Sanitaire
Antiparasitaires : quelle efficacité demain ?

Deux spécialistes de la parasitologie chez les ruminants sont intervenus en fin d’assemblée générale du GDS, jeudi 3 juin, pour aborder le sujet de la résistance des parasites aux molécules de traitement. Etat des lieux des recherches et recommandations aux éleveurs.

Antiparasitaires : quelle efficacité demain ?
Intervention de Philippe Jacquiet (chaire de parasitologie de l’Ecole nationale vétérinaire de Toulouse) et du docteur Jacques Devos (commission de parasitologie du Syndicat national des groupements techniques vétérinaires).

Le développement de la résistance des parasites face aux molécules utilisées dans les anti-parasitaires est une réalité chez les ruminants. Il devient donc de plus en plus compliqué pour les éleveurs de gérer les parasites. Ce sujet a été abordé à l’issue de la partie statutaire de l’assemblée générale du GDS par le professeur Philippe Jacquiet (chaire de parasitologie de l’Ecole nationale vétérinaire de Toulouse) et par le docteur Jacques Devos (commission de parasitologie du Syndicat national des groupements techniques vétérinaires). Sans entrer dans le détail de leur exposé, voici quelques points à retenir pour la gestion du parasitisme.

Le premier facteur de risque de la résistance aux anti-parasitaires est la fréquence : plus l’éleveur traite, plus le risque de développer de la résistance est élevé. De plus, selon Philippe Jacquiet, « quand on achète un animal, on achète aussi ses parasites, et donc une potentielle résistance ».

Les premiers cas de résistance ont été mis en évidence sur des ovins. Sur les bovins, des cas de résistance ont été détectés, mais ils ne sont pas aussi alarmants que chez les petits ruminants. « Il s’agit pour l’instant de l’effritement de l’efficacité de certaines molécules», expliquait Philippe Jacquiet.

Les expérimentations ont mis en évidence qu’il n’y a pas de réversibilité de la résistance, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de retour possible à la sensibilité à une molécule. « L’utilisation des anti-parasitaires doit donc être prudente pour préserver l’efficacité des molécules », indiquait Jacques Devos.

Même si les produits pour-on sont plus faciles d’utilisation, ils nécessitent 2,5 fois plus de matière active qu’un produit injectable. Les rejets dans le milieu via les matières fécales sont dans les mêmes proportions. De plus, des études ont montré que lors de l’application d’un pour-on, les animaux ont tendance à se lécher entre eux, installant ainsi une résistance même chez les animaux non traités. « Mieux vaut donc traiter l’ensemble du lot avec le même produit, ainsi que les vaches en même temps que leurs veaux en système allaitant», assurait Philippe Jacquiet.

Eco-toxicité

Outre cette problématique de la résistance, l’éco-toxicité des anti-parasitaires a également été démontrée et doit être prise en compte lors de leur utilisation. « Tous les produits ont une toxicité environnementale, expliquait Jacques Devos. Certains sont très peu toxiques, d’autres sont bien plus toxiques. » Dans le sol, une molécule peut mettre plus d’un an à disparaitre et dégrade des micro-organismes du sol (bousiers, colemboles, lombrics). Les molécules de certains anti-parasitaires peuvent aussi avoir des effets néfastes sur la faune aquatique et sur les plantes. Des indications sont données sur la notice des produits.

Quelles stratégies ?

Pour Philippe Jacquiet, « il est impossible de se passer de ces produits. De nouvelles approches de la gestion du parasitisme en élevages de ruminants doivent donc être mises en place. » Il suggère par exemple de coupler les traitements avec des analyses de matières fécales de manière à évaluer l’efficacité des traitements (coproscopie de mélange). Autre solution : le pepsinogène sanguin, qui constitue un bon moyen pour mesurer l’exposition des animaux aux parasites.

Pour éviter de traiter systématiquement tous les animaux, le professeur Jacquiet propose l’utilisation d’un tableau visant à attribuer des points en fonction du risque d’exposition des animaux aux parasites (mois de mise à l’herbe, âge à la mise à l’herbe, parcellaire, parcelle commune avec des vaches…) et donc permettant de déterminer les animaux à traiter. Une analyse coproscopique peut aussi être faite 4 à 8 semaines après la mise à l’herbe, sur quelques animaux, afin d’évaluer la nécessité de traiter ou pas. Une analyse peut aussi se faire en fin de saison de pâture, par exemple sous forme de pepsinogène sanguin. Les lots à risque, ou individus à risque, et donc à traiter, peuvent également être définis selon un arbre de décision. « Cette approche, plus complexe, est plus populaire en agriculture biologique qu’en agriculture conventionnelle. »

Finalement, «il faut trouver le bon compromis entre l’exposition et l’immunité. Il faut un peu d’exposition aux parasites pour permettre aux animaux d’acquérir l’immunité, mais pas trop d’exposition pour ne pas tomber dans le risque économique. »

De nouvelles pistes

En petits ruminants, il a été démontré que des brebis sont « super-excrétrices. L’idéal serait de pouvoir traiter ces individus uniquement, sur la base de critères simples » (âge, multipare, état corporel, traces de diarhée…). Un dispositif est en cours de test.

Autre piste de réflexion : la sélection d’animaux génétiquement résistants.

 

LGF