Emploi
Le casse-tête du recrutement de travailleurs saisonniers

À l’approche de l’été, la situation sur le front de l’emploi saisonnier inquiète, comme tous les ans, de nombreux professionnels. Cette année encore, le recours à de la main-d’œuvre étrangère, européenne ou venant d’un peu plus loin, devrait permettre de combler les manques. Plusieurs questions réglementaires se posent néanmoins, comme la problématique du logement ou les directives liées à l’accueil de ces travailleurs venus de l’étranger. Éléments de compréhension.

Le casse-tête du recrutement de travailleurs saisonniers
Jérôme Volle, président de la commission emploi à la FNSEA. ©DR

Quelles sont les perspectives de recrutement depuis le début de l’année et pour les prochains mois ?

Jérôme Volle : « Malgré une dynamique positive dans la création d’emplois en agriculture, la FNSEA a publié un communiqué de presse le 21 avril pour alerter sur les risques de pénurie de main-d’œuvre à venir. Dans l’enquête annuelle Besoin de main-d’œuvre de Pôle emploi et le baromètre de notre Observatoire emploi-formation, on note que le nombre de projets de recrutement s’élève à 257 400 en 2022, soit une baisse de 6,7 % en un an. Concernant l’accueil de saisonniers, le besoin sera très important pour 2022, comme chaque année. Sur ce point, que l’on soit sur une année d’aléas climatiques ou non, le besoin reste globalement stable d’une année sur l’autre. Tant bien que mal, les politiques de recrutement sont actuellement en train de se faire, partout sur le territoire. Malgré tout il faut être lucide, les difficultés sont là et nous espérons que les étudiants notamment seront encore au rendez-vous pour venir prêter main-forte sur les exploitations agricoles françaises. »

Quelles sont les filières qui affichent les besoins en recrutement les plus importants en 2022 ?

J.V. : « Sans surprise, les filières viticoles et arboricoles – très gourmandes en main-d’œuvre – sont les plus mobilisées dans la recherche de candidats avec au total 120 000 postes à pourvoir, dont une très grande majorité sur de l’emploi saisonnier. J’ajouterais à ces deux catégories la filière maraîchage. À des périodes différentes sur l’année, ces trois filières concentrent l’essentiel des besoins en main-d’œuvre saisonnière. L’activité est déjà importante pour les fraises et va bientôt démarrer pour les cerises, et en parallèle certains légumes comme les asperges sont déjà en cours de récolte. Puis rapidement, on embrayera sur la période des abricots, pêches ou encore nectarines et ensuite, ce sera le tour des vendanges. »

Quels sont les métiers en particulier qui peinent aujourd’hui à recruter ?

J.V. : « Dans les filières viticoles, arboricoles ou maraîchères, nous avons besoin de ramasseurs mais aussi de personnes dignes de confiance, capables de prendre la tête d’une équipe pour mener à bien les travaux. Il existe aussi un besoin important de tractoristes. Le métier est mal connu, pourtant il faut rappeler qu’il est accessible sans même détenir le permis de conduire. Dans leurs fiches de poste, les employeurs visent de plus en plus à bien spécifier tout cela. De notre côté à la FNSEA, nous nous efforçons de faire la lumière sur la diversité du monde agricole et des emplois proposés. »

Quelles sont les difficultés qui freinent encore le recrutement en agriculture aujourd’hui ?

J.V. : « D’une manière générale, tous les secteurs se trouvent aujourd’hui en difficulté pour recruter. La vérité, c’est que parmi les demandeurs d’emploi, il y en a qui veulent travailler et d’autres non. L’agriculture française est non seulement touchée par des difficultés de recrutement mais aussi de maintien des salariés sur les exploitations à plus long terme. Cela pose la question de la fiabilité de la main-d’œuvre recrutée. Beaucoup de salariés saisonniers n’appréhendent pas suffisamment la difficulté des métiers agricoles et ne sont pas forcément prêts à sortir de leurs habitudes. En général, les recrutements qui fonctionnent le mieux sont ceux qui se font dans le cadre de forums de l’emploi. Cet entretien individuel direct entre l’employeur et celui qui deviendra peut-être son salarié permet de mieux cerner la personne en face et d’éviter ainsi les erreurs de casting. »

Quel est le profil des saisonniers qui travaillent dans notre pays ?

J.V. : « Il y a vraiment de tout. On a d’abord des saisonniers locaux qui sont généralement fidélisés par l’employeur. On a bien sûr beaucoup de jeunes, notamment des étudiants, qui viennent travailler une ou deux années de suite afin de se faire un peu d’argent en parallèle de leurs études. Et puis bien sûr, quand nous n’arrivons pas à trouver les saisonniers directement dans nos territoires, nous avons recours à des travailleurs étrangers. Cela peut paraître paradoxal mais il arrive souvent qu’un agriculteur parvienne plus facilement à constituer d’une année sur l’autre une équipe de travailleurs étrangers fiables qui reviennent régulièrement travailler sur l’exploitation. Ce sont à la fois des saisonniers venus de l’Union européenne, d’Europe de l’Est notamment, et des extra-européens, originaires pour beaucoup du Maghreb via les contrats OFII. »

Comment parvenir à fidéliser ses employés saisonniers ?

J.V. : « Tout simplement en leur garantissant un travail pérenne les années suivantes. Cela passe d’abord par une politique dynamique en matière de salaires. Il s’agit surtout de cibler les salariés à fort potentiel qui manifestent une volonté de s’inscrire dans la durée et de leur apporter un complément de salaire. Le logement représente également un moyen de sécuriser l’emploi du salarié sur l’année suivante. De plus en plus d’employeurs investissent aujourd’hui dans le logement, et même si cela constitue un coût et de nombreuses contraintes réglementaires à assumer, il s’agit là d’un véritable levier pour attirer et garder les saisonniers qui travaillent bien. »

Propos recueillis par Pierre Garcia