Gel sur vignes
Les vignerons auront accès au fonds de calamités

A l’invitation de la Chambre d’agriculture, Catherine Séguin, préfète de la Loire, a rencontré des vignerons du Roannais dépités par les dégâts du gel. Plusieurs aides seront mises en place.

Les vignerons auront accès au fonds de calamités
Comme par le passé en tel cas, les vignerons obtiendront vraisemblablementune autorisation d’achat de vendange en dehors de l’exploitation. Mais le gel étant généralisé, pourront-ils trouver de l’approvisionnement ?


 

 Comme elle s’y était engagée lors de sa rencontre avec les arboriculteurs du sud du département le 16 avril, la préfète de la Loire s‘est rendue cette fois au chevet des vignerons du Roannais, durement touchés par l’épisode de gel printanier. Une visite en deux temps avec une première station à Villemontais au Gaec Rochette, une seconde au domaine Sérol à Renaison, sans doute les deux communes les plus viticoles du territoire. Mais partout le constat est le même : les pertes seront spectaculaires. « Après le gel de 2017 on avait dit : on n’a jamais vu ça. En 2021, on répète la même phrase », témoigne inquiet et un brin fataliste Pascal Néron, membre fondateur du Gaec Rochette. Ici comme ailleurs, le dérèglement climatique est on ne peut plus tangible. « Il y a 40 ans on vendangeait en octobre, se souvient encore le vigneron, aujourd’hui en septembre ».
Au-delà du gel, les calamités agricoles (grêle, sécheresse) sont tellement fréquentes que le rendement autorisé (55 hl/ha) n’est jamais atteint, « à part en 2018. Résultat, on manque de volumes alors qu’on a les marchés en face ! » regrettent les vignerons. Plus précisément, sur le dernier épisode de gel, la famille Rochette estime qu’un tiers des vignes sont gelés à 80 %. Plus tard au domaine Sérol, les autres vignerons ont dressé devant la préfète un même triste bilan de leur situation.
A l’échelle de l’appellation, le rendement moyen ne devrait pas dépasser les 15 hl/ha, soit une perte de chiffre d’affaires d’environ 17 000 euros/ha. Et la saison est loin d’être finie…


Inquiétude pour les jeunes installés

Cette situation fragilise particulièrement les jeunes vignerons. Le Gaec Rochette a installé récemment Antoine (en 2013) et Alexis (en 2020). « Mais cela veut dire un salaire en plus et si on ne fait pas de volumes, c’est compliqué », poursuit Pascal Néron. Nous avons planté des vignes il y a cinq ans, elles n’ont subi que des calamités. »
L’accident climatique fait craindre de rompre la dynamique à l’installation. Les jeunes ont été invités par la Chambre d’agriculture à témoigner de leur situation à l’instar de David Michelis qui reprend l’exploitation d’Alain Baillon (Ambierle) avec à la clef un projet à 350 000 euros. « Comment faire pour rembourser les emprunts si on n’a pas de volumes à vendre ? Et si je ne fais pas tous les investissements prévus dans le PDE (Plan de développement de l’exploitation), je serai pénalisé au niveau de la DJA ».  L’administration, par la voix de la DDT, Elise Régnier, a répondu qu’il était possible de faire un avenant au PDE, mais il a un coût.
Pour l’instant, les jeunes présents n’ont pas manifesté leur désir d’aller travailler à l’extérieur pour compenser la perte. Mais si c’était le cas, leurs revenus ne devront pas dépasser leurs revenus agricoles qui seront pourtant minimalistes cette année.
 


Une aide au maintien dans l’emploi des salariés ?


Pour autant, il faut prendre soin de la vigne, même avec peu de raisins. La mise en chômage partiel des salariés des domaines ne sera donc pas la mesure appropriée. La demande de la profession est claire : recevoir des aides pour maintenir dans l’emploi. « Les salaires, hors vendanges, c’est 6 000 euros par mois », note Stéphane Sérol du domaine éponyme, qui emploie huit permanents et autant de saisonniers. Une aide permettrait de pouvoir conserver une main d’œuvre « que l’on a formée et fidélisée », insiste le vigneron de Renaison. La préfète de la Loire, sans s’engager sur la réponse, n’a pas rejeté la proposition « C’est à l’étude » a-t-elle assurée.
 


Fonds d’urgence de l’Etat

 


Dans cet océan d’inquiétudes, une bonne nouvelle est venue rassurer les viticulteurs : ils auront accès au fonds de calamités agricoles, par ailleurs déplafonné. Les premières estimations sont en cours mais ce n’est réellement qu’au moment de la récolte que l’on pourra dresser un bilan. Ce sera ensuite au CNGRA (Comité national de gestion des risques en agriculture) de prendre la décision sur le montant des indemnisations.
Par ailleurs, l’Etat a débloqué un fonds d’urgence de 20 millions d’euros à l’échelle nationale, dont 120 000 euros pour la Loire (arboriculture et viticulture), gérés directement par la préfecture. Il sera réservé aux situations les plus dégradées, avec une attention particulière pour les jeunes installés.  Et cette aide d’urgence ne sera pas incluse dans les de minimis, a annoncé Catherine Séguin en réponse à la crainte des professionnels.
La préfète a par ailleurs confirmé la mise en place de tout une série de mesures pour soulager les trésoreries : une année blanche de cotisations, un dégrèvement de TFNB (Taxe foncière non bâti), des prêts garantis, une aide au chômage partiel.
De son côté, Roannais agglomération, propriétaire de parcelles destinées aux jeunes installés, a décidé ne pas percevoir les loyers de ces “vignes relais“ cette année.
Gérard Gallot et Jean-Luc Perrin pour la FDSEA se sont inquiétés de l’aspect fiscal. « Attention de ne pas redonner en impôts en 2022 les aides versées en 2021 ».
Concrètement, c’est bien l’année 2022 que craignent les vignerons. Car si pour l’instant ils ont des stocks à vendre, ce ne sera plus le cas l’an prochain !
 


Remettre à plat le système assurantiel ?


Sur le système assurantiel, les limites sont connues : les indemnités reposent sur la moyenne des récoltes des derniers millésimes, très basse à cause des aléas climatiques répétés. Et puis la cotation des vins du Roannais qui sert de base à l’indemnisation « est sous-évaluée », souligne Stéphane Sérol. « Et quand vous ajoutez les 20 % de franchise…. Cela décourage les gens qui voudraient s‘assurer et ça coûte plus cher à ceux qui le sont déjà.  Il est temps de se mettre autour de la table pour faire évoluer le système », plaide-t-il. 
Dans la réflexion contre les fléaux climatique, la lutte contre la grêle, phénomène récurrent, doit être aussi pris en compte. Les vignerons espèrent, comme c’est le cas chez les voisins du Beaujoais, la mise en place d’un système de protection (ballon anti-grêles), projet en cours mais qui a été retardé par la crise sanitaire.
De son côté, Raymond Vial lançait un appel aux banques : « Il faut qu’elles reportent les annuités en fin de tableau pour les cas les plus critiques ».
Enfin, la MSA et la FDSEA ont insisté sur les conséquences humaines de ce nouvel accident climatique. Un numéro vert a été mis en place pour accompagner les professionnels en détresse. 
Malgré cette nouvelle avarie, les vignerons du Roannais n’entendent pas baisser les bras, à l’image du jeune Lucas Lapandery qui avoue rester « motivé à 300 % ».
Des aides seront par ailleurs versées aux associations, Vignobles Forez-Roannais et Loire Volcanique, pour entretenir la dynamique de promotion d’un vignoble qui depuis plusieurs années séduit les consommateurs.
 

 
 

 
 

 

Proche de l’agriculture, le Département ne souhaite pas rester sans rien faire. Ainsi, Chantal Brosse a obtenu de son président l’assurance d’une aide 500 000 euros « et peut être 700 000 » pour aider les vignerons. « Nous allons nous adosser soit aux procédures de l’Etat, soit à celle de la Région pour être simple et efficace. Nous ne devons pas perdre les bénéfices des efforts entrepris par nos vignobles ces dernières années. »