Cyclisme
Raymond Poulidor, perdant magnifique

Cette année, Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne Franche-Comté vont accueillir onze étapes du Tour de France. Parmi les coureurs de légendes, personne n’a oublié Raymond Poulidor, né dans le Massif central, aux frontières de l’Auvergne. Alors que le départ de la Grande boucle sera lancé le 1er juillet, retour dans les années 1960.

Raymond Poulidor, perdant magnifique
La mythique ascension du puy-de-dôme en 1964. Qui d'Anquetil ou de Poulidor l'emportera ? © ASO

Le Massif central est une terre de cyclisme et de légendes, et quand on parle de cycliste de légende, on pense tout de suite à Raymond Poulidor. Né à Masbaraud-Mérignat en Creuse entre les deux guerres, il grandit entre Creuse et Haute-Vienne, à Sauviat, puis à Auriat, où il découvre le biclou avec ses frères André et Henri qui faisaient déjà de la course alors que Raymond avait plutôt des rêves de boxe en pleine gloire de Marcel Cerdan.

D’abord engagé dans des courses locales, il remporte sa première victoire en 1954 à Saint-Léonard-de-Noblat. Il participe le 2 août 1956 au Bol d’Or des Monédières en tant que meilleur coureur régional ; encore amateur mais déjà populaire, il finit sizième en tenant tête à Raphaël Geminiani et Louison Bobet, monstres du cyclisme de l’époque. Bobet, apparemment contrarié par le comportement en course de Raymond, se serait précipité en salle de presse pour demander : « Qui est ce coureur plus applaudi que moi et que le public appelle la Pouliche ? »

Quelques jours jour tard, il remporte la course de Peyrat-le-Château et 120 000 francs. La somme est énorme pour ce fils d’agriculteurs, pourquoi ne pas tenter sa chance chez les pros ?

En rentrant du service militaire, course après course, Raymond finit par se faire remarquer par les équipes professionnelles, et ce sont les cycles Mercier et le directeur sportif Antonin Magne (vainqueur de deux Tours de France avant-guerre) qui l’engagent en 1960.

Le duel au sommet

C’est sur la Grande Boucle que s’écrivent les pages de l’Histoire cycliste : l’une des plus grande est celle de ce combat épique du 12 juillet 1964 mené sur les pentes du puy de Dôme face à Jacques Anquetil. Avant même le départ du Tour, le duel était anticipé par tous : qui d’Anquetil, vainqueur du Tour d’Italie, ou de Poulidor, vainqueur du Tour d’Espagne, sortirait victorieux ?

Au départ de l’étape désormais mythique, le Limousin et le Normand n’ont que quelques dizaines de secondes d’écart au classement général, ils se neutralisent durant la majeure partie de la montée du volcan, laissant partir devant eux les espagnols Jimenez et Bahamontes. Les images des deux coureurs, au coude à coude et grimaçant dans l’effort, font partie des plus connues de l’histoire du Tour. C’est seulement au dernier kilomètre qu’Anquetil finit par craquer et laisser partir Poulidor qui remporte la troisième place de l’étape, Anquetil n’arrivant que quarante-deux secondes plus tard. Cependant, Maître Jacques conserve le Maillot jaune pour quatorze secondes et le renforcera au contre-la-montre du lendemain, veille de l’arrivée à Paris. Sur la ligne finale à Paris, les deux coureurs se tombent dans les bras, rivaux sur la route, mais respectueux dans la vie. Plus tard, Jacques Anquetil dira : « Ma fierté est d’avoir battu un très grand champion dans le Tour le plus dur que j’ai connu ». La France, émerveillée par les deux champions, en sera coupé en deux.

Avec des si, cette étape sera faite et refaite : si Poulidor n’avait pas chuté sur un changement de vélo avant l’arrivée à Toulouse, s’il avait attaqué plus tôt dans le puy de Dôme, si Jimenez et Bahamontes n’avaient pas eu les bonifications en leur passant devant… Pour Jacques Goddet, directeur du Tour de France et journaliste à l’Équipe, « jamais deux hommes qui se disputaient férocement le plus beau et le plus rare des trophées n’avaient été si rapprochés dans l’effort. »

Record inégalé

Il faudra attendre dix ans et la retraite d’Anquetil pour que ces deux coureurs qui ont écrit certaines des plus belles pages du Tour se retrouvent vraiment. Après avoir perdu dix ans d’amitié, ils se rattrapent, Anquetil donne des conseils à Poulidor pour les contre-la-montre. Ils sont même un temps collègues, vendant ensemble des vélos dans des grandes surfaces.

Raymond Poulidor n’aura toutefois jamais gagné le Tour de France, car la relève d’Anquetil est prise par le Belge Eddy Merckx. Bien des années plus tard, c’est lui qui préfacera l’autobiographie de Poupou¹ : « À mon avis, Raymond aurait dû remporter le Tour de France au moins une fois, si ce n’est deux. Il aurait dû porter pendant plusieurs jours le maillot jaune ». Jamais porteur de la précieuse tunique, Raymond Poulidor affichera tout de même un beau record, celui du nombre de podiums à Paris : huit. Un record inégalé à ce jour. C’est sa « poupoularité » qui en sortira victorieuse, le public aime les perdants magnifiques, surtout lorsque, comme la Pouliche, ils respirent la sympathie et la simplicité. Et lorsqu’un automobiliste double dans une côte un jeune en plein entraînement, il n’est pas rare qu’il lui lance un « vas-y Poupou !». Légendaire, la Pouliche limousine !

Hélène Charvillat

  1. Poulidor par Raymond Poulidor, Mareuil éditions, 2014

L’étape hommage : rendez-vous le 9 juillet

Le dimanche 9 juillet 2023 aura lieu l’étape Saint-Léonard-de-Noblat-Puy-de-Dôme. Au départ, le village où Raymond Poulidor a passé la plus grande partie de sa vie et dont il est la figure la plus célèbre. À l’arrivée, le retour de la fameuse montée du puy de Dôme. Entre les deux, les routes creusoises où s’entraînait le champion.

Revivez la mythique montée du puy de Dôme en 1964