches sont ensuite arrivés. Il fut ainsi un modèle pour l’agriculture de la plaine du Forez et a toujours porté une attention particulière à son évolution.

Hommage à l’œuvre du marquis de Poncins

Un document intitulé « Souvenir de la séance tenue le 6 mars 1894 par le Comice agricole de Feurs » relate cette édition : « C’était hier le Comice agricole de Feurs. Dès l’aube, les rues de la riante ville retentissaient d’une animation inaccoutumée, due au nombre considérable des étrangers accourus pour prendre part à cette fête du travail des champs : agriculteurs venus pour exposer leurs animaux ou leurs produits, marchands désireux de profiter des transactions qui ne pouvaient manquer de se produire, curieux qu’avait attiré l’intérêt présenté par cette manifestation agricole. La place de l’Hôtel-de-Ville et la place de l’édifice municipal servent de champ d’expositions : là, les taureaux, les bœufs et les vaches ; ici, les instruments agricoles ; plus loin, les produits de toutes sortes. On s’arrête un peu partout, car tout mérite et retient l’attention ; aussi ne circule-t-on que fort difficilement. »


Abonnez-vous à Paysans de la Loire 


Ce même jour, le marquis de Poncins s’est vu offrir un objet d’art de l’artiste Pépin par M. Ory, médecin-vétérinaire et député, qui était à l’origine de cette initiative rendue possible grâce à une souscription ouverte auprès des Foréziens : « un bronze superbe, qui ne mesure pas moins d’un mètre de hauteur et qui a obtenu la première médaille au salon de 1892 », intitulé « Gloire au travail ». Il rend ainsi hommage à l’œuvre du marquis accompli en faveur de l’agriculture. « Une existence entière consacrée à la défense des intérêts agricoles, par l’impulsion qu’il a donnée à l’assainissement et à la mise en valeur des terrains marécageux de la plaine du Forez, par les progrès importants qu’il a fait faire à notre élevage, par la création de nombreux comices, syndicats et autres sociétés agricoles. »

« Comparer, c’est s’instruire »

Quelques années plus tard, voici ce que relatait le journal L’Avenir montbrisonnais du 20 mars 1904 au sujet du comice de Feurs : « Tout autour de la place de l’Hôtel-de-Ville, dont le centre était occupé par les machines agricoles, propriétaires et fermiers avaient amené les plus beaux spécimens des espèces bovines, porcines et ovines. » Cette édition s’était tenue mardi 15 mars, « par un temps splendide semblant vouloir rehausser encore l’éclat de cette fête et dédommager de leur labeur et de leur zèle infatigable les membres du comice agricole de cette cité ». Parmi les machines exposées, on retrouvait des moissonneuses-lieuses, des râteaux à cheval, des herses canadiennes, des charrues ordinaires et des charrues fouilleuses, des rigoleuses, des rouleaux simples et ondulés ou encore des barattes.


Lire aussi : Le comice et les Dosson, une longue histoire


Le discours du marquis Maurice de Poncins, président de l’événement, était relaté dans sa totalité. Extrait : « Notre concours a pris rang parmi les premiers concours de France, aussi bien par le nombre que par la qualité des animaux. La plupart des bêtes exposées à Feurs feraient bonne figure au concours de Paris, et nous pouvons prétendre, sans crainte d’être démentis, que les agriculteurs du Forez ont acquis la perfection dans l’art d’engraisser. Il serait désirable maintenant qu’ils perfectionnent leur élevage, et c’est encore par les concours que nous obtiendrons ce résultat. Pour apprendre à bien élever, il faut pouvoir comparer ses animaux avec ceux des voisins. Comparer, c’est s’instruire. » 

Les animaux arrivent par le train

Autre document, autre époque. Le catalogue du comice du mardi 1er avril 1930 reprend le règlement du concours. Animaux, machines et produits devaient arriver avant 8 heures et pouvaient repartir à 15 heures. Les « opérations du jury pour les bêtes à cornes, volailles et machines agricoles » se déroulaient de 10 à 11 heures et la remise des prix à 14h30 à l’Hôtel-de-Ville. L’âge des animaux était défini selon la dentition.


Lire aussi : Le comice, « une émulation d’éleveurs »


C’est dans ce document que l’on comprend que les animaux et les machines pouvaient arriver à Feurs par le train : la compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée et celle de Paris à Orléans « ont bien voulu accorder leurs tarifs réduits pour le transport de tous les animaux, instruments et produits qui seront amenés au concours de Feurs. […] Ils paieront plein tarif à l’aller et le retour sera gratuit. »

A l’heure d’internet

Le comice a traversé les décennies, a su demeurer une tradition bien ancrée dans la plaine du Forez tout en évoluant avec son temps. Désormais, les éleveurs inscrivent leurs animaux aux concours via internet. C’est effectivement la nouveauté de l’édition 2024 : la Chambre d’agriculture a mis à disposition de l’association du comice agricole de Feurs son site internet pour que les exposants puissent enregistrer les informations relatives aux bovins et ovins qu’ils préparent pour la manifestation. Après extraction des données, les fichiers ont été transmis aux organisateurs, qui n’ont pas eu la lourde tâche de la saisie, comme c’était le cas les années précédentes. Puis, comme d’habitude, à partir de ces fichiers, les responsables des concours ont pu finaliser les sections et préparer tous les documents dont ils ont besoin pour le bon déroulement du concours et la remise des plaques.

 

Lucie Grolleau Frécon

Les dates à retenir

1884 : organisation du premier comice à Feurs

1884-1902 : Emmanuel de Poncins président du comice

1902- 1957 : Maurice de Poncins président du comice (à partir de 1904 de l’association qui l’organise)

1904 : dépôt en sous-préfecture des statuts de l’association

1906 : construction des écuries à proximité du centre-ville de Feurs

1914 à 1918 et 1939 à 1945 : pas de comice pendant les deux conflits mondiaux

1923 : appel à des partenaires privés pour une aide financière pour relancer la manifestation après la Première guerre mondiale

1958-1965 : Henry de Poncins président de l’association du comice

Début des années 1960 : les vaches laitières quittent les écuries du comice, après avoir occupé la majorité des places pendant plusieurs années

1966-1989 : Jean-Pierre de Poncins président de l’association du comice

Années 1970 : les reproducteurs laissent les animaux gras prendre la première place

1989-1999 : Jean Dosson président de l’association du comice

Milieu des années 1990 : retour en force des ovins au comice

1999-2023 : Pierre Dosson président de l’association du comice

2001 : l’épidémie de fièvre aphteuse fait vivre le premier comice sans les animaux dans les écuries

2002 : mise en place d’une exposition spécifique pour les reproducteurs charolais

2008 : arrivée officielle des animaux de race Limousine dans les écuries

2009 : installation d’une mini-ferme au sein des écuries

2020 : le comice ne peut pas se tenir en raison du Covid, les animaux sont jugés dans les fermes

2021 : toujours en raison des restrictions sanitaires liées au Covid, les animaux sont présents une seule journée

2023 à aujourd’hui : Frédéric Duchêne et Jean-François Cottin co-présidents de l’association du comice