Restauration
« Aujourd'hui l'équation n'a que des inconnues »

La réouverture des restaurants, fermés depuis octobre pour cause de pandémie de Covid-19, s'amorce. Frédérique Lehoux, directrice générale du Geco Food Service, association qui regroupe les industriels fournisseurs de la restauration hors domicile, analyse les premières tendances et perspectives (1).

« Aujourd'hui l'équation n'a que des inconnues »
Dans un premier temps, seules les terrasses seront ouvertes et avec des protocoles très stricts. Seulement un quart des restaurants en ont une à leur disposition. ©Pixabay
interview
« Nous ressentons l'envie et la frénésie des Français de retrouver les restaurants », explique Frédérique Lehoux, directrice générale du Geco Food Service. ©Agrapresse

Le gouvernement a annoncé la réouverture progressive des restaurants, cafés et bars à compter du 19 mai. Quels sont les premiers signaux pour les fournisseurs de la restauration hors domicile ?

Frédérique Lehoux : « Les signaux sont très positifs. Les courants d'affaires reprennent. Les stocks s'accumulent progressivement sur les plateformes logistiques, le cadencement de la production reprend. Nous ressentons l'envie et la frénésie des Français de retrouver les restaurants. Cela se traduit dans les réservations déjà effectuées. Au-delà du boom à la réouverture, nous ne savons pas comment la reprise du marché de la restauration va s'installer dans le temps. Les restaurateurs restent très vigilants. Ils ne savent pas combien de couverts ils auront à gérer dans le temps. Leurs cartes seront plus courtes. Leurs stocks plus faibles. Les habitudes des Français vont changer, il va falloir que toute la chaîne d'approvisionnement soit très agile dans les mois à venir pour s'ajuster au mieux. »

Comment l'activité des restaurateurs, quasiment à l'arrêt depuis octobre hormis une activité de vente à emporter, va-t-elle se réamorcer ?

F.L. : « Dans un premier temps, seules les terrasses seront ouvertes et avec des protocoles très stricts. Seulement un quart des restaurants en ont une à leur disposition. Et pour ceux qui en ont une, ce n'est pas certain qu'ils fassent le pari d'ouvrir notamment si elle ne permet d'accueillir que peu de couverts. Les conditions météorologiques jouent aussi. En cas de pluie, il n'y aura pas d'activité et les charges fixes de personnels seront, elles, bien là. Nous savons également que le redémarrage ne sera pas homogène sur tout le territoire national. Très clairement, des restaurants et cafés à Paris et en Ile de France reportent leur réouverture à septembre. Ils savent que l'activité touristique ne va pas reprendre dans l'immédiat et que les Parisiens et Franciliens partiront en vacances loin de la capitale cet été. »

Comment le secteur de la restauration et l'amont de la filière vivent-ils cette crise sanitaire ?

F.L. : « Nous avons reçu une bonne écoute des pouvoirs publics. Mais aujourd'hui l'équation n'a que des inconnues. Nous ne savons pas combien d'acteurs vont réellement pouvoir poursuivre leur activité. Il y a quelques mois, des cabinets prédisaient qu'un tiers des restaurants allaient disparaître. Pour le maillon distribution de la restauration hors domicile, qui est l'intermédiaire entre les fournisseurs et les restaurateurs, cela a été économiquement très dur. Ce maillon a beaucoup souffert, notamment par manque de marchés de report. Il y a déjà eu des rapprochements de grossistes en boisson. Nous nous attendons à ce qu'il y en ait d'autres. »

Quand pensez-vous que le marché de la restauration hors domicile retrouvera son niveau d'activité d'avant crise ?

F.L. : « Au mieux courant 2022, voire plutôt en 2023. Après la crise de 2008 qui était une crise financière et de pouvoir d'achat, il a fallu dix ans pour retrouver le même niveau de prestations. Il y a encore de nombreux points d'interrogation pour cette crise sanitaire et ses répercussions. »

A.J.

(1). Entretien réalisé avant le 19 mai.