FDSEA
Section laitière : un optimisme mesuré

Réunie en assemblée générale à Feurs vendredi 5 avril, la section laitière de la FDSEA a fait un point sur la conjoncture économique. Les résultats, globalement positifs, appellent néanmoins à la prudence.
Section laitière : un optimisme mesuré

A un rapport d'activité 2018 trop long, Julien Derory, président de la section laitière, a préféré le débat. Il a ainsi rapidement laissé la parole à André Bonnard, secrétaire général de la FNPL. Fort de son expérience de responsable professionnel, il excelle dans le décryptage et la vulgarisation de la conjoncture mondiale. Il s'est livré vendredi pour les éleveurs laitiers à une analyse « du monde au canton » dans un contexte géopolitique toujours aussi mouvant.


Concernant les volumes de production, l'Union Européenne a connu une collecte relativement stable sur l'année complète en dépit de la sécheresse qui a sévi en Europe du Nord, Pays-Bas compris. Mais cette collecte est sur une tendance baissière depuis cinq ou six mois, qui se confirme sur le début de l'année 2019 (-2,9 % en France, à peu près autant pour l'Allemagne et l'Italie). En revanche, le Royaume-Uni, l'Irlande « qui a fait une belle année malgré un printemps super sec » et la Pologne, « le prochain grand pays laitier », ont progressé. A l'autre bout de la planète, la Nouvelle-Zélande a connu une forte hausse, « parce que la collecte 2017 avait été basse », tempère le secrétaire général de la FNPL, à l'inverse de l'Australie, en recul. Au niveau régional, la collecte chute en ce début d'année 2019 de 7 % avec cependant des disparités importantes : le Cantal se maintient tandis que la Loire et le Rhône baissent.

L'impact des importations chinoises

Côté export, même si « notre monnaie forte nous pénalise », signale André Bonnard, l'exercice 2019 débute bien, notamment sur les échanges mondiaux de poudre. L'UE prend un départ remarqué sur le segment poudre de lait écrémé (+53 % entre janvier 2019 et janvier 2018). Les exportations sont tributaires de la dynamique de la Chine bien sûr « qui fait la pluie et le beau temps », en l'occurrence en 2018, c'était « soleil », grâce aux augmentations d'importations de poudre notamment.

 

La Russie a recommencé à importer via la Biélorussie (pour contourner l'embargo), quand bien même l'État Russe a subventionné sur son territoire la création d'« usines à lait ». Il faut être aussi vigilant sur le marché algérien dont les achats de poudre sont très liés à la situation politique et donc, incertains pour l'avenir. Le Brésil, assez fermé jusqu'ici, a augmenté de manière significative ses importations, pour compenser sa propre mutation agricole de l'élevage vers la culture du soja, plus rentable. Du côté des prix, la Pologne, le Danemark et les Pays-Bas vendent au prix le plus élevé au sein de l'Europe, à l'inverse des Belges, au plus bas.

Baisse de la consommation en France

En France, les prix de vente à la consommation ont augmenté sur tous les produits (beurre, lait, fromage, yaourts, etc.). « Malheureusement, les volumes sont en baisse, les gens achètent moins de lait », constate André Bonnard. Sur la trésorerie des éleveurs, l'embellie n'est pas si nette car les charges ont augmenté ce qui a pour conséquence un recul de la marge en 2019 et puis « les opérateurs trouvent toujours une bonne raison pour ne pas augmenter la paye du lait », pestent les éleveurs. Les entreprises françaises s'inquiètent par ailleurs des conséquences du Brexit, notamment sur le marché des yaourts et laits fermentés. « Vont-ils mettre en place des droits de douanes élevés ? » interroge le secrétaire général de la FNPL.


Les responsables s'efforçaient de rester optimistes, de voir le verre à moitié plein. Mais les adhérents sont méfiants, ils attendent avec impatience l'effet concret des EGA (États généraux de l'alimentation). « C'est un vrai boulot de faire appliquer les EGA et de faire passer la hausse des prix dans les coopératives comme dans les entreprises privées où les OP doivent jouer leur rôle », insistent les responsables syndicaux.


Certains éleveurs voient une ouverture d'autant que la mentalité des consommateurs a changé comme le prouve le succès de démarches type « C'est qui le patron ? ». D'autres se montraient moins optimistes et tiraient la sonnette d'alarme : « Les entreprises ne se rendent pas compte. Demain, il n'y aura plus personne pour produire ! Nos Cuma sont obligées de se regrouper, la désertification est en route. Demain ça fera comme le mouton, on sera obligés d'acheter à l'extérieur. » Sans en arriver à cette extrémité, il est certain que le combat syndical est loin d'être fini.

David Bessenay

Les éleveurs laitiers sont prudents, ils attendent que les EGA entrainent des retombées concrètes sur leur trésorerie avant de se réjouir.

 

 

 

Lait de Montagne : une nécessaire valorisation

En France, une exploitation sur quatre se trouve en zone de montagne. Il s'y produit 3,8 milliards de litres de lait, soit 15 % du lait français. Si 30 % du lait de montagne est valorisé grâce aux appellations d'origine (Jura et Savoie notamment), il en reste donc 70 % sans valorisation. « Nous ne sommes pas tous égaux devant la montagne », résume Mickaël Gonin, de la Fédération régionale des producteurs laitiers. Pourtant, toutes les zones de montagne sont confrontées à des surcoûts à la fois de collecte et de production que les aides supplémentaires ne parviennent pas à combler : « Il faut des tracteurs plus puissants et ces chevaux-là ont un coût. Nos bâtiments aussi sont plus coûteux. » Si la fin des quotas a entrainé une progression de la collecte, elle est plus forte en plaine qu'en montagne et du coup, l'écart de productivité continue de se creuser. A la production, l'écart aux 1000 litres entre le conventionnel et le lait de montagne s'élève à 79 euros et l'écart sur le prix de revient est encore de 14 euros. Il y a donc nécessité à segmenter, à valoriser pour combler ce déficit. « Mais attention de ne pas vouloir opposer éleveurs de plaine et de montagne », estimait un adhérent.
S'impliquer dans une démarche
La valorisation passe par une nécessaire mobilisation individuelle et collective. « Dans mon secteur (monts du Beaujolais, NDLR), les gens sont prêts à s'impliquer dans une démarche valorisante, en argent bien sûr mais aussi en fierté », fait remarquer l'administrateur de la FRPL. Et de préciser la volonté en parallèle de ne pas accabler les éleveurs de contraintes supplémentaires : « Un lait sans OGM, cela entrainerait un surcoût qu'on aurait du mal à répercuter. » Mickaël Gonin invite à se rapprocher de l'APLM (Association des producteurs de lait de montagne) qui commercialise la marque Mont lait, et qui se diversifie depuis peu avec du beurre et de la raclette. « Ce sont 7 millions de litres valorisés, il y a un cahier des charges à respecter et un investissement humain à assurer », prévient-il.