Communication positive
Communiquer, la clé pour faire comprendre l’agriculture

Journaliste au quotidien L’Opinion pour lequel elle est spécialiste des questions agricoles et alimentaires, Emmanuelle Ducros est Roannaise de naissance et Montbrisonnaise de jeunesse. Également chroniqueuse à Europe 1, cette petite-fille d’agriculteur ligérien dresse un constat sur la communication agricole et les leviers qu’il faut actionner pour lui donner une toute autre dimension.

Communiquer, la clé pour faire comprendre l’agriculture
La journaliste Emmanuelle Ducros partage sa vision du monde agricole et livre plusieurs réflexions sur les clés pour bien communiquer dans cette profession.

Démystifier l’image de l’agriculteur, redonner ses lettres de noblesse au secteur primaire, contrer les idées reçues… : nombreux sont les besoins de l’agriculture à communiquer pour rétablir la vérité – ou du moins, apporter des éclaircissements fondés – sur un métier controversé dans l’opinion publique.

Cela commence par tenter de comprendre la vision qu’ont de cette profession le plus grand nombre. La journaliste et chroniqueuse Emmanuelle Ducros invite à prendre en compte ce rapport ambivalent des Français avec leur agriculture : « J’ai l’impression qu’il faut distinguer deux choses : la critique du système agricole tel qu’il est ou tel qu’on pense qu’il est et la vision que les Français ont des agriculteurs, qui ne sont pas détestés en tant que profession. Le fait que le Salon de l’agriculture intéresse autant les urbains en dit long sur ce lien ambigu qu’ont les Français avec leur agriculture. »

Des idées reçues

La journaliste pointe alors du doigt l’agribashing, « qui repose beaucoup sur de la méconnaissance et des idées reçues, mais aussi sur le fait que l’on n’a pas pris en compte les réelles évolutions qui ont eu lieu dans notre système agricole depuis 20 ans ». Cette critique, couplée à une part de défiance, explique, selon elle, l’évolution de la France avec son agriculture. Ainsi, au sortir de la guerre, presque la moitié de la population française était agricole ou, a minima dans le secteur primaire. La société s’est progressivement tertiarisée et les gens ont quitté les campagnes. Les grands-parents agriculteurs ont peu à peu disparu, ce qui a entrainé aussi une rupture du lien familial : « Toute une génération n’a pas été acculturée à ce monde. Elle n’a plus vraiment conscience des saisons, de la dureté du métier et de la nécessité de respecter la terre si l’on veut produire. Des choses pourtant très basiques, qui se sont diluées avec l’évolution de la société. »

« L’agriculture n’est pas traitée comme elle le devrait. »

Assurant, de fait, que les agriculteurs ne représentent plus qu’1 ou 2 % de la population (en incluant les professions para-agricoles), Emmanuelle Ducros explique que leur représentation dans le monde politique a logiquement diminué. Les députés agriculteurs à l’Assemblée nationale sont trop peu présents, au même titre que les représentants agricoles dans les conseils municipaux. « Les canaux de diffusion de la culture agricole française se sont un peu coupés ». Avant d’ajouter : « Les médias généralistes ne s’y intéressent qu’une fois par an (Salon de l’agriculture, NDLR) ou pour faire des reportages un peu tapageurs. La presse spécialisée fait très bien son travail, mais elle n’est lue que par la profession. »

Rapport à la technologie et au numérique

Ce contexte défini, il est temps de mettre sur le tapis la part des agriculteurs impliqués sur un ou plusieurs réseaux sociaux et, plus largement, leur rapport avec les nouvelles technologies.  « Je trouve que la façon dont les agriculteurs se sont saisis des réseaux sociaux est assez spectaculaire », estime la plume de l’Opinion. Un constat qui a surpris (et continue de surprendre) beaucoup de monde. Et de citer son lot d’exemples : environ un tiers des fermes ont des outils connectés ; le niveau de technologie dans les fermes, élevage comme grandes cultures, est élevé (outils d’aides à la décision, stations de météo connectées, géolocalisation, etc.).

Selon la journaliste, c’est en grande partie à cause de la PAC et des déclarations connexes que les agriculteurs ont été l’une des Catégories socioprofessionnelles (CSP) les plus tôt équipées en équipements technologiques. « Les agriculteurs sont souvent des early adopters (un individu ou une entreprise qui utilise un nouveau produit, une innovation ou une technologie avant les autres, NDLR). L’agriculture est l’un des segments technologiques sur lequel il y a le plus d’investissements. Les gens prennent les agriculteurs pour des arriérés, or ils sont déjà très présents sur les réseaux sociaux et, petit à petit, se sont organisés. Ils se sont saisis de l’arme de la vidéo, de Twitter… pour commencer à communiquer sur la réalité de leur métier. »

Emmanuelle Ducros affirme que les agriculteurs ne se sont pas laissés dépasser par la situation. Bien au contraire ! Des figures médiatiques émergent : « Par le passé, on invitait des journalistes ou des personnes qui parlaient d’agriculture sans la pratiquer. Désormais, sur les plateaux, on voit de vrais agriculteurs qui viennent s’exprimer. Je pense à Etienne Fourmont, qui a fait la Une de grands magazines et qui est, pour le coup, vraiment agriculteur. Ce genre de personne permet de remettre des vérités factuelles dans le débat. »

Pour autant, si être mis en lumière est une bonne chose pour le secteur agricole, savoir communiquer en est une autre. Aussi, Emmanuelle Ducros explique que savoir répondre à la presse « résulte d’un apprentissage. C’est d’autant plus nécessaire si on ne veut pas que les médias racontent n’importe quoi ». La journaliste préconise un effort de pédagogie et de structuration des discours de vulgarisation agricole. « Il faut apprendre à répondre aux sollicitations des médias, mais en évitant un ton de défiance. » Un travail doit également être fait, selon elle, avec les coopératives du monde agricole implantées sur le territoire français.

Des préoccupations multiples

Au-delà du ”comment communiquer” et des cibles, il est aussi une question qui mérite d’être posée : de quoi les agriculteurs doivent-ils parler ? Les sujets sont nombreux, au même titre que leurs préoccupations.  À commencer par le renouvellement des générations : « La moitié des agriculteurs ont plus de 50 ans. Une partie des places sont prises par les héritiers, mais il y aura beaucoup de hors cadres familiaux. »

La gestion du carbone s’inscrit également dans ces préoccupations : « L’agriculture est l’un des seuls moyens que l’on connait pour remettre du carbone dans le sol par la photosynthèse des plantes. » La biodiversité également, dans une terre agricole comme la Loire qui est une zone de pâturages : « On ne connait pas beaucoup de biotopes qui soient aussi bons que la prairie pour la biodiversité. La cohabitation de la culture et de la prairie dans la Loire en fait un endroit assez intéressant en termes de préservation de biodiversité, de ressource en eau, etc. L’évolution des techniques se doit aussi d’être expliquée au plus grand nombre : « Si j’avais un enfant qui était inquiet du devenir planétaire, je lui dirais que les métiers du vivant incarnés dans l’agriculture proposent le plus de solutions. »

Pourtant, s’il y a bien une problématique qui doit prédominer, selon la journaliste, c’est bien cette transition entre passé et nouveauté : « Le poids de l’héritage empêche parfois d’innover : puisqu’avant, on a toujours fait ainsi, alors on respecte la mémoire des aînés. » Mais une nouvelle génération arrive et apporte des points de vue différents sur l’agriculture. Scénario similaire avec l’émergence de nouveaux profils, venant « d’un autre monde avec parfois des idées reçues et des idéaux et qui vont se heurter au réel », ou encore qui feront tardivement une carrière d’agriculteur, « des quadragénaires qui en ont ras-le-bol de la vie de bureau et qui veulent se reconvertir ».

Avant de donner le mot de la fin : « Toute cette diversité génèrera une forme de brassage culturel dans le monde agricole qui ne doit pas effrayer. Il faut accueillir cela avec intérêt et les accompagner. Il y a de la place en France pour toutes ces formes d’agriculture. »

Axel Poulain

 

 

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