Production laitière
Améliorer la rentabilité dans l’élevage de génisses

Dans le cadre des Hivernales édition 2022, les réunions techniques de début d’année organisées à destination de ses adhérents, Loire conseil élevage s’est rendu au Gaec de Frilon à Saint-Romain-les-Atheux. L’objectif de la visite était d’aborder trois thématiques - coût d’élevage , rentabilité et le tamisage de ration – en s’appuyant sur l’expérience de l’exploitation.

Améliorer la rentabilité dans l’élevage de génisses
C’est au Gaec de Frilon, exploitation de la famille Chavana, qu’une assemblée d’une cinquantaine de personnes s’est regroupée pour assister à la réunion technique de Loire conseil élevage.

« Nous souhaitons profiter de ces Hivernales pour vous exposer le conseil de demain », annonçait en préambule Hervé Burnot, président de Loire conseil élevage (LCE) et éleveur dans le nord du département, associé du Gaec La ferme de Boisy. « On est là pour vous présenter ce conseil, mais aussi pour vous rassurer. »

Aux premières loges de la journée, l’exploitation du Gaec de Frilon (créé en 1985) présentée par l’un des deux associés. « C’est une exploitation de 100 hectares de Surface agricole utile (SAU) », répartis de la manière suivante : 10-12 ha de maïs, 6-7 ha de céréales, 45 ha de prairies naturelles et le reste en prairies artificielles temporaire. Le Gaec gère 63 vaches laitières de type Prim’holstein pour 632 000 litres produits (« 605 000 litres sont livrés à la coopérative Sodiaal ») et dispose également d’un atelier caprin, avec plus de 140 chèvres (« environ 130 000 litres de lait sont livrés à l’entreprise Agrial »).

La famille Chavana a « élevé 35 génisses en 2021. Elles naissent dans notre nurserie à l’entrée de l’exploitation. Pendant quinze jours, elles sont en niches individuelles, puis elles passent en cases collectives avec un Dal (Distributeur automatique de lait) pendant 90 à 100 jours, selon leur croissance », expliquait l’un des associés. Puis elles restent dans le bâtiment durant six à sept mois et viennent ensuite dans un des deux lots de l’exploitation. « On essaie ensuite de les lâcher au pâturage, quand elles atteignent entre sept et dix mois, en fonction de la saison. Elles sont ensuite mesurées avec un ruban ; dès qu’elles ont 15 mois, si elles font 400 kg ou 1,70 m de tour poitrine, elles sont inséminées. »

Trouver le meilleur rendement en première lactation

Après cette contextualisation de l’exploitation, plusieurs techniciens de LCE se sont succédé pour aborder différents sujets liés à une thématique commune : l’amélioration de la rentabilité des génisses.

A commencer par Nicolas Jacquet, technicien sur le secteur de Noirétable, dont la présentation était axée sur le coût d’élevage des génisses. Une étude effectuée grâce à un fichier Excel, démarrée fin 2021, où les coûts de génisses ont été recensés et calculés auprès d’une quinzaine d’exploitations du territoire. « Le coût d’élevage des génisses (hors main d’œuvre et amortissement des bâtiments) varie de 970 à 1 385 euros, traduisant un écart important entre le coût le plus bas et le plus haut. Cela correspond à une variable de 1 à 32 euros les 1 000 L en coûts de renouvellement », développait d’ailleurs le technicien

Aujourd’hui, pour le Gaec de Frilon, les génisses coûtent 1 200 euros à produire. Comment se justifie ce montant ? « Entre la valeur à la naissance (150 euros), l’âge au vêlage (27,5 mois), le nombre et le prix de l’IA par génisse (1,5 doses à 83 euros), les traitements systématiques (traitement anti coccidien, cure sélénium, deux bolus et deux traitements antiparasitaires), le surcoût engendré par les pertes des congénères (six génisses mortes à un âge moyen de cinq jours), et le coût alimentaire (fourrages, paille, concentrés et minéraux), le compte y est », précise Nicolas Jacquet. Avant d’ajouter : « Mais attention, c’est un résultat brut, on ne prend pas en compte les charges de structure ou la main d’œuvre ».

En moyenne, une génisse coûte 1,44 euro par jour. Elle consomme 6,19 tonnes de fourrage (dont 1,275 de paille) et 840 kg de concentrés. Toutefois, ce coût est propre à chaque exploitation, puisqu’il dépend de la quantité moyenne de lait produit par les vaches en première lactation, ainsi que du coût de ration moyen annuel. En fin de première lactation, une génisse aura rapporté 14 euros ; elle doit donc produire 8 267 litres pour être amortie.

Au Gaec de Frilon, « l’exploitation est à 10 euros en coût du renouvellement aux 1000 litres. Le renouvellement des génisses représente un investissement de 6 300 euros par an », poursuit le technicien sur Noirétable. Parmi la quinzaine d’exploitations consultées, la meilleure atteint seulement 1 euro pour 1000 L en coût de renouvellement, contre 40 euros (dans des troupeaux où il y a beaucoup de pertes et où le prix des réformes est très faible). Avec un objectif optimal de 0 euro, la moyenne actuelle pour les troupeaux – 15 exploitations - est de 18 euros pour 1000 L.

En termes d’axes de réflexion, deux stratégies doivent être fortement envisagées pour optimiser le rendement des génisses. D’une part, en élever le minimum et ce, en utilisant le croisement industriel ; d’autre part, élever plus de génisses et vendre des génisses amouillantes ou post vêlage, tout en étant vigilant sur le coût d’élevage et de ne pas vendre à perte. Car « quelle que soit l’option choisie, un vêlage précoce et miser sur la longévité, c’est la stratégie gagnante », concluait Nicolas Jacquet, précisant toutefois « qu’il faut rajouter entre 300 et 400 euros par génisse, pour la main d’œuvre et l’amortissement du bâtiment ».

Axel Poulain

Efficow / Un outil calculant la rentabilité des vaches

Avec l’outil numérique Efficow, les éleveurs peuvent calculer l’efficacité économique, notamment en déterminant la rentabilité de chaque vache. Ceci en prenant en compte tous ses produits (réforme, lait, qualité du lait, PAC, veaux) et toutes ses charges (élevage des génisses, charge de structure, tarissement, engraissement, alimentation, santé et reproduction) à chaque lactation et tout au long de sa carrière. 

Clémence Petit, technicienne LCE sur le secteur du Pilat, évoquait d’ailleurs le mode d’emploi de cet outil. « Plusieurs paramétrages doivent être effectués au préalable sur Efficow avant d’obtenir le bilan des vaches. Tout est mis par défaut et l’éleveur peut ensuite ajuster en fonction de son troupeau. » Quatre onglets sont disponibles pour gérer les paramètres de l’élevage : « Valorisation du lait », « Valorisation de la viande », « Élevage des génisses » et « Élevage des vaches laitières »

Reflétant l’efficacité économique, plusieurs conclusions peuvent être tirées après utilisation d’Efficow. Ainsi, faire vêler jeune est une opération rentable. Par ailleurs, trop de renouvellement (induisant trop de premières lactations) dans le troupeau n’est pas une stratégie économe. Il est plutôt recommandé de viser un objectif de 100 % des deuxièmes lactations rentables. Ne pas négliger l’importance de faire vieillir une vache. Enfin, viser la production par vache permet d’augmenter la rentabilité des vaches sur une carrière.

Alimentation / Stratégie de tamisage de ration et bonne utilisation de la mélangeuse

Louka Joassard, autre technicien chez LCE, évoquait le tamisage de ration, en donnant l’exemple du tamis Pennstate, « un modèle connu par grand nombre ». « L’objectif, c’est de regarder la cinétique de dégradation des aliments dans le rumen. » Ainsi, lorsque l’on parle de production, c’est à la fois sur le plan nutritionnel et non-nutritionnel. « Il faut donner une ration facilement digestible et qui reste peu de temps dans le rumen pour que les vaches puissent en ingérer beaucoup ».

Après une dizaine d’années d’utilisation par les contrôles laitiers d’Auvergne Rhône-Alpes, un grand nombre de rations ont pu être tamisées pour finalement dessiner une « ration de référence ». « Aujourd’hui, nos objectifs sont des rations bien digérées, pas trop encombrantes et sans risques d’un point de vue acidose, précisait le technicien. Donc sur un système ensilages d’herbe et de maïs, les objectifs sont les suivants » :

-       Moins de 35 % des particules doivent être dans le tamis supérieur (particules les plus grosses, qui représentent le matelas au niveau du rumen). Si on en a plus, on va demander au rumen de tourner énormément, la vache va moins ingérer et donc, moins produire. Le Gaec de Frilon se trouve à 32%. On retrouve essentiellement des particules d’ensilage d’herbe, un peu de maïs aussi.

-       Plus de 40 % des particules doivent être dans le tamis médian (particules intermédiaires, contenant notamment des grains éclatés). Le Gaec de Frilon est à 42 %.

-       Enfin, entre 20 et 25 % des particules doivent se retrouver dans les tamis inférieurs (particules les plus fines). L’exploitation atteint 25 %.

En conclusion, le technicien indiquait retenir du Gaec « une très bonne gestion de la mélangeuse ». Ceci en sensibilisant sur l’importance de se dire dans quel sens on met ses aliments, combien de temps faire tourner la mélangeuse, quel aiguisage pour les couteaux, etc. « Aujourd’hui, avoir une mélangeuse, c’est très bien, mais il faut savoir s’en servir et ne pas tout mettre dedans et faire de la bouillie. Lorsque l’on a des doutes sur le mélange et sur l’efficacité de la ration, on peut demander au conseiller de tamiser la ration pour donner un visu. »