FDSEA
L’abeille au centre des préoccupations

Après une première rencontre fin 2018, la section céréales et la section apicole de la FDSEA ont lancé un partenariat visant à aider les apiculteurs. Le président de la section céréales, Raphaël Raynaud, et celui de la section apicole, Philippe Barrière, présentent ce projet.

L’abeille au centre des préoccupations
Raphaël Reynaud et Christelle Cherbland apicultrice sur l’une des deux parcelles de 3 000 m2 semées par l’agriculteur.

Philippe Barrière est apiculteur depuis 1995 et installé depuis 2005 en tant qu’exploitant à titre principal. Il possède 350 ruches en production. Il est l’un des cinq producteurs de gelée royale de la Loire (30 ruches en sa propriété). Chacune comprend environ 100 000 abeilles, contre 80 000 abeilles pour les autres ruches.

Philippe Barrière, président de la section apicole de la FDSEA, constate que « depuis 20 ans, de moins en moins d’espèces à fleurs sont semées pour les prairies, ce qui nuit à la santé des abeilles. Nos forêts ont également beaucoup changé avec des espèces non mellifères qui ont remplacé des espèces mellifères, sans parler du réchauffement climatique ». Les haies, importante source de nourriture pour les insectes pollinisateurs, ont progressivement disparu, ce qui a réduit le nombre d’espèces à proximité des cultures et donc le nombre de pollinisateurs. « Il fallait donc agir pour préserver nos abeilles », insiste Philippe Barrière.

Les scientifiques estiment que 80 % des plantes à fleurs ont besoin des pollinisateurs pour leur reproduction : ce sont eux qui transportent le pollen d’une fleur à l’autre. Le pollen va permettre la fécondation, qui va entrainer la présence de fruit ou de graines.

En réflexion depuis 2018

 « C’est la commission céréales qui a lancée l’idée », précise Raphaël Raynaud, président de la section céréales de la FDSEA. Il est installé en Gaec avec son frère sur la commune de Sury-le-Comtal. L’exploitation céréalière compte 212 hectares répartis sur cinq communes. La compagne de Raphaël est installée en EARL avec un poulailler bio et 30 vaches allaitantes de race Charolaise. Les céréaliers étant obligés de semer des couverts et les apiculteurs manquant de nourriture pour leurs abeilles à une certaine période de l’année, un terrain d’entente pouvait être trouvé. Les protagonistes se sont rencontrés en 2018 à Apinac pour que les céréaliers puissent découvrir le métier d’apiculteur et que chaque profession expose ses contraintes. À la suite de cette première rencontre, des idées ont germé. Le but de la démarche est que les agriculteurs sèment des plantes mellifères pour apporter de la nourriture aux abeilles à une période de l’année (en juillet) où elle est de plus en plus rare, afin qu’elles conservent une activité et qu’elles combattent le varroa (1) grâce à une meilleure santé.

C’est en 2020 que les premiers essais ont été réalisés. Malheureusement, ils n’ont pas vraiment porté leurs fruits en raison du temps sec qui a empêché la levée des couverts.

Plusieurs solutions pour couvrir les besoins alimentaires des abeilles existent :

- semer des couverts mellifères après récolte des céréales ;

- semer des prairies temporaires mellifères ;

- implanter des haies ou des bandes enherbées.

Raphaël Raynaud a fait le choix d’utiliser deux petites parcelles de 3 000 m2 difficiles à travailler à cause de leur taille. Il a semé un mélange (trèfle, phacélie, luzerne) et prévoit d’implanter une prairie mellifère temporaire sur une parcelle d’un hectare pour observer l’impact sur les abeilles. Il pense faire pâturer des vaches à terme. Un autre agriculteur a prévu d’implanter un couvert derrière un blé. Les céréaliers et les apiculteurs ont réussi à débloquer une aide de 1 000 euros de la Région pour la semence.

Des intérêts communs

Selon Raphaël Raynaud, ce partenariat peut être gagnant-gagnant :« les apiculteurs ont besoin d’espèces mellifères, les agriculteurs ont besoin de pollinisateurs pour leurs cultures. De plus, ils sont obligés de semer des couverts. Il est important de travailler ensemble pour que chacun en tire un bénéfice ».

Philippe Barrière ne dit pas le contraire : « L’avantage de ce partenariat pour les apiculteurs est de compenser le manque de nourriture à une période de l’année. En trouvant de la nourriture à cette période-là, les abeilles vont conserver de l’activité, ce qui va leur permettre de lutter plus efficacement contre les maladies et de faire du stock pour l’hiver. L’apiculteur aura donc moins besoin de nourrir ses abeilles si elles trouvent encore de quoi subsister entre juillet et octobre et comptera moins de pertes en hiver. Les agriculteurs avec lesquels nous travaillons sont aussi conscients du rôle de l’abeille et de ce qu’elle peut apporter à leurs cultures. Les couverts implantés pour l’hiver peuvent aussi servir d’engrais vert

« Le but est de donner une bonne image de notre métier », argumente Raphaël Raynaud. Il estime que sa profession est trop souvent critiquée, à tort, notamment pour l’utilisation de produits phytosanitaires alors que « notre utilisation est vraiment raisonnée ».

Pour Philippe Barrière, la question ne se pose pas : « l’avenir de l’apiculture passe par ce type de partenariat. Si ça ne marche pas, les jeunes ne pourront pas s’installer sans prendre de terrain ». Selon lui, « c’est également une chance de ramener de la biodiversité, pas seulement des abeilles mais aussi d’autres pollinisateurs ». Il rappelle également que « l’abeille est un maillon essentiel de l’agriculture, avec une énorme valeur de pollinisation ».

Un avenir positif ?

Pour les deux présidents, il est important que ce partenariat se développe. Philippe Barrière souhaite qu’à l’avenir « de plus en plus d’agriculteurs du département implantent des espèces mellifères en interculture ou en prairies pour avoir un bon maillage du territoire. D’autres départements l’ont fait et les retours sont positifs. » Une abeille butine dans un rayon de 3 km, il est donc important que dans son périmètre elle dispose de suffisamment de ressources.

Certaines méthodes de travail des agriculteurs pourraient également être bénéfiques comme réaliser ses traitements en soirée pour limiter l’impact sur la santé des abeilles ou trouver des associations de cultures complémentaires qui limitent le recours aux produits phytosanitaires. Afin de promouvoir ces nouvelles méthodes de travail et éveiller les consciences, « il faut sensibiliser les jeunes sur ces pratiques et l’importance des abeilles », conclu Philippe Barrière.

D’après Raphaël Raynaud, « l’avenir est positif, les deux professions se sont rapprochées, l’entente est bonne et chacun est conscient des contraintes du métier de l’autre. Nous devons donc continuer dans ce sens ».

Thomas Ribeyron

(1) Le varroa est le premier problème sanitaire de l’apiculture dans le monde. Cet acarien se multiplie dans la colonie. Lorsque le nombre de varroas devient trop important par rapport à la population d’abeilles, la varroase proprement dite apparaît. Cette maladie conduit à la mort de la colonie d’abeilles.

 

Les abeilles de l’apicultrice voisine, Christelle Cherbland, ont déjà pris leurs habitudes.