Nicolas Vérot
« Rendre la charcuterie accessible au grand public »

Née à Saint-Etienne, la Maison Vérot rayonne aujourd’hui depuis Paris. Nicolas, quatrième génération de ce grand nom de la charcuterie, revient sur la parution récente de l’ouvrage cosigné avec son père, Gilles.

« Rendre la charcuterie accessible au grand public »
« Il est compliqué de dire qu’on est Stéphanois puisqu’on n’y habite pas, mais on l’est de coeur à 100 % ! » assure Nicolas Vérot, ici avec son père, Gilles. / © Caspar Miskin

Quelle est l’histoire de ce livre ?

Nicolas Vérot : « Il s’inscrit dans la lignée des deux que mon père a déjà écrits. L’un plutôt complexe et destiné aux professionnels sur la fabrication de nos charcuteries ; le second, plus institutionnel, sur comment cuisiner et manger nos charcuteries pour sortir des classiques habituels comme le pâté de campagne avec des tranches de pain. Cette fois, nous souhaitions rendre la charcuterie accessible au grand public avec un livre qui reprenne notre savoir-faire et notre rigueur tout en l’adaptant aux contraintes de chacun avec du matériel qu’on a à la maison - couteau, four et moule à cake - et des ingrédients faciles à trouver. Enfin, on tenait à limiter le vocabulaire trop technique. Car devoir aller vérifier le sens de chaque mot peut être un frein à la réalisation de recettes (rires). »

Sont-elles accessibles au plus grand nombre ?

N.V. : « Oui, ce qui nous a guidés, c’est que chacun puisse réaliser un bon produit et se faire plaisir sans avoir à devenir un expert. On a même demandé leur aide à des personnes de notre entourage qui ne cuisinent pas du tout pour s’en assurer. C’était très intéressant car quand elles faisaient des erreurs, ce n’était pas de leur faute, mais de la nôtre et on revoyait notre copie. On a aussi souhaité montrer que la charcuterie permet de se faire plaisir de plein de façons différentes en proposant des alternatives avec moins de viande ou sans porc. Nous adorons le cochon, mais il peut être remplacé de belle manière par de la poitrine de veau. »

L’image de la cuisine s’est améliorée notamment grâce aux émissions de télévision. Avec ce livre, souhaitez-vous rendre la charcuterie plus “cool” ?

N.V. : « Cool, tendance ou quel que soit le terme, on veut contribuer à redorer l’image de cette profession qui a énormément souffert de l’industrialisation. Les produits que consomment la majorité des gens en sont issus alors que la charcuterie non artisanale est très souvent infâme. Le problème, c’est que beaucoup jugent la charcuterie dans son ensemble à travers ce prisme… La Maison Vérot et la majorité de nos confrères artisans se battent pour la qualité. Il y a une nouvelle génération de charcutiers, on est à l’aube d’un vrai retour en force et c’est tant mieux. »

Comment avez-vous écrit à quatre mains ?

N.V. : « On aurait pu se répartir les tâches, mais nous avons tout fait ensemble. Chacun a apporté sa petite touche, certaines recettes viennent plus de mon père, d’autres de moi, mais on a fait le travail à deux à chaque étape, comme on le fait au quotidien dans l’entreprise. Il y a forcément des sensibilités différentes puisqu’on n’a pas le même âge. J’ai beau avoir reçu l’éducation que m’ont donnée mes parents, j’ai une approche qui peut parfois différer, mais c’est sain de les confronter. C’est dans l’histoire de la Maison Vérot, cela nous ramène à la rue du Président-Wilson à Saint-Etienne quand il y a eu la succession entre mon arrière-grand-père et mon grand-père. »

Pour vous qui disposez d’un compte Instagram, y’a-t-il une fierté à voir un livre signé de votre nom ?

N.V. : « Il y a eu ce sentiment, oui, mais c’était assez étrange. On a tellement travaillé dessus que je le connaissais par coeur avant de le recevoir (rires). Le livre, surtout dans notre culture française, assez conservatrice de ce point de vue-là, est super important. Oui, on peut faire des recettes sur Youtube, Instagram et les réseaux sociaux sont très importants pour la Maison Vérot car c’est une façon de montrer notre quotidien et que la charcuterie n’est pas nécessairement ce que le grand public imagine. Mais le livre a ce côté intemporel qui fige un instant T et notre vision de la charcuterie en 2020. Quitte peut-être à ce que l’on ait un autre regard dans cinq ans. Pour nous, cela a un vrai sens et on a de la chance car les gens ont tendance à l’acheter puisqu’il a fallu réimprimer à plusieurs reprises. »

Le livre est aussi un objet de partage, qu’on offre, qu’on prête. Vous deviez ainsi participer à la Fête du livre (FDL) de Saint-Etienne cet automne, qui a dû être annulée.

N.V. : « C’était l’événement majeur de notre lancement, celui qu’on ne voulait absolument pas rater. D’ailleurs, je m’étais inscrit au marathon de Paris, qui a été décalé en raison du contexte sanitaire et devait finalement tomber en même temps. Même si je m’étais entraîné pour cet objectif, j’avais décidé de ne pas le courir pour pouvoir venir à la FDL. Saint-Etienne, c’est… (il marque un temps d’arrêt) Il est compliqué de dire qu’on est Stéphanois puisqu’on n’y habite pas, mais on l’est de coeur à 100 % ! On était effondré de cette annulation et on a finalement appelé la Librairie de Paris pour leur proposer de venir faire une séance de dédicaces afin de pouvoir partager avec les Stéphanois, malgré tout. “Sainté”, c’est très important pour nous et on lui devait bien ça. C’était un moment incroyable, le public était au rendez-vous et cela nous permis de sauver ce lancement très bon au niveau commercial mais, malheureusement, pas comme on l’espérait d’un point de vue événementiel. »

Y avez-vous toujours des attaches ?

N.V. : « Je suis né à Paris car mes parents y ont déménagé l’année précédente, mais j’ai toujours de la famille à “Sainté” et dans la Loire. Je regardais encore le match des Verts hier soir (ASSE-Lille, le 29 novembre, NDLR). J’ai un profond respect pour Saint-Etienne et ce département auquel ma famille et moi sommes très attachés. »

Quel regard portez-vous sur la production ligérienne ?

N.V. : « Il y a de très belles fermes et du très bel artisanat, d’excellents élevages. On est sur un terroir d’une immense qualité et tourné vers les enjeux actuels, de plus en plus locaux, avec des modes de production dans l’air du temps, des entreprises à taille humaine. En revanche, et je peux me tromper, il me semble que la Loire pêche peut-être au niveau de sa distribution, dans la mise en relation des producteurs avec les consommateurs. Je ne sais pas si les Ligériens en ont eux-mêmes conscience. Encore une fois, je ne veux pas passer pour un donneur de leçons. J’ai un grand respect pour tout le monde et je sais qu’il n’est pas facile de faire savoir qu’on fait de bons produits. »

Propos recueillis par Franck Talluto

(*) Terrines, rillettes, saucisses & pâtés croûte, éditions du Chêne,272 pages, 29,90 euros.