DIVERSIFICATION
Des producteurs de chanvre... isolés

Malgré la passion du président des producteurs de chanvre, Pierre Vallensant, la culture dans le département de la Loire ne décolle pas. Rencontre avec l'agriculteur de Grézolles, dans le Roannais.
Des producteurs de chanvre... isolés

Dans la Loire, le développement de la culture du chanvre espéré à un moment n'a pas eu lieu. Le syndicat mixte des Monts de la Madeleine a été la première structure à s'y intéresser, dès 2008. Puis en 2015, un appel aux producteurs avait été lancé. L'association Atout Chanvre avait vu le jour et un GIEE avait été formé. « Tout le monde était très motivé. Certains voulaient se lancer sur 15 ou 20 ha », se souvient Pierre Vallensant, agriculteur à Grézolles et désormais président d'Atouts Chanvre. Les ambitions ont été revues à la baisse, certains ont carrément abandonné, d'autres sont à la retraite. « On voulait se servir du GIEE pour investir dans le matériel, finalement on ne l'a pas fait car tous les producteurs n'avaient pas la même stratégie ni les mêmes objectifs.» Il ne reste guère plus que 5 ou 6 ha cultivés sur le département par deux ou trois producteurs.

 

Culture facile


La culture du chanvre en elle-même n'est pas un problème : « on sème, on roule et on récolte », résume l'agriculteur qui engraisse par ailleurs des ferrandaises sur 45 ha de prairies. C'est à peine exagéré. Le chanvre est planté fin avril ou début mai, il pousse vite donc recouvre l'espace ce qui évite la levée des adventices, « juste parfois un peu de liseron ou d'amarantes » et l'usage d'herbicides. De même, il a peu de nuisibles et n'est pas sensible aux maladies. Résultat, aucun traitement phytosanitaire n'est nécessaire : « du coup, c'est facile de le cultiver en bio. C'est que je fais depuis deux ans ».
La récolte, normalement positionnée en octobre, a été avancée cette année à fin septembre en raison des conditions climatiques. « Les entrepreneurs ont rangé leurs machines à cette période alors nous avons trouvé une Cuma locale pour récolter. Avec la moissonneuse, nous coupons les têtes pour récolter les graines. Juste les têtes, si la tige est trop longue, on fait bourrer la machine. »


Valoriser la graine et la paille


Les graines récoltées sont triées au vannoir « pour enlever les grains verts et les feuilles ». Ensuite, elles sont installées sur une remorque reconvertie et recouverte d'un drap et séchées à l'aide d'un ventilateur. Les vertus du système D !
Il valorise le produit soit en graines, en huile ou en farine « sans gluten, plein de protéines donc intéressant pour les sportifs. » S'il transforme lui-même en farine ses céréales (blé, seigle, petit épeautre), il fait en revanche presser son huile chez un collègue. « Je pourrais acheter une presse ce serait rentable mais à un moment, je ne peux pas tout faire ».


Farine et huile pour la graine, écoconstruction ou paillage horticole pour la paille, les débouchés du chanvre sont nombreux.
Il procède ensuite à la récolte de la paille « avec une faucheuse à sections et un rabatteur, c'est essentiel, sinon ça bourre. » La paille sèche au champ, « il faut espérer qu'il n'y ait pas de pluie comme l'an passé, je l'ai ramassé seulement au printemps. »
Ensuite, il faut procéder au défibrage : broyage et passage au trommel (crible en forme de cylindre) pour séparer la chènevotte de la laine. La laine est utilisable comme isolant « mais mes produits ne sont ni normés ni certifiés donc je les vends directement à des particuliers, pas à des artisans. » La chènevotte, mélangée à de la chaux, forme aussi un isolant
Selon Pierre Vallensant, l'équation est simple : pour que le chanvre soit rentable, il faut transformer et vendre en circuits courts. « Certains collègues vendent la paille à 130 euros parfois 120 euros la tonne desquelles il faut déduire le transport. Ce n'est pas rentable. »
La coopérative Eurea avait un temps été contactée pour envisager la création d'une filière locale mais elle n'a pas donné suite car les investissements sont importants et ne peuvent être rentabilisés qu'avec un nombre d'hectares suffisant.
« Les circuits-courts sont rentables, à condition d'accepter de passer du temps à la commercialisation, renchérit le producteur. Je fais 80 % de mes ventes sur des marchés occasionnels. Avec le Covid-19, c'est un peu compliqué... » Le reste de la production est vendue en magasin de producteurs. "Ça reste du marché de niche, reconnaît-il. Il y a peut-être une place à trouver pour la farine en grande surface. »

Pierre Vallensant, président d'Atouts chanvre.
Est-ce que la filière chanvre local prendra enfin son envol ? Pour l'instant, rien ne l'indique. « Même si on parle de la création d'une filière jeans en chanvre dans le Sud-Ouest », signale le producteur.


David Bessenay