MACHINISME
Les concessionnaires témoignent

Les concessionnaires agricoles ont dû s'adapter à ce contexte inédit. Si le SAV est maintenu dans des conditions acceptables, la vente de matériel est quasiment à l'arrêt. Les professionnels gardent le moral malgré tout.
Les concessionnaires témoignent

Nicolas, Guyonnet Agri : « On essaye de se réinventer »

« Notre équipe compte 16 personnes entre CMAC à Chauffailles et Guyonnet à Civens. On a réparti différemment les effectifs à l'atelier pour limiter les contacts. Nous effectuons uniquement les chantiers prioritaires et donc clairement nous avons moins d'entretien, moins d'activité. Nous avons plutôt des salariés jeunes et donc nous n'avons pas eu de demande d'arrêts pour « garde d'enfants ». Nous avons une personne à risque à l'arrêt et deux employés qui sont passés en activité partielle. Le secteur motoculture est complètement fermé car il est réservé exclusivement aux particuliers. Au magasin, on s'organise aussi. On fait prendre des congés, des RTT sinon ça serait très compliqué à gérer à la fin du confinement. Et puis, il semble que cela soit une condition pour avoir accès aux aides pour mise en activité partielle. Le magasin tourne quand même, on en profite pour faire du rangement, l'inventaire, ce n'est pas inutile. Le téléphone sonne souvent, on fait venir les clients, un à la fois dans le magasin, on limite les accès. Jusqu'ici, la saison n'avait pas vraiment commencé donc c'était plutôt tranquille. Maintenant, ça risque d'être plus agité. La problématique c'est l'approvisionnement des pièces. Il y a des retards qui sont imputables aux transporteurs. Nous ne sommes pas prioritaires contrairement à la nourriture et aux produits pharmaceutiques. On a un peu de stocks... Les commerciaux se réorganisent. Ils travaillent une ou deux heures par jour au téléphone et sur les réseaux sociaux. Les campagnes de SMS, les emailings, c'est une nouvelle façon de travailler pour nous ! Nos clients ne sont pas habitués, nos commerciaux non plus. C'est le côté positif de cette crise, on doit se réinventer, chercher des solutions nouvelles. Même dans cette période, il est important de se montrer, de faire voir qu'on est toujours actif. Bien sûr, l'activité commerciale n'est pas fulgurante mais on fait quelques devis quand même. On communique sur le matériel agricole en stock car ce qui n'est pas en stock... Comme les usines de fabrication ont fermé trois ou quatre semaines, on prend autant de délai de livraison dans la vue. Si le matériel de fenaison arrive après la bataille, ce n'est pas la peine... Notre chiffre d'affaires de SAV en mars sera correct mais celui d'avril ... Depuis le 20 mars, il ne se fait pas grand-chose dans les ateliers.... On va aller chercher les aides d'Etat pour passer ce cap difficile. J'espère que cette crise sanitaire fera bouger les mentalités et que chacun se rendra compte que l'agriculture est un secteur stratégique pour notre pays. »

 

 

Sylvain, Crozet SARL : « On va s'adapter »

« Nous sommes installés sur quatre sites à Crémeaux, Champdieu, Saint-Nizier-sous Charlieu et Fleurieux-sur-l'Arbresle et nous comptons 35 salariés. Nous sommes concessionnaires Fendt et Krone. Nos bureaux administratifs basés à Crémeaux sont passés en télétravail. Les mécaniciens vont faire des dépannages, c'est la saison, avec toutes les précautions. A l'atelier, ils sont confinés et les clients ne peuvent pas entrer. Au magasin, le portail est fermé. Quand les clients appellent, on va chercher la pièce et on la sort pour la leur remettre. On va bientôt ouvrir le portail et mettre des barrières pour éviter à nos magasiniers de multiplier des aller-retours. Ce sera comme un espèce de drive. Nos commerciaux sont confinés chez eux. Ils télétravaillent, utilisent les emails et le téléphone. On leur autorise des sorties si cela est nécessaire pour conclure une affaire, mais avec toutes les précautions. Le plus compliqué, c'est la gestion des pièces car les usines de fabrication sont à l'arrêt et les transporteurs au ralenti. La majorité de nos salariés sont au travail. On répartit les plannings pour qu'il y ait toujours quelqu'un sur les différents sites. La vente de matériel, c'est compliqué. Certaines de nos propositions sont ajournées. On dépend aussi des pays voisins et notamment de l'Allemagne. Pour le matériel de fenaison, heureusement, nous avons du matériel en stock. Fendt et Krone ont fait le nécessaire, ils ont dispatché leur stock chez les concessionnaires dans toute la France Des clients sont compréhensifs, d'autres non. Avec la saison qui démarre, il risque d'y avoir des tensions. On peut comprendre, quand un agriculteur voit son herbe par terre, il veut la ramasser... C'est une crise à passer et nous la surmonterons tous ensemble. Nous remercions nos employés pour leur capacité d'adaptation aussi rapide face à cette crise. »

 

Jean-Christophe, Frédière SAS :« On maintient un service correct »

Jean-Christophe Frédière

« Nous avons 35 personnes sur deux sites, Civens et Savigny (Rhône), nous commercialisons matériel agricole et matériel d'élevage. Nous avons cinq vendeurs en chômage partiel, ainsi que nos apprentis et nous avons trois ou quatre personnes absentes pour garde d'enfants.  Nous régulons les personnes à l'entrée au magasin, comme en grande distribution. Dans les ateliers, les salariés tournent pour ne pas tous être là en permanence. Et au niveau commercial, nos salariés sont passés en télétravail. L'approvisionnement en pièces détachées est pour l'instant correct. Il y a peu de décalage. On trouve les moyens de dépanner nos clients, je considère que le service est correct. Pour le matériel agricole, j'attends six machines de fenaison, je suis dans l'inconnu, je ne sais pas quand elles seront livrées... Kuhn va redémarrer un peu la fabrication, on espère que ça va accélérer les choses. On ne prend pas de commandes donc ça va faire un gros trou dans le chiffre d'affaires dans deux ou trois mois ! On arrive à vendre un peu de matériel d'occasion par internet, essentiellement des machines de moins de 10 000 euros. Pour ce type de matériel, les clients peuvent se contenter de la photo. En revanche, pour ce qui est du neuf ou du matériel plus onéreux, ils veulent voir avant d'acheter. Globalement, nos clients sont compréhensifs. On fait en sorte que ce soit le plus fluide possible, même si ce n'est pas le même débit qu'en temps normal. On a quand même un peu d'activité, contrairement par exemple au secteur hôtel-restaurant qui est complètement à l'arrêt. »

Propos recueillis par David Bessenay