Abattage
Plus rare, plus chère : la grenouille, produit de luxe

À Saint-Nizier-sous-Charlieu, les établissements Fenouillet sont spécialisés dans la transformation de la grenouille vivante. Si autrefois le produit était accessible, sa raréfaction et la difficulté d’approvisionner en font désormais un produit de luxe. 

Plus rare, plus chère : la grenouille, produit de luxe
« En 30 ans, le prix a été multiplié par trois », constate Évelyne Fenouillet. ©AdobeStock

L’histoire débute en 1980. Le père d’Évelyne Fenouillet, aujourd’hui directrice des établissements éponymes, se rend quotidiennement au marché de la Gare, à Lyon. Il y pratique l’achat-revente de poissons. Le Ligérien rencontre alors des Turcs qui vendent de la grenouille. « Il s’est lancé un peu par hasard, raconte sa fille. Ces importateurs lui ont donné 20 paniers à dépouiller. Mon père les a pris et leur les a remontés à Lyon le lendemain. Les clients ont été satisfaits, et c’était parti. » 

Les établissements Fenouillet sont spécialisés dans l’abattage de grenouilles vivantes depuis 1985. En France, ils ne sont que deux. « Nous proposons de la grenouille fraîche. Elle arrive de Turquie par camion une fois par semaine, en caisse de 4 ou 6 kg. » De temps en temps, quand le volume de batraciens n’est pas assez important, il est livrés par avion. 


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La plupart des grenouilles consommées en France sont congelées et viennent « d’Indonésie ou Vietnam », détaille Évelyne Fenouillet. Et ne sont pas des grenouilles vertes comme celle proposée par l’entreprise saint-nizieroise. La concurrence des poissonniers ou des grossistes est rude. Très rude. « Ils proposent de la grenouille déjà dépouillée », poursuit la professionnelle, dépitée. 

Élevage difficile

En France, la pêche à la grenouille sauvage est interdite depuis 1979 pour protéger les espèces. D’où l’importation. « En Turquie, ils protègent les grenouilles contre les prédateurs et les contraintes environnementales ne sont pas les mêmes. » Sans compter qu’élever des grenouilles est compliqué (lire par ailleurs). « Un temps, nous avions réfléchi à nous lancer dans cette voie, mais c’était trop difficile alors qu’il y a une demande. Si c’était facile, tout le monde se serait l’aurait fait... » 


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Une matière première de plus en plus difficile à trouver, car plus rare et, donc, toujours plus chère. « L’entreprise a été créée en 1980 et on s’est vraiment lancé dans la grenouille cinq ans après. Avant, on avait beaucoup de matière première, mais depuis quatre ou cinq, ans la quantité a baissé et les prix ont augmenté. » L’engrenage tourne : un produit qui devient plus cher est de fait moins demandé. « C’est devenu un luxe. En 30 ans, on a multiplié le prix par trois », lâche Évelyne Fenouillet. 

Autrefois, trouver des cuisses de grenouille sur les tables pour Noël n’était pas rare. « C’était un produit festif quand il était abordable », se rappelle la directrice. Mais les fêtes ne font pas partie de la saisonnalité du produit. Les établissements Fenouillet travaillent surtout entre Pâques et la fin septembre. 

La Dombes, client principal

La plupart des clients de la structure ne sont pas ligériens. « Dans le département, la grenouille congelée est plus la norme, sauf chez les gastros ou les étoilés. Les restaurateurs font très peu de fraîches contrairement à la Dombes, dans l’Ain, où c’est une tradition. Ils sont nos premiers débouchés. » L’entreprise propose aussi de l’abattage de carpes. Là aussi, la Dombes est le premier client, loin devant la Loire. Même si, à l’origine, le département était bon client. 


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Quelques particuliers viennent sonner directement au 147 rue Vasco-de-Gama. S’ils ne sont pas nombreux, ils sont réguliers. « Ce sont des personnes qui veulent se faire plaisir en mangeant de la grenouille fraîche », souligne Évelyne Fenouillet. Mais la conjecture ne permet pas à la cheffe d’entreprise d’envisager sereinement la suite. « C’est de plus en plus dur de vivre correctement de cette économie. » 

Quelques années en arrière, lors de la période estivale, l’entreprise employait jusqu’à six personnes pour dépouiller les grenouilles. Désormais, elles ne sont plus deux. 

Alexandra Pacrot