Économie
Marché bio : le salut se trouve dans l’assiette

Le marché de la bio est en crise. En 2022, au global, il s’est replié de 4,6 %. Si sur le premier semestre 2023, la baisse semble se stabiliser, les acteurs de la filière bio sont persuadés que le salut passera par davantage de communication auprès des consommateurs et donc davantage de bio dans leurs assiettes.

Marché bio : le salut se trouve dans l’assiette
Selon Dorian Fléchet de l’Agence bio, sur le premier semestre 2023 « les circuits spécialisés et les artisans tendent à dire qu’il y a une stabilisation de la régression ». ©Nathalie Oundjian

Comme chaque année, au début de l’été, l’Agence bio présente les chiffres panoramiques du bio en année N-1. Et en 2022, les voyants étaient au rouge pour la deuxième année consécutive. En effet, le marché du bio consommé à domicile, « dont le secteur dépend lourdement (92 % des débouchés) », selon l’Agence bio, se replie de 4,6 % au global quand la part des produits bio dans le panier est en baisse de 6 % en valeur (contre 6,4 % en 2021).

Le marché perd 600 millions d’euros (M€) pour atteindre 12 076 milliards d’euros (Md€) en 2022. Ainsi, le chiffre d’affaires est en baisse pour la majorité des circuits de distribution : - 8,6 % pour les magasins bio, - 4,6 % pour la grande distribution et - 2,6 % pour les artisans (bouchers, boulangers…). Seuls les producteurs travaillant dans l’une des 26 000 fermes vendant en direct partout sur le territoire tirent leur épingle du jeu. « Le bio local de proximité vendu à la ferme est en croissance de 3,9 % », révèle l’agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique.

Entre le bio et le local, le consommateur ne veut pas faire de choix. Toutefois, cela ne semble pas suffisant pour convaincre les producteurs à s’engager dans la voie du bio car en 2022, les surfaces en première année de conversion sont en baisse quand les arrêts sont en légère hausse. Côté restauration hors domicile (RHD), « tout reste à faire », a affirmé la directrice de l’Agence, Laure Verdeau, au Salon Tech&Bio fin septembre. En 2022, les denrées bio représentent moins de 2 % des achats des restaurateurs et 7 % des achats de la restauration collective.

Communiquer auprès des consommateurs

« Si l’on veut 18 % d’agriculture biologique dans les champs en 2027 (objectif national de la SAU en AB. En 2030, l’objectif est de 20 %. NDLR), il faudrait 18 % dans l’assiette et pas qu’à domicile. » Alors c’est certain, pour l’Agence bio, le salut passera par davantage de communication auprès des consommateurs. Un appel du pied entendu par le ministère de l’Agriculture qui a alloué une enveloppe de 15 M€ par an sur trois ans à cet effet. Les projets alimentaires territoriaux (PAT) seront également des clés pour permettre aux cantines, notamment, d’atteindre les objectifs de la loi Égalim.

Par ailleurs, selon l’Agence bio, ce recul du marché bio déséquilibre les filières de la production agricole. Preuve en est, le nombre d’entreprises de l’aval certifiées bio accuse une baisse « inédite » de 2 %, passant d’un peu plus de 29 000 en 2021 à 28 547 en 2022. Se pose alors un véritable enjeu filière. Il ne fait alors aucun doute que le marché bio français est en crise. Pour autant, les acteurs veulent y croire. « Nous nous trouvons actuellement dans la bulle de la crise. [….] La situation est compliquée pour la bio, mais elle l’est pour l’ensemble des produits alimentaires. Aujourd’hui, nous devons convaincre les consommateurs d’investir dans leur alimentation. Nous devons trouver des solutions ensemble, de la production à la distribution. Nous avons tous un petit pouvoir pour que les choses repartent et s’améliorent », a lancé le président de l’Agence bio, Loïc Guines à Tech&Bio.

La crise ralentit

Les premiers sursauts semblent apparaître. Pour la première fois cette année, l’Agence bio a conduit une enquête sur l’évolution des ventes alimentaires biologiques sur le premier semestre 2023. « Cette année, nous avons voulu donner un panorama plus large en incluant une enquête auprès des artisans et des producteurs au cours de l’été. Cela nous a permis d’estimer la situation sur le premier semestre 2023. Et si nous ne pouvons pas parler de sortie de crise, car il y a des filières qui sont encore clairement touchées par cette baisse de consommation, les circuits spécialisés et les artisans tendent à dire qu’il y a une stabilisation de la régression », a expliqué Dorian Fléchet, chargé de l’Observatoire national de l’agriculture biologique à l’Agence bio.

Ainsi, la note conjoncturelle estime que le recul en valeur au premier semestre 2023 se limiterait à 2,7 %. Toutefois, il est important de noter que le prix des produits a augmenté et la hiérarchie des prix entre le bio et le non bio a été respectée. « L’écart des prix entre produits alimentaires bio et non bio est resté important dans le circuit généraliste, alors qu’au stade agricole, selon les semaines et les produits, les deux courbes des prix bio et conventionnels peuvent se rapprocher ou se croiser. Les producteurs et collecteurs bio déplorent de constater, en aval, un écart très important entre les deux catégories, alors que les prix agricoles convergent », indique l’enquête. L’enjeu reste grand.

Marie-Cécile Seigle-Buyat