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La durabilité, maillon essentiel de satisfaction et de transmission

À l’occasion de la 8e édition des rencontres Made in viande, de nombreux professionnels de la filière élevage et viande ont ouvert leurs portes pour expliquer leur métier et mettre en lumière leur mobilisation. Parmi eux, François Garrivier, éleveur aux multiples casquettes, organisait lundi 15 mai, sur son exploitation à Grézolles, une conférence autour de la question de durabilité.

La durabilité, maillon essentiel de satisfaction et de transmission
Dans le cadre des rencontres Made in viande, François Garrivier a ouvert les portes de son exploitation lundi 15 mai, pour notamment parler durabilité.

Opération nationale visant à mettre à l’honneur tous les métiers et produits de la filière élevage et viande en France, les rencontres Made in viande organisées par Interbev (en relation avec Inaporc) se sont déroulées du 10 au 17 mai. Sur les 800 portes ouvertes proposées au grand public partout en France, près de 75 ont eu lieu en Auvergne-Rhône-Alpes, dont 41 autour de la filière élevage. Romain Kjan, directeur d’Interbev à l’échelon régional, contextualisait ainsi : « Nous souhaitons montrer le métier au quotidien des professionnels de la filière. On compte 500 000 emplois en France sur la filière élevage et viande, dont plus de 35 000 en région. Ce sont des chiffres qui pèsent dans la balance, mais dont une part a besoin d’être renouvelée. L’idée est aussi de susciter des vocations. »

Rendez-vous était donc donné aux intéressés (élus locaux, représentants d’OPA et de la filière) lundi 15 mai, sur l’exploitation de François Garrivier (1) à Grézolles. Il avait reçu dans la journée des enfants de l’école de son village pour leur présenter le métier d’éleveur. « C’est la deuxième année que je participe et cette fois, je tenais à le faire sur un format différent : un temps de présentation en trois thèmes – mon exploitation, la durabilité et les évènements sur mon exploitation – et un sujet de débat », introduisait l’hôte du jour, épaulé par Mathis Bret, alternant chez Interbev Aura depuis septembre 2022 et étudiant à l’Isara.

Après avoir retracé l’historique de son exploitation (installation en Gaec en 2003, puis en exploitation individuelle en production vaches allaitantes et quelques herefords en 2006), François Garrivier confiait avoir atteint son « rythme de croisière » depuis 2009, avec 110 ha de SAU – 95 ha de prairies permanentes, 3 ha de prairies temporaires, 5 ha d’orge d’hiver et 7 ha de maïs ensilage.

Trois piliers de durabilité

Lors de sa prise de parole, Mathis Bret interrogeait l’assistance sur la définition du terme durabilité. Une définition souvent réduite au simple facteur environnemental, alors qu’elle englobe finalement trois piliers : économique, environnemental et social. Et de citer la signification officielle, à savoir « la satisfaction des besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ».

Ainsi, sur la partie environnementale, deux enjeux prévalent : l’accès à l’eau (en quantité comme en qualité) et la préservation de la biodiversité. La durabilité économique, qui « dynamise une filière », rappelle Mathis Bret, « doit s’accompagner d’une autonomie alimentaire sur son exploitation ». D’ailleurs, si la dynamique d’élevage dans le territoire régional renvoie à une forte mobilisation de moyens humains, les chiffres le démontrent : « On parle de 35 000 emplois en élevage avec derrière, 3 300 emplois sur la partie mise en marché, 1 700 dans l’abattage, 10 300 en grossiste-découpe-transformation et 17 000 sur le maillon distribution. Ceci pour une finalité de 7,9 millions de consommateurs », ajoutait-il. Il évoquait ensuite la nécessité d’une répartition juste de la valeur pour un produit rémunérateur pour tous les maillions de la filière. Un chantier qui doit passer par la contractualisation, via la loi Egalim.

Dernier aspect de la durabilité et non des moindres, l’aspect social. Plusieurs éléments ont alors été rapidement passés en revue : la qualité du travail et l’emploi d’une main d’œuvre locale ; la transmission d’un savoir-faire aux générations futures ; l’élevage bovin viande permet l’attractivité des territoires, dynamise le tourisme et les espaces ruraux.

La durabilité évoquée de manière générale et les pratiques mises en place par François Garrivier sur son exploitation ont enfin été mises en corrélation au terme des deux présentations. À ce dernier de rappeler, au terme de cette comparaison, deux éléments de durabilité à garder en tête : « le renouvellement des générations (50 % d’éleveurs de bovins viande ont plus de 55 ans) et la consommation du foncier agricole au profit de terres artificialisées. »

Échanges constructifs

François Garrivier interrogeait ensuite le député européen Jérémy Decerle. Lequel a répondu en vidéo en rassurant l’audience de « ne pas sous-estimer le travail qui a été fait par la France pour promouvoir cette question de clauses-miroirs et de réciprocité afin que l’Europe ne soit pas la naïve de l’échiquier mondial ».

Guillaume Gauthier, polyculteur-éleveur de bovins allaitants en Saône-et-Loire, élu et secrétaire général adjoint de la Fédération nationale bovine (FNB), et Thierry Turlan, agent à la Draaf de Clermont Ferrand et agent du ministère de l’Agriculture détaché pour une mission de trois ans sur l’élevage bovin allaitant du Massif central, ont été amenés à débattre sur la notion de durabilité et les propos du député européen. 

Le premier s’enthousiasmait d’une définition de la durabilité « bien reprise par le triptyque économique-environnemental-social » et insistait sur les enjeux, à savoir lutter contre l’import et pour une meilleure rémunération des éleveurs. Il mettait par ailleurs en lumière le social, qui « compte aussi beaucoup dans le renouvellement des générations ». Le second, représentant de l’administration, décrivait François Garrivier comme « dans une logique de durabilité et conscient de vos responsabilités en tant qu’exploitant », mais pointait du doigt plusieurs difficultés autour de la question de durabilité : l’hétérogénéité des exploitations, mais aussi que « de plus en plus de citoyens consommateurs sont éloignés de l’agriculture, qui ont pourtant de plus en plus d’avis et attentes sur ce qu’elle devrait être ». Et invitait à réfléchir à différents axes de travail à réfléchir ensemble, à l’image d’un moyen pour donner un revenu correct aux éleveurs.

Axel Poulain