Intempéries
La grêle anéantit les cultures, les biens et le moral

Malheureusement, la série noire pour la Loire continue en matière d'orages de grêle et de dégâts pour les exploitations agricoles. Retour sur les derniers événements climatiques et les visites de terrain qui s'en sont suivies.
La grêle anéantit les cultures, les biens et le moral

 

Un premier orage de grêle s'était abattu sur la couronne stéphanoise samedi 15 juillet, réduisant à néant les récoltes d'herbe et de céréales, et compromettant la culture du maïs. Puis, lundi 1er juillet, un nouvel orage de grêle s'est abattu sur quasiment le même secteur, gagnant également le Jarez et le sud des monts du Lyonnais. Les exploitations arboricoles et d'élevage ont été mises à mal. Ensuite, samedi 6 juillet, c'est un orage arrivant par les monts du Forez qui a traversé le département jusqu'aux monts du Lyonnais, en passant par Montbrison et allant au-dessus de Feurs et Balbigny. Des cultures ont inévitablement été touchées, mais la grêle a également causé, cette fois, des dégâts sur les toitures des bâtiments et des habitations.
Suite à ces événements climatiques, la réseau FDSEA-JA s'est rapidement mobilisé pour évaluer les dégâts en réunissant localement les agriculteurs et allant de parcelles en parcelles. Les responsables départementaux ont également organisé, avec la Chambre d'agriculture et les services de l'Etat, des visites sur le terrain pour constater les dégâts et échanger avec les agriculteurs. Ils ont également tenu à la présence d'élus. Ainsi, ces derniers jours, les rendez-vous se sont multipliés : vendredi 5 juillet, une délégation était à Cellieu pour rencontrer les arboriculteurs (lire ci-après) ; samedi matin, le réseau FDSEA-JA accueillait à Sorbiers, sur l'exploitation de Benjamin Mathevon, Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne et président de Saint-Etienne Métropole, ainsi que Rémy Guyot, vice-président de Saint-Etienne Métropole en charge de l'agriculture, et Marie-Christine Thivant, maire de Sorbiers ; lundi 8 juillet, les agriculteurs étaient réunis à Cottance, sur l'exploitation de Bertrand Palais, autour des responsables de la FDSEA et de Jeunes agriculteurs et des représentants des services de l'Etat : Elise Régnier, nouvelle directrice de la DDT (Direction départementale des territoires) ; Jean-Baptiste Constant, directeur du cabinet du préfet ; Franck Piteux, en charge des calamités à la DDT.

 

Paille et fourrages

Comme en juin, la combinaison du vent et de la grêle a détruit les céréales, qui étaient à un stade plus avancé. Il n'est donc pas possible de les récolter en vert. Les agriculteurs se demandent donc ce qu'il faut faire de cette culture. De plus, la période estivale étant déjà bien avancée, faut-il tenter de semer du maïs ou des dérobées, nécessaires pour nourrir les animaux mais engendrant inévitablement des frais ? Et encore faut-il trouver de la semence... La problématique est la même pour le maïs abîmé par la grêle : arrivera-t-il à repartir ? Les agriculteurs peuvent solliciter les techniciens des structures d'élevage pour se faire accompagner car chaque exploitation est un cas à part entière. La DDT a adressé ce début de semaine aux agriculteurs du département un mail expliquant dans quelles situations il est nécessaire de procéder à une modification de déclaration Pac. Une notice sur Télépac est également dédiée à cette problématique.
Une chose est sûre, les hangars de stockage sont vides et les trésorerie des exploitations mal en point. Plus les agriculteurs attendront pour acheter des fourrages et de la paille, plus les cours seront élevés. Mais il est compliqué de se faire livrer ne serait-ce que de la paille quand on n'a pas l'habitude d'en acheter, les marchands ayant leurs clients attitrés
« Un soutien collectif doit être organisé pour redonner espoir aux agriculteurs et faire en sorte qu'ils gardent leur potentiel de production», assurait Gérard Gallot, président de la FDSEA. D'ores et déjà, le syndicalisme majoritaire a pris contact avec d'autres départements pour faire acheminer de la paille dans la Loire.
A chaque visite, le système des calamités agricoles est abordé (pour l'herbe et pour les pertes de fonds), avec sa complexité de mise en place (pourcentage de pertes, délais de paiement) et en même temps sa nécessité. Les responsables professionnels et l'administration ont tenu à mettre en garde les agriculteurs ayant eu des dégâts le week-end dernier : puisque la récolte d'herbe (ensilage, foin) a en majorité été faite, il sera difficile d'atteindre les 30% de perte nécessaires pour pouvoir bénéficier du fonds des calamités.
L'assurance des cultures fait aussi débat : peu d'agriculteurs sont assurés car le coût est trop élevé par rapport à la valeur des céréales. Avec les trésoreries tendues de ces dernières années, les agriculteurs cherchent à faire des économies sur les charges, et l'assurance des cultures est en première ligne. Se pose également la question des contrats basés sur la moyenne olympique, rendant l'assurance moins intéressante en cas de plusieurs années de sinistres. Patrick Laot, président de la fédération Groupama Loire, expliquait que « la profession agricole a fait des propositions au Conseil de l'agriculture française pour constituer un pool de réassurance, mais la réglementation européenne est pour l'instant un frein ».
Ces violents orages relancent également le débat sur la mise en place d'une mesure alternative de protection, notamment les ballons anti-grêle. Ils sont déployés dans le Rhône, mais le coût d'achat et de fonctionnement est élevé. Des aides devront être trouvées pour ce type d'investissement.

 

Dégâts sur les toitures

D'autres interrogations sont arrivées avec l'orage du week-end dernier, en particulier vis-à-vis de la prise en charge de la remise en état des bâtiments par l'assurance. Patrick Laot y répondait : « Tout ce qui est fait en urgence sera pris en compte au titre de ce sinistre. Une seule franchise sera appliquée à l'ensemble des bâtiments d'une exploitation. Le remplacement des bâches percées de silo et de bottes d'enrubannage font partie de l'extension de garantie des bâtiments. En dessous de 5 000 euros, le dossier sera traité directement avec le commercial de Groupama. Au-delà, une discussion avec l'expert s'engagera ». Le désamiantage des toitures abîmées est pris en charge par l'assurance, « jusqu'à 45 euros / m2 ». Patrick Laot a tenu à adresser un message de prudence aux agriculteurs : « Je préfère que Groupama prenne en charge la réparation des toits plutôt que d'avoir à accompagner une famille dont l'agriculteur est tombé du toit en voulant faire les réparations lui-même... »
Les habitants concernés par les dégâts de grêle (toitures, voitures) sont invités à se rapprocher de leur mairie pour étayer le dossier de demande de reconnaissance en catastrophe naturelle, ce qui pourrait changer la donne pour la prise en charge des assurances.

La grêle tombée samedi soir a transpercé de nombreux toits dans les monts du Forez et du Lyonnais et dans la plaine du Forez.

 

Aide aux trésoreries

Des mesures d'urgence sont demandées par la profession : suppression des cotisations sociales, dégrèvement de la TFNB... Louis Metton assurait que la MSA fera le maximum pour que les agriculteurs puissent faire face aux problèmes de trésorerie. « Les agriculteurs ne doivent pas hésiter à faire part de leurs préoccupations à la MSA pour que nous fassions une demande pour dotation exceptionnelle » au niveau national.
Samedi dernier, Gaël Perdriau s'est engagé à se rapprocher de la Région et du Département pour voir comment un soutien coordonné pourrait être apporté sur le court terme pour soulager les trésoreries des agriculteurs et sur le moyen terme pour soutenir des programmes d'investissement dans des outils de prévention (filet, ballons). Il doit également étudier la possibilité de mettre à disposition d'agriculteurs des terrains à urbaniser pour récolter de l'herbe ou semer des dérobées. L'élu a compris la nécessité de travailler sur les PLU pour que des terrains prévus pour l'urbanisation reviennent à l'agriculture dans l'objectif d'avoir des systèmes agricoles plus extensifs.
Lundi après-midi, Jean-Baptiste Constant et Elise Régnier ont assuré les agriculteurs de la mobilisation maximale des services de l'Etat. Rémi Jousserand, président de Jeunes agriculteurs Loire, réaffirmait lui aussi que le syndicalisme ferait le maximum pour que les dossiers avancent.

Lucie Grolleau Frécon

 

 

Le lourd tribut des arboriculteurs

 
Entre l’orage du 15 juin et celui du 1er juillet, aucun producteur de fruits de la vallée du Gier n’a été épargné par la grêle. « Le moral est atteint », reconnait Mickaël Mazenod, responsable de la filière à la Chambre d’agriculture de la Loire. «Aujourd’hui, les arboriculteurs se rendent bien compte de l’ampleur des dégâts causés par ces deux orages ». Vendredi 5 juillet, une dizaine d’entre eux se sont retrouvés à la Cuma Froid de Cellieu pour un premier bilan. Ils étaient entourés des responsables professionnels et syndicaux : Raymond Vial (président de la Chambre d’agriculture), Gérard Gallot (président de la FDSEA), Henri Mazenod (président de la section fruits) et son fils Mickaël, mais aussi les représentants de la DDT, Delphine Bonthoux et Frédéric Piteux, Christophe Gratadour de l’Afrel et Rémy Guyot de Saint-Etienne métropole.
Concrètement, ce sont environ 150 hectares qui ont été touchés soit, « au minimum », une trentaine de producteurs. « Les fruits à noyaux sont les plus concernés car il y a peu de couverture. C’est environ 50 à 60 % des cerises qui sont perdues et le reste est moche… », commente, dépité,Mickaël Mazenod. En abricots, une partie des fruits pourra partir en confiture, une autre sera mise par terre pour soulager les arbres. En pêche, c’est 80 % de la récolte qui finira au sol.
« Que faire maintenant ? » s’interroge le responsable professionnel. « Récolter ce qui reste ? Mais c’est abîmé, donc ça ne vaut pas grand-chose. Et il faut deux fois plus de travail pour finir de ramasser ». Si la récolte et les revenus sont donc amputés, les coûts à prévoir, eux, sont décuplés (faire tomber les fruits, traitements supplémentaires, la taille).
La violence des vents le 1er juillet a fait envoler les filets en place. Les dégâts sont, du coup, très importants sur les fruits, sans compter l’investissement de la structure paragrêle à reconsidérer.
Au-delà des conséquences immédiates sur la récolte, les arbres ont été malmenés. Sur les abricotiers, l’impact est important sur le bois, y compris sur le porte-greffe. La solution technique la plus adaptée serait d’arracher tant les risques de chancre et de bactériose sont élevés. Sur les cerisiers, une taille sévère sera à envisager, mais la récolte sera proche de zéro en 2020.
Contrairement aux fruits à noyaux, les pommiers sont mieux protégés avec un taux de couverture de l’ordre de 70 à 75 %. Globalement, les filets paragrêles ont fait leur office, mais la violence du vent le 1er juillet a néanmoins occasionné des dégâts sur ces structures : ancres béton soulevées, filets troués, élastiques à remplacer et même un filet envolé sur une parcelle de pêchers. Autant de réparations à prévoir avec un surcroit de travail et un surcoût financier. « Pour ceux qui étaient protégés, il y aura des réparations, mais ça ne met pas en péril l’exploitation », estime Mickaël Mazenod. L’inquiétude est grande en revanche pour les exploitations plus fragiles et notamment les jeunes agriculteurs : « Nous en avons trois récemment installés sur le territoire. Ils n’ont pas de réserve de trésorerie et ils n’auront pas de rentrée d’argent avant deux ans. »
Les responsables de la DDT ont rappelé que la grêle étant un risque assurable, les pertes de récolte ne seront pas éligibles aux calamités agricoles. Seules les pertes de fond pourront être prises en compte, c’est-à-dire les arbres couchés par le vent, les arbres taillés sévèrement, engendrant une perte de récolte d’au moins 30% l’année suivante et les arbres arrachés et replantés.  Concrètement, rares sont les arboriculteurs à être assuré contre la grêle : « c’est très cher et la franchise est élevée », déplore Mickaël.
 
 
 
DB