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Choisir son vin ? Les conseils d’un sommelier

Propriétaire depuis 2005, avec son frère Sylvain et leurs épouses respectives, Frédéric Roux officie en tant que sommelier au Château Blanchard, en lieu et place de l’ancienne chapellerie implantée à Chazelles-sur-Lyon. Le passionné de vin, qui en a fait son métier, partage ici son expérience et propose quelques conseils, entre approvisionnement et dégustation.

Choisir son vin ? Les conseils d’un sommelier
Pour Frédéric Roux, « le vin, c’est quelque chose d’ancré en nous, c’est l’ADN de la France, comme le fromage et le pain. »

Pour partir à la découverte de nouveaux vins, la curiosité et la prise de risques s’imposent, qu’importe son niveau de connaissance en la matière : « Il faut être aussi bien ouvert aux vins français qu’aux vins étrangers, aux grands noms comme aux plus modestes. Rien ne sert d’avaler une encyclopédie entière de vins, mais c’est enrichissant de consulter de temps à autre un magazine sur cet univers. »

Le sommelier recommande également d’apprendre à lire et déchiffrer une étiquette. Ceci en faisant preuve de vigilance concernant les mentions que l’on peut y retrouver : « ”Vieille vigne”, on va se dire, parfois à tort, que c’est un super vin. Quand on retrouve la mention ”grand cru classé” sur la bouteille ou, par exemple, ”premier grand cru” ou ”grand cru” pour un vin de Bourgogne, on sait en revanche qu’il y aura automatiquement cette qualité. »

L’année de la bouteille est une donnée à prendre en compte également, « à l’image des bons millésimes 2018, 2019, 2020, ou comme le sera sûrement l’année 2022 ». Il s’agit là d’une indication primordiale pour faire le choix d’un vin, dans laquelle le profil gustatif peut varier.

Dernier élément et non des moindres : savoir bien s’entourer. Des personnes, novices comme chevronnées, partageront leurs pépites et conseilleront de se rendre dans des foires aux vins par curiosité, de prendre une bouteille et se faire son propre avis.

Entre subjectivité et spéculation

Les goûts et les couleurs ne se définissent pas rationnellement : « On peut vouloir des vins plutôt portés sur la finesse (Bourgogne, Vallée de la Loire) tandis que d’autres en souhaiteront avec un peu plus de puissance (Bordeaux, Languedoc). Une valeur sûre ? L’expression est forte et, à mon sens, assez biaisée car c’est propre à chacun. »

Lorsqu’on lui demande de parler de son vin favori, le sommelier du Château Blanchard évoque « des vins qui vont (le) faire vibrer personnellement, parce que ça (lui) rappelle des souvenirs ou tout simplement de bons moments ». Avant d’ajouter : « Le vin, c’est quelque chose d’ancré en nous, c’est l’ADN de la France, comme le fromage et le pain. »

Frédéric Roux regrette toutefois une période croissante de spéculation, où plus le vin est rare, plus il est précieux et donc cher. « Maintenant, il y a beaucoup de blogs ou de sites de sommelier qui parlent de tel ou tel vin en disant qu’il est bon. Ils invitent ceux qui les suivent à en acheter. Mais avec leur portée médiatique, ils créent une pénurie et les vins deviennent alors très chers. »

Il évoque un parallèle où le prix, parfois exorbitant, créée une attente souvent à la hauteur du montant. « Dans notre restaurant, nous avons pas mal de vieux millésimes – notre plus vieux date de 1800 – mais, quand on goûte ces vins, je suis un peu déçu, sur des Bordeaux par exemple. » Par ailleurs, quand de petits domaines émergent, on ne les connait pas et on les achète à un prix raisonnable. Mais s’ils gagnent en notoriété, la demande est croissante et les prix flambent.

Des accords pour tous

Au fil des années et des conventions sociales, de nombreuses combinaisons se forment plus ou moins naturellement : « Instinctivement, lorsque l’on parle de poisson ou de viande blanche, on préconise du vin blanc sec. Pour le vin rouge, on aurait tendance à partir sur des viandes blanches ou volailles lorsqu’il est léger. Par contre, quand il est plus puissant, il est préférable de l’accorder avec du sanglier ou du bœuf. Quant au fromage, on dit qu’il faut privilégier le caractère sucré ; pour le comté, par exemple, l’accompagnement avec du vin jaune est très pertinent. »

Si Frédéric Roux confirme ces accords, il renouvelle son invitation à se lancer vers l’inconnu : « Il faut être curieux et tenter des combinaisons, on peut toujours être surpris. Par exemple, un vin rouge léger – comme propose le Clos des Chozieux (connu pour ses Gamaret) –, on peut le travailler avec du poisson, dans un ceviche un peu épicé. »

Par ailleurs, l’accord mets et vins est important pour faire comprendre aux gens que l’on peut mettre n’importe quel produit avec un plat, « tant que l’on trouve la combinaison adéquate ». Le sommelier est important pour faire découvrir aux gens des vins, et pas spécialement des grands noms : « On peut amener autre chose, il y a de la place pour tout le monde, petits et grands domaines, petites ou grandes appellations. »

Le caviste comme premier choix

« J’aurais tendance à orienter celui ou celle à la recherche d’un vin vers le caviste, qui amènera toujours un conseil que l’on ne retrouvera pas ailleurs. Ce sont souvent d’anciens sommeliers. » Frédéric Roux reconnait d’ailleurs ce lien premier entre le particulier et le restaurant : « Lorsque le client se rend chez le caviste, il peut goûter un vin. Et quand plus tard, il le retrouve en restaurant, s’il l’a apprécié, il sera tenté d’en commander. Et puis, un caviste saura toujours dénicher quelques pépites. » D’ailleurs, avec ces petites perles, c’est une véritable invitation à sortir des sentiers battus qui vous tend les bas, d’autant qu’elles se renouvelleront.

Avec toute la dimension locale qui lui incombe, le caviste peut aussi jouir d’une certaine proximité avec sa clientèle. Aller chez ce type de commerçants, c’est souvent, sans être systématique, l’attente de la découverte de vins incontournables ou au contraire, méconnus, et ce, en toute confiance et volonté de se laisser surprendre.

Axel Poulain