FDSEA
Au-delà de l’actualité, des perspectives

Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles), participait à l'assemblée générale de la FDSEA de la Loire, qui se tenait jeudi 17 septembre à Montbrison. L'occasion pour lui d'entendre la voix du terrain et de porter celle de l'instance nationale. Entre dossiers d'actualité et perspectives, les sujets d'échange n'ont pas manqué pour cette réunion, qui se déroulait à huis clos.
Au-delà de l’actualité, des perspectives

Situation sanitaire oblige, l'assemblée générale de la FDSEA, qui se tient habituellement en mars, a été décalée au 17 septembre. Les faits marquants de l'année 2019 semblaient donc bien loin lorsque le secrétaire général de la FDSEA, Jean-Luc Perrin, et les présidents et présidentes de sections et commissions ont présenté le rapport d'activité (résumé du rapport d'activité à retrouver en cliquant ici). Inévitablement, les propos de ces responsables, tout comme ceux de l'invité du jour, Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA, et des personnes présentes dans la salle ont également porté sur l'année 2020, déjà bien entamée. Prix des produits et aléas climatiques sont les deux sujets qui ressortent du débat.

 

Loi Alimentation

La mise en œuvre de la loi Alimentation, issue des Etats généraux de l'alimentation (EGA), dont le premier chantier portait sur la création et la répartition de la valeur et le deuxième chantier sur une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous, a largement été abordée au cours de la matinée. Les intervenants ont mis en évidence la nécessaire application de la loi pour espérer une augmentation des prix et affiché leur crainte de voir une accumulation de charges pour répondre aux attentes du deuxième chantier des EGA.
« 2019 aura été une année charnière pour le combat que nous menons depuis de nombreuses années sur le prix de nos produits », avec plusieurs actions syndicales conduites à l'automne, intervenait Jean-Luc Perrin. « Pour certaines filières, il y a eu les prémices d'un effet EGA, mais qui n'est toutefois pas à négliger. Pour d'autres filières en revanche, tout reste à faire. Le travail ne doit pas s'arrêter là. Nous ne lâcherons rien tant que tout le monde ne sera pas correctement rentré dans le rang et les agriculteurs correctement rémunérés. »
Plusieurs agriculteurs présents dans la salle demandaient effectivement l'application de la loi EGA. « Quand la loi pour passer de 90 à 80 km/heure a été adoptée, les panneaux ont rapidement été changés. Pourquoi la loi Alimentation met-elle du temps à s'appliquer et les contrôles à se mettre en place ? », interrogeait François Garrivier. Jérôme Despey restait sur le même thème : « Ce n'est pas normal que certains contournent la loi et ne soient pas sanctionnés. Quand on fait un excès de vitesse avéré, on ne conteste pas l'amende. » « Je ne peux pas laisser dire que rien n'a été fait » en matière d'application de la loi EGA et de contrôles, rétorquait la directrice de la DDT, Elise Régnier. Elle précisait également que dans le département, des actions ont été conduites pour favoriser l'approvisionnement local. « Elles sont à poursuivre. »
Le secrétaire général de la FNSEA assurait que « la FNSEA met de l'énergie pour l'application des EGA. Mais on ne peut pas faire augmenter les prix d'un coup de baguette magique. On ne décrète pas un prix, on le construit, on a tous les outils pour le faire. C'est inadmissible que l'article 44 », qui interdit l'importation de produits étrangers ne correspondant pas aux critères de production au moins équivalents à ceux en Europe, « ne soit pas appliqué. L'État en a la responsabilité. Nous demandons un renforcement des contrôles. Pendant le confinement, les produits français ont été mis en avant. Pourquoi ça ne marcherait pas maintenant ? L'agriculture française a le droit d'être protégée. Il faut tirer les enseignements du confinement pour les négociations sur les prix. Mais ce n'est pas la FNSEA qui est dans les box de négociations...»

 

Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA : « A nous de bâtir un avenir pour demain, au-delà des sujets d’actualité. Bien évidemment, le syndicalisme majoritaire doit continuer à travailler sur les sujets de court terme. Mais il doit également être force de propositions pour fixer un cap et un projet pour l’agriculture. Il doit aussi aider le réseau à être en mode projets. »

 

Pas de contraintes supplémentaires

Jean-Luc Perrin rappelait la ligne fixée par le syndicalisme en général, et plus spécifiquement pour les EGA : « Pas de contraintes supplémentaires si la question du prix n'est pas réglée. La baisse de compétitivité induite par l'accumulation de charges et contraintes réglementaires nous pénalise directement et fortement. Plutôt que de nouvelles contraintes, commençons donc par rattraper le retard sur les prix. » Stéphane Joandel, faisant écho à la charte de riverains, prenait l'exemple de l'utilisation des produits phytosanitaires : «C'est la science qui doit primer. En agriculture conventionnelle comme en agriculture biologique, les agriculteurs ne peuvent faire l'impasse de protéger leurs cultures contre les bio-agresseurs. Il en va de la production agricole, mais aussi de la qualité des produits destinés aux consommateurs. La France veut actuellement une alimentation en quantité et en qualité.» Pour Jérôme Despey, « ce n'est pas à l'agriculture seule d'assurer la charge de la protection des habitants » vis à vis des produits phytosanitaires. « Les promoteurs immobiliers doivent eux-aussi intégrer cette notion dans leurs projets. Et l'État doit compenser lorsque l'agriculteur ne peut plus produire » en raison de règles trop contraignantes. « Comment assurer la souveraineté alimentaire en France si les agriculteurs ont trop de contraintes pour produire ? ... »
Dans le cadre du plan de relance économique, « la FNSEA a obtenu une enveloppe pour la souveraineté alimentaire », dans divers domaines, rappelait Jérôme Despey. « Désormais, notre travail est de porter des projets - en lien avec les prix, les EGA, la souveraineté alimentaire - dans le cadre de ce plan de relance. »

 

Aléas climatiques

Dans un contexte de changement climatique, les aléas climatiques sont de plus en plus récurrents. « Avoir la capacité de faire face à ces événements est aujourd'hui une nécessité sur nos exploitations, indiquait le secrétaire général de la FDSEA dans le rapport d'activité. Il n'existe pas de recette miracle transposable sur chaque exploitation agricole. Il est donc important que chaque agriculteur prenne en compte les effets du changement climatique sur son exploitation et dispose d'une réflexion individuelle sur les évolutions qu'il pourra mettre en œuvre chez lui, selon son propre fonctionnement, de façon adaptée et personnalisée. »
Jean-Luc Perrin rappelait le travail conduit par la FDSEA depuis plusieurs années pour une commande groupée de paille. « L'effet de groupe pour arriver à mieux se défendre est effectivement l'un des piliers du fonctionnement de notre structure syndicale. Dans un contexte où les éleveurs cherchent à sécuriser leur approvisionnement en fourrages, nous nous sommes beaucoup investis. Nous avons trouvé des personnes à l'écoute de nos besoins et prêtes à s'engager dans une logique de contractualisation sur le long terme. »
La problématique du stockage de l'eau a inévitablement été remise sur la table au cours de l'assemblée générale de la FDSEA. « C'est une nécessité pour les activités économiques, et pas uniquement agricoles», insistait Jérôme Despey. « La FNSEA se doit d'être au rendez-vous du changement climatique », d'où son rapport d'orientation sur ce sujet (lire dans le journal de la semaine dernière). «Il y a le stockage de l'eau, les assurances, mais il faut aussi investir dans la recherche, dans l'innovation... »
Chantal Brosse, vice-présidente du Conseil départemental en charge de l'agriculture, rappelait alors que « le Département est à l'écoute de l'agriculture depuis de nombreuses années et a donné des coups de pouce pour aider sur le sujet central qu'est l'eau » : canal du Forez, retenues d'eau, économies d'eau potable...

 

Vers une procédure des calamités

Face à la répétition et la gravité des phénomènes climatiques, des mesures d'urgences sont déployées. « Sur 2019, pas moins de cinq dossiers ont été présentés au comité départemental d'expertise afin de demander la reconnaissance de différents sinistres. Si tous n'ont pas pu aboutir, les acquis, grâce à notre mobilisation, sont à souligner. »
Et l'année 2020 ressemble fortement aux précédentes, avec une sécheresse sévère. Lors de la visite préfectorale en août d'une exploitation à Commelle-Vernay, profession et administration s'étaient entendues sur le fait d'attendre quelques semaines avant de refaire un nouveau point sur la situation climatique et ses conséquences sur l'agriculture. Lors de l'assemblée générale de la FDSEA, Gérard Gallot, président de la FDSEA de la Loire, abordait à nouveau ce sujet, en estimant désormais « nécessaire » d'enclencher la procédure de reconnaissance de l'état de calamité agricole pour la Loire. « Quand on voit la situation de notre département, nous ne comprendrions pas que ce dossier n'aboutisse pas. »
«Il y a un mois, les données étaient encore trop incertaines » pour commencer une démarche de reconnaissance, complétait Elise Régnier. « Des récentes données complémentaires (par satellite) confirment que 2020 est une année très sèche. Nous allons donc pouvoir enclencher le processus, annonçait-elle. Météo-France doit attester du caractère exceptionnel. C'est le point de départ avant de pouvoir aller plus loin. Nous ferons en sorte de présenter au CNGRA un dossier le mieux construit et le plus convaincant possible. »
Aux prix non rémunérateurs et aux aléas climatiques «s'ajoutent les attaques contre l'agriculture, intervenait Raymond Vial, président de la Chambre d'agriculture de la Loire. Le malaise est profond. Avec l'agriculture, c'est la ruralité qui part en lambeaux. Il n'y a plus d'argent dans les fermes. Qu'est ce qu'on peut faire pour aider les agriculteurs à l'être encore demain et pour accompagner ceux qui veulent arrêter le métier dignement ? » « La FNSEA est consciente des difficultés évoquées, assurait Jérôme Despey. J'entends la colère, car elle est juste. Il ne faut pas baisser les bras, se résigner à une fatalité. Nous nous battrons pour défendre les intérêts de l'agriculture.» « Chacun a son rôle à jouer à son niveau. Mais une chose est sûre, avoir une agriculture demain passera par des prix rémunérateurs», complétait Gérard Gallot.

 

Révision de la Pac

« Si de nombreux agriculteurs s'accordent à dire qu'ils se passeraient volontiers des aides et des contraintes qui vont avec, si bien évidemment le prix de leurs produits était au rendez-vous, aucun agriculteur professionnel ne peut aujourd'hui se passer des aides. C'est pourquoi il est important que nous travaillions afin que les lignes bougent uniquement dans le bon sens. Différents travaux ont été conduits dans nos instances aux échelles régionale, nationale et européenne ; les contours de la nouvelle Pac se dessinent peu à peu. »
Le syndicalisme majoritaire milite pour que le budget de la Pac soit à la hauteur de ses enjeux, notamment alimentaires et économiques. « Sans budget, il n'y aura pas de politique cohérente et globale, ni donc de résultats », insistait Jean-Luc Perrin. « Nous avons pu faire entendre au chef de l'État de se battre pour le budget, poursuivait Jérôme Despey. Le budget désormais défini ne tient pas compte de l'inflation, mais quand on voit d'où on est parti... La Pac doit pouvoir répondre à plusieurs objectifs : maintien de la production et de la compétitivité ; les éléments de production ne doivent pas être balayés par toujours plus de contraintes ; privilégier un premier pilier fort ; faire en sorte que les zones défavorisées et de montagne soient toujours là demain avec des productions agricoles. »
La FDSEA et la FNSEA souhaitent que les soutiens financiers soient destinés à ceux que l'agriculture fait vivre, c'est à dire les agriculteurs actifs et professionnels. Le syndicalisme majoritaire estime que la nouvelle Pac doit prendre en considération l'existant et donne une véritable dimension à toutes ses mesures. « Nul besoin d'inventer de nouvelles règles plus contraignantes les unes que les autres alors que les pratiques agricoles actuelles présentent déjà des résultats exceptionnels en terme de préservation de l'environnement, de qualité des produits, d'entretien des paysages, d'emplois... et ne sont pas valorisées. En cas de nouvelles règles, nous nous battrons pour un principe de compensation financière. »

 

Lucie Grolleau Frécon

 

L'ensemble du dossier dédié à l'assemblée générale de la FDSEA est à retrouver dans l'hebdomadaire du 25 septembre 2020.