Vie quotidienne
Coup d’œil dans le rétroviseur sur 100 ans de permis de conduire

Instauré le 31 décembre 1922, le permis de conduire est devenu un passeport pour la liberté en même temps qu’un sésame pour la vie professionnelle. Retour sur les évolutions qui ont marqué ce siècle d’existence.

Coup d’œil dans le rétroviseur sur 100 ans de permis de conduire
Sésame indispensable à la conduite en autonomie, le permis de conduire est le premier examen de France, bien loin devant le baccalauréat.

Il s’est un peu tassé avec le temps et le passage au format carte de crédit, mais n’en reste pas moins un centenaire dynamique et attirant. Un peu plus de deux millions de candidats (pour l’ensemble des catégories) se sont effectivement présentés en 2021 à l’examen du permis de conduire, instauré en décembre 1922. De quoi en faire le premier examen de France, bien loin devant les 709 000 postulants au baccalauréat l’an dernier.

Passeport pour la liberté et les sorties ou vacances entre copains, le permis de conduire est aussi et surtout un précieux sésame pour l’accès à la vie professionnelle. Ce qu’a confirmé l’enquête qu’a menée Harris interactive en 2022 pour l’Institut Montaigne (1). 85 % des 18-26 ans interrogés relevaient l’importance d’avoir le permis de conduire B afin de trouver un premier emploi.

Un besoin encore plus prégnant quand on ne réside pas dans les plus grandes villes. 86 % des titulaires du permis B interrogés pour cette étude l’ont ainsi obtenu avant leurs 20 ans. Un nombre qui grimpe à 92 % parmi ceux habitants en zone rurale, tandis qu’il chute à 79 % pour ceux installés dans l’unité urbaine de Paris.

Les freins pour les jeunes

Pour autant, seuls 71 % des 18-26 ans ayant répondu à ce sondage ont déclaré être titulaires du permis de conduire. Une donnée qui évolue logiquement selon le lieu d’habitation : 77 % en zone rurale et 66 % dans l’unité urbaine de Paris. Chez les 29 % qui n’en dispose pas, plusieurs raisons sont avancées : le coût arrive en tête (34 %), devant le temps (27 %) et le fait d’être en train de le passer (18 %). Au pied du podium, on retrouve le fait de vivre provisoirement dans un lieu où il n’y en a pas besoin (en ville, en cité universitaire, etc.) avec 18 %, puis ne pas avoir de véhicule individuel – ou pas l'intention d'en acquérir un – (16 %). Ne pas en avoir besoin suit juste derrière, avec 10 %, quand 8 % des répondants concernés déclarent n’avoir tout simplement jamais pensé à le passer…

Devenu incontournable dans notre quotidien, le permis de conduire a fait son apparition à une époque où les voitures étaient bien moins nombreuses et circulaient au milieu d’autres véhicules à traction animale, quand elles doivent aujourd’hui composer avec les scooters et autres trottinettes. Comme le rappelait le journal Le Parisien dans un article paru le 31 décembre dernier, le préfet Lépine avait créé dans la capitale, « depuis les années 1890 un certificat de capacité, uniquement pour ces messieurs, délivré après un examen rudimentaire : démarrer, rouler en ligne droite ou encore s’arrêter ».

Finalement, un décret passe en catimini le 31 décembre 1922 pour créer le permis de conduire. « L’examen devient plus technique, des connaissances précises sont demandées et c’est un expert accrédité par l’État qui se charge d’évaluer les candidats. L’âge légal pour avoir le droit de prendre le volant passe de 21 à 18 ans », précise le quotidien francilien.

Ce décret vient aussi remanier le code de la route adopté l’année précédente. L’institution de règles remonte toutefois à bien plus loin. Ainsi, raconte le site largus.fr, « en 1725, une ordonnance royale imposait “une plaque d'identification sur les carrosses pour pouvoir retrouver leurs chauffeurs quand ils font l’objet de plaintes”, et le nombre des chevaux était limité en fonction du nombre de roues des charrettes et de leur poids pour préserver l’état des routes. En 1804, Napoléon Ier rend obligatoire la circulation à droite de la chaussée (auparavant on circulait à gauche), tandis qu’en 1912 les premiers panneaux (quatre sortes au total) fleurissent sur la route entre Paris et Trouville ».

Quand les points immobilisaient la France

Le code de la route évolue à nouveau en 1954 avec la création de six catégories de permis : A1, A, B, C, D, E et F.  Trois ans plus tard, son apprentissage devient obligatoire, avec des questions posées par un examinateur. À partir de 1971, l’État prend en main l’examen du permis de conduire, assurée jusque-là par les autorités locales. L’année suivante, le format de l’examen du code de la route évolue avec l’arrivée des diapositives qui ont marqué des générations d’apprenti-conducteurs.

L’instauration du permis européen en 1984 et la généralisation de la conduire accompagnée en 1988 marquent la décennie suivante. Quatre ans plus tard, l’instauration du permis de conduire à points secoue le pays. Il est d’abord fixé à six points, puis à douze face à la grogne des professionnels du transport, avec des blocages routiers massifs en juillet. La suite est plus calme, avec l’entrée en vigueur du permis probatoire en 2004, la mise en place du format carte bancaire il y a dix ans (2) ou la création d’une épreuve code de la route moto en 2020.

Franck Talluto

(1) Enquête réalisée en ligne du 8 au 14 mars 2022 auprès d’un échantillon de 1 010 personnes représentatif des Français âgés de 18 à 26 ans, selon la méthode des quotas.

(2) L’emblématique permis rose en trois volets, en vigueur depuis 1955, reste valable jusqu’en 2033.

« Une étape, pas une finalité »
Philippe Usson

« Une étape, pas une finalité »

Délégué principal au permis de conduire et à la sécurité routière à la DDT, Philippe Usson est le responsable des 16 inspecteurs de la Loire. Il détaille le rôle et le fonctionnement de cet examen.

Quelle est la vocation de l’examen du permis de conduire ?

Philippe Usson : « Il sert à s’assurer que les minimas requis sont atteints après la formation en école de conduite, mais c’est une étape, pas une finalité. Les candidats se préparent pour l’examen et pensent être conducteurs une fois le permis obtenu. Ils ont certes la capacité à déplacer seuls un véhicule, mais doivent encore accumuler de l’expérience pour devenir des conducteurs chevronnés. »

En quoi consiste-t-il aujourd’hui ? Y’a-t-il eu de grandes évolutions ces dernières années/décennies ?

P.U. : « L’architecture est restée la même depuis des décennies et suit un schéma en deux temps commun à la plupart des pays, européens notamment : une épreuve théorique pour s’assurer que le futur conducteur a acquis les connaissances réglementaires et comportementales ; une épreuve pratique pour les mettre en application. Durant les 25 minutes de conduite effective, l’inspecteur vérifie que le candidat connaît les règles, mais sait aussi les appliquer intelligemment et de manière cohérente. Il doit savoir partager la chaussée avec les autres usagers en détectant la règle qui s’applique à la situation, circuler sans jamais mettre en cause leur sécurité ou celle des autres, être également capable d’anticiper l’éventuelle dérive d’autres usagers, par exemple en acceptant de céder une priorité, ou encore d’avoir une conduite douce respectueuse de l’environnement.

Pour les automobilistes, le taux de réussite est inférieur à 60 % dans la Loire et à l’échelle nationale. Comment l’expliquer, y’a-t-il des consignes, des quotas ?

P.U. : « La question revient souvent à l’approche de l’été… C’est une légende urbaine, il n’y a aucune consigne. Les critères sont totalement objectifs et très transparents, les moniteurs d’auto-école les connaissent parfaitement. Les taux de réussite sont stables dans le temps et il n’y a pas de véritable variation selon les périodes de l’année. On observe en revanche qu’il est bien plus élevé dans d’autres catégories, comme les motos et les poids lourds, car les candidats sont souvent des personnes plus matures, plus expérimentées. Ce constat vaut pour les candidats formés par conduite accompagnée, dont le taux de réussite à l’examen est supérieur à ceux qui ont suivi la filière classique. »

Quelles sont les erreurs les plus fréquentes ?

P.U. : « La principale source d’ajournement, c’est la mise en cause de la sécurité. Si l’inspecteur ou un autre usager doit intervenir pour éviter l’accident, le permis ne peut être délivré, c’est éliminatoire. Pour le reste, l’examen est un bilan de compétences : prendre l’information, communiquer avec les autres usagers, adapter son allure, se placer sur la chaussée, réaliser deux manœuvres, etc. Chacune fait l’objet d’une note sur 3 points, le maximum est de 31 et il faut en obtenir au moins 20 pour réussir. À noter que, depuis le 1er janvier, les trois questions de vérification ont fait leur retour. Elles avaient été retirées à la suite du premier confinement dans le cadre d’un protocole sanitaire et ces trois points étaient attribués automatiquement. »

Propos recueillis par F.T.