Maxime Brun
La contractualisation, une opportunité à saisir aujourd’hui

Le président de la section bovine de la FDSEA, Maxime Brun, revient sur la nécessité pour les éleveurs d’écrire et soumettre aux acheteurs de leurs animaux des contrats, et assure que la FDSEA et JA Loire les accompagneront dans cette démarche.

La contractualisation, une opportunité à saisir aujourd’hui
La FDSEA se positionne en faveur du prix dit « déterminable » dans les contrats entre l’éleveur et l’acheteur car il permet d’intégrer les coûts de production.

Pourquoi la contractualisation dans la filière viande bovine se met-elle en place ?

Maxime Brun : « Le syndicalisme avait demandé à plusieurs reprises aux acteurs de la filière d’assurer aux éleveurs une meilleure rémunération. Puisque rien n’avait changé, il a fallu en arriver à imposer la contractualisation par la loi. La profession a demandé une version 2 de la loi Egalim car la première n’avait pas fonctionné, notamment parce qu’il n’y avait pas de moyens de contrôle de sa mise en œuvre et de sanctions. Par exemple, le seuil de revente à perte avait été acté par la loi Egalim 1. La mesure n’était pas mauvaise, mais il n’y avait pas de sanction, donc elle ne s’appliquait pas. Finalement, la contractualisation a été rendue obligatoire, faute de solutions et de sanctions.

Il faut savoir que la coopération n’est pas directement concernée par la contractualisation issue de la loi Egalim 2. Elle doit cependant remettre à jour ses statuts pour être en conformité avec la loi pour ses contrats, et ainsi éviter d’avoir à signer des contrats individuels avec les éleveurs. Mais rien n’empêche que certains éleveurs présentent à leur coopérative un ou des contrats.

C’est une révolution commerciale pour la filière. Avant, la variable d’ajustement était l’éleveur. Désormais, puisque ce dernier détermine lui-même le prix de vente des animaux, l’acheteur devra négocier différemment avec l’aval. A chaque maillon de la filière de défendre ses marges. Il y a un transfert de risques de l’éleveur à l’acheteur, et c’est bien normal car l’éleveur a supporté depuis trop longtemps les risques. Il faut aussi comprendre que les éleveurs vont devoir apprendre à gérer différemment les sorties de leurs animaux. Ceux qui travaillent avec les coopératives ont déjà l’habitude de fonctionner avec des prévisionnels de mise en marché des animaux. »

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Maxime Brun, président de la section bovine de la FDSEA de la Loire.

Comment les éleveurs de la Loire accueillent-ils la contractualisation ?

MB : « Les éleveurs sont pour la plupart au courant de la mise en place de la contractualisation. Il se posent beaucoup de questions, pas forcément sur la pertinence de la démarche, mais sur la manière de s’y prendre pour écrire un contrat. Les éleveurs s’interrogent aussi sur les prix de vente de la viande aux consommateurs. Ils ont peur que si les prix augmentent, la viande sera moins consommée. Les chiffres mettent en évidence que le prix de vente aux consommateurs augmente chaque année de 2 à 3 %, et ce, quel que soit le prix de vente des animaux. »

Que fait le syndicalisme majoritaire FDSEA-JA pour accompagner les éleveurs ?

MB : « Pour les informer sur la contractualisation, des réunions ont été organisées par la FDSEA et Jeunes agriculteurs ces dernières semaines et derniers jours. Dans la continuité de ces temps d’échanges, nous allons aussi mettre en place des formations, programmées selon les demandes des adhérents. L’objectif est que chaque participant en reparte avec un contrat finalisé. Mais il ne faut pas oublier que ce sera ensuite à l’éleveur de négocier avec ses acheteurs, pas à la FDSEA. Nous communiquerons plus tard au sein du réseau sur les modalités d’inscription à cette formation. Plus globalement, la FDSEA se tient à la disposition de ses adhérents pour toute question concernant la contractualisation. »

Quels conseils donnez-vous aux éleveurs pour l’élaboration de leurs contrats ?

MB : « Il faut démystifier le contrat. Ce n’est pas si compliqué de le rédiger. Il faut avoir en tête que tout peut être prévu et écrit dans le contrat, comme par exemple une augmentation ou une baisse des volumes. Et il ne faut pas oublier que le contrat est en vigueur pour trois ans, donc s’il est mauvais, il sera pénalisant pour l’éleveur. Il faut aussi comprendre que c’est à l’éleveur de travailler sur le contrat, ce n’est pas à l’acheteur de lui en soumettre un.

Le premier point essentiel de la contractualisation est le prix. La loi Egalim 2 propose de choisir entre deux prix : le prix déterminé et le prix déterminable. La FDSEA se positionne en faveur du prix déterminable, qui permet d’intégrer les coûts de production. C’est là tout l’enjeu de la contractualisation. Dans les réunions, nous conseillons aux éleveurs d’intégrer dans leur formule de calcul du prix de vente une grande proportion de coût de production, puis le prix du marché.

Vient ensuite l’engagement sur les volumes, avec des clauses permettant à l’éleveur de conserver une certaine souplesse. Il faut savoir que l’éleveur est protégé dans les cas de force majeure. »

Pourquoi incitez-vous les éleveurs à opter pour un prix déterminable ?

MB : « Les prix du marché sont actuellement intéressants. Les abattages atteignent des chiffres record. Les abattoirs manquent d’animaux, donc les prix ont tendance à  augmenter. Mais il ne faut pas se satisfaire des prix actuels et les intégrer dans les contrats avec un prix déterminé car les coûts de production augmentent également, et même plus vite.

Décapitalisation, consommation de viande stable, prix des cours qui évoluent favorablement dans de nombreux pays européens, abattoirs qui vont devoir sécuriser leurs volumes…, toutes les planètes sont alignées pour les producteurs de viande. On sait que les prix vont augmenter mécaniquement, ce n’est donc pas opportun de signer un prix déterminé, d’autant plus dans un contexte de hausse des charges. »

Pourquoi le syndicalisme majoritaire incite-t-il les éleveurs à écrire des contrats ?

MB : « C’est la première fois que les éleveurs ont la possibilité d’intégrer leurs coûts de production dans les prix de vente. S’ils ne saisissent pas cette opportunité aujourd’hui, alors, je ne sais pas quand ils le feront. De plus, le ministre de l’Agriculture a tout fait pour que la mise en place de la contractualisation se passe bien. C’est la signature de contrats en masse qui fera que la profession agricole sera crédible et que la contractualisation fonctionnera.

J’ai conscience que c’est plus facile de mettre en place la contractualisation pour des animaux finis et vendus sur des marchés français, que pour des broutards vendus à l’étranger. C’est pour cela qu’il faut, dans un premier temps, réussir la contractualisation sur les animaux finis, avant de poursuivre en juillet avec les mâles et les femelles maigres. »

 

Propos recueillis par Lucie Grolleau Frécon