Contraintes
Les arboriculteurs ne décolèrent pas face au préfet

Les organisations agricoles et arboricoles de la région ont reçu le préfet, ce mardi 13 juin à Cellieu. L’objectif : partager leurs inquiétudes, leur colère et leurs attentes pour le présent et les années à venir.

Les arboriculteurs ne décolèrent pas face au préfet
Les arboriculteurs se sont exprimés le 8 juin face au préfet de la Loire et attendent des réactions concrètes.

Le 13 juin dernier, le préfet de la Loire Alexandre Rochatte s’est rendu à Cellieu, à l’initiative de la Chambre d’agriculture, pour rencontrer et échanger avec les structures agricoles et arboricoles des départements de la Loire et du Rhône. Une quarantaine d’agriculteurs et d’acteurs du secteur étaient réunis au sein de l’espace Cuma Froid, sur les hauteurs des coteaux du Jarez. L’occasion pour eux de présenter au représentant de l’État les enjeux de la filière sur le territoire mais aussi les difficultés qu’ils rencontrent, notamment en termes de capacité d’irrigation, d’interdictions et contrôles phytosanitaires ou encore de main d’œuvre. Alors que les agriculteurs et responsables de structures agricoles échangeaient, le ton grimpait parfois, preuve de la colère mais aussi de l’inquiétude des professionnels face aux nombreuses difficultés auxquelles ils doivent faire face.

Des coûts énergétiques en hausse

Celles-ci sont liées à différents leviers, à commencer par la récente et importante augmentation des coûts de production, avec la succession de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine. Roland Rivory, président de la coopérative des Balcons du Pilat, quantifie cette hausse à environ 10 centimes supplémentaires par kilo de pommes rien que pour l’énergie, alors que la main d’œuvre représente déjà 40 à 60 % des charges. L’homme explique : « Si le prix de vente augmentait aussi, cela pourrait passer, seulement, le pouvoir d’achat des Français subit aussi ces crises et les consommateurs ne sont pas prêts à payer plus cher leurs fruits, même si cela garanti une bonne qualité. » Avant de préciser que « les agriculteurs n’avaient pas été concernés par les aides de l’État sur les coûts des énergies. » Un souci financier que les arboriculteurs reconnaissent comme ayant un poids particulier sur leur moral, d’autant qu’il n’est pas la seule problématique à résoudre.

L’incohérence des réglementations

Mikael Mazenod, producteur à Saint-Paul-en-Jarez, représentant des arboriculteurs à la Chambre d’agriculture de la Loire et impliqué à la FDSEA, soulève également la problématique des réglementations de plus en plus restrictives et contraignantes qui leur sont imposées. « En France et dans la Loire, les arboriculteurs respectent les réglementations et vont même souvent au-delà. Suite à l’arrêté riverain, beaucoup ont sacrifié des productions, c’était le cas aussi pour celui concernant la protection des insectes polinisateurs. » Aux dires de l’ensemble des producteurs présents, un découragement s’installe sur les exploitations ainsi qu’une mauvaise information et un sentiment d’injustice : « Avant d’interdire l’utilisation de produits phytosanitaires, il est primordial que des moyens soient déployés pour nous permettre de trouver des alternatives suffisamment efficaces » précise Mikael Mazenod.

Il explique également que « la mise en place de filets de protection contre la Drozophila susukii nécessite un investissement à hauteur de 4 ou 5 000 euros/ha juste pour les filets, de 15 à 20 000 euros/ha avec la structure » et l’implication de la main d’œuvre pendant de nombreuses heures. Jean-Luc Perrin, nouvellement président de la FDSEA, se montre inquiet également sur ce sujet : « Nous cherchons à mettre en place une agriculture durable en France. Cela comprend trois piliers : le social, l’environnemental mais aussi l’économique. Il est donc nécessaire de nous laisser produire sans nous mettre des boulets aux pieds. En termes de commerce extérieur, il est invraisemblable que l’on interdise des produits de traitement alors que l’on importe des fruits étrangers qui en sont bourrés ! L’agriculture française est une filière de qualité et d’avenir. Notre production est saine, économe en eau et bien distribuée. Il est temps que le gouvernement nous fasse confiance. »

Le Préfet de la Loire concède une éventuelle mauvaise information des agriculteurs concernant les nouvelles restrictions et annonce l’organisation de contrôles préventifs en amont de ceux effectifs, pour que les agriculteurs sachent ce qui sera vérifié, mais aussi que les forces de l’ordre connaissent le sujet de leurs évaluations. En parallèle, même s’il explique ne pas avoir de pouvoir sur les interdictions légales, il s’engage à faire remonter les demandes des arboriculteurs à l’échelle nationale, pour une meilleure concertation et un meilleur financement de la recherche.

Des crises climatiques à répétition

Le président de la FDSEA de la Loire, souligne que « sans eau… pas de fruit ». Et cela pose de réels problèmes aux arboriculteurs alors que les crises climatiques se succèdent à des fréquences de plus en plus soutenues. Entre épisodes de gel, grêle, sécheresse et canicule, les agriculteurs voient leurs productions fortement impactées et tentent de trouver des solutions. Parmi elles, les filets de protection (contre la grêle ou les insectes) sont extrêmement couteux, malgré une grande efficacité. Mais encore faut-il que les vergers soient adaptés à cette utilisation.

Pour le gel, certains arboriculteurs utilisent l’aspersion d’eau, les canons à air chaud ou les éoliennes, mais ces techniques consomment beaucoup de ressources et ne sont pas toujours efficaces. Pour remédier aux problématiques liées au manque d’eau, un groupement d’arboriculteurs de la région s’est réuni pour porter un projet d’acheminement depuis le fleuve Rhône. Chantal Brosse, vice-présidente du Département en charge de l’agriculture confirme son soutien et l’attribution de financements dès lors que le projet sera viable. De son côté, le préfet, demande une avancée et un meilleur aboutissement avant d’accorder une enveloppe, bien qu’il affirme y accorder son appui.

Raymond Vial, président de la Chambre d’agriculture de la Loire, adresse au préfet la demande d’une plus grande implication de l’État dans la préservation des vergers, notamment avec le lancement d’un grand dossier de conservation des vergers de la Loire d’ici 2030. Un projet auquel Alexandre Rochatte répond avec réserve, mais sur lequel il promet de travailler, en partenariat avec les organisations arboricoles et agricoles du département.

Des difficultés de transmission

Enfin, alors que les exploitations se transmettaient de génération en génération, ce phénomène s’essouffle et ne convainc plus. Les enfants, voyant leurs parents travailler d’arrache pied et affronter de nouvelles difficultés chaque jour, doivent être réellement passionnés pour reprendre l’entreprise familiale. « À l’époque, j’ai repris l’exploitation de mes parents, comme la plupart d’entre nous. Aujourd’hui, j’ai des enfants, mais je leur dit toujours de s’orienter vers d’autres métiers car je ne sais pas ce que je vais leur laisser » explique Mikael Mazenod, ajoutant : « Je crois encore en notre territoire ! »

Clara Serrano

Créer des formations et des vocations
Capacité d’irrigation, d’interdictions et contrôles phytosanitaires ou encore de main d’œuvre, les problématiques sont nombreuses et deviennent urgentes.
Emploi

Créer des formations et des vocations

La filière arboricole n’échappe pas à la pénurie de main d’œuvre qui en touche également beaucoup d’autres en France. Celle-ci est liée à différents facteurs, dont le manque de formation au niveau national, mais aussi et surtout régional. S’adressant au représentant de l’État, les agriculteurs demandent la création de nouveaux parcours dans les lycées agricoles. Mickael Mazenod, représentant à la Chambre d’agriculture de la Loire s’adressait au préfet : « N’attendons pas que les arboriculteurs aient quitté le métier ! » Ces formations permettraient de créer des vocations, d’enseigner le métier, mais aussi de changer la très mauvaise image dont pâtis la filière ; celle d’un métier très difficile. Il demande également que les modalités d’installation sur une nouvelle exploitation soient facilitées et que les jeunes agriculteurs soient davantage aidés.

Ce déficit de recrutement s’étend même aujourd’hui aux saisonniers, qui représentaient jusqu’à présent une grande partie de la main d’œuvre des arboriculteurs avec les récoltes et les plantations. Cependant les agriculteurs présents pour échanger avec le préfet confient : « Aujourd’hui, les saisonniers se font plus rares et ils choisissent généralement des métiers moins difficiles ou en bord de mer par exemple. De plus, beaucoup demandent de travailler sans être déclarés, de manière à percevoir également leur allocation chômage par exemple. Enfin, alors que nous faisons régulièrement appel à des travailleurs venus des pays d’Europe de l’Est, ceux-ci ne sont plus disponibles car ils sont très demandés par différents secteurs d’activité. »