Lors d’un projet de construction d’une nouvelle stabulation, l’éleveur doit s’armer de patience pour identifier au mieux ses besoins techniques et fonctionnels relatifs à son système d’exploitation.

Projet de stabulation : une réflexion de longue haleine
L’implantation du bâtiment et son adaptabilité à pouvoir s’adapter à différentes modifications futures du système d’élevage sont des critères indispensables à prendre en compte dans la réflexion du projet (crédit photo : Frédéric Sourd).

« Les bâtiments d’élevage constituent pour les éleveurs un investissement lourd, à porter sur une durée longue, souvent à l’échelle d’une génération. Un projet de conception et de construction de bâtiment doit donc être mûrement réfléchi : prendre le temps de la réflexion, s’inspirer de bâtiments existants et des retours d’expérience, etc. », indique Daniel Perrin, président de la commission Sciences et techniques de l’élevage et de l’environnement du Cniel (1), dans le guide « Construire un bâtiment pour le troupeau laitier » édité en 2022. 

Bien souvent, deux années s’écoulent entre l’émergence du projet de nouvelle stabulation et sa construction. Vingt-quatre mois durant lesquels il est nécessaire, pour l’éleveur porteur de projet, de se poser les bonnes questions afin d’investir dans un nouveau bâtiment adapté aux besoins de son troupeau. En premier lieu, la prise en compte du système d’exploitation – dans sa globalité – est indispensable dans la phase de diagnostic et d’analyse. « Cette période permet de donner les grandes orientations au projet, mais cette réflexion nécessite aussi beaucoup d’anticipation. C’est aussi à ce moment-là qu’il faut regarder les capacités financières de l’exploitation », prévient Alain Vincent, architecte au sein de la Sica d’habitat rural du Rhône et de la Loire.

S’adapter au système d’élevage

« Le bâtiment d’élevage représente un moyen de production de l’exploitation à la croisée de diverses thématiques. Quand on réfléchit à un bâtiment qui s’inscrit dans un système d’exploitation, il faut pouvoir l’adapter en fonction de la conduite de l’élevage (système pâturant ou non). Si les animaux sont en permanence dans le bâtiment, il faut notamment mener une réflexion sur la ventilation afin de réduire les stress thermiques », indique Frédéric Sourd, conseiller bâtiments équipement à la Chambre d’agriculture de la Drôme. Au niveau agronomique, la gestion des déjections et des eaux pluviales est toute aussi importante à anticiper lors d’une construction de stabulation. Le choix du matériel de traite (salle de traite ou robotisation) mérite également une attention toute particulière, cette tâche étant la plus astreignante et répétitive pour l’éleveur. 

L’étude de la faisabilité réglementaire du projet (règles d’urbanisme et d’environnement, entres autres) précédera la réalisation des plans. « Cette dernière étape débouchera ensuite sur la rédaction du permis de construire, la demande de devis, etc. », souligne Alain Vincent. « Quand on conçoit un bâtiment, on doit automatiquement prendre en compte les critères de biosécurité et de bien-être animal, avec des aires de vie suffisamment dimensionnées, des couchages adaptés, des points d’abreuvement en quantité suffisante, un accès à l’auge à raison d’une place par animal, etc. », ajoute Frédéric Sourd.

Anticipation, le maître mot

Il est aussi recommandé de bien réfléchir à la parcelle d’implantation du bâtiment, en raison non seulement du changement climatique, mais aussi en fonction des éventuelles évolutions du système d’exploitation (augmentation du cheptel, évolution des attentes sociétales, etc.). « L’idéal est de prévoir un bâtiment extensible, modulaire, afin de pouvoir s’adapter à différentes modifications futures du système d’élevage. Cela demande alors de réfléchir aux techniques constructives : positions de poteaux, maçonnerie à limiter au profit du bardage bois démontable, etc. Le fait de privilégier des solutions amovibles, et ainsi avoir le moins d’aménagements fixes, va permettre d’adapter le bâtiment à diverses évolutions, comme climatiques », poursuit le conseiller de la Chambre d’agriculture de la Drôme. Pour limiter les coûts, certains éleveurs se lancent dans l’auto-construction. Seulement, les deux techniciens le rappellent à l’unisson : « Il ne faut pas que cette phase se fasse au détriment de la production. Il ne faut pas que cette phase, assez chronophage, vienne perturber le troupeau ». 

Le résultat d’un compromis

« Le bâtiment parfait n’existe pas. Chaque bâtiment est le résultat d’un compromis, que ce soit sur l’aspect technique ou économique, afin que sa conception n’ait pas un impact direct sur la viabilité de l’exploitation », prévient Frédéric Sourd. Le conseiller bâtiment préconise d’ailleurs à tout porteur de projet d’aller visiter d’autres stabulations, afin de l’amener à se questionner sur différentes facettes du bâtiment d’élevage, et éviter ainsi d’éventuels écueils lors de la réalisation du projet. 
« La construction est aussi, pour les éleveurs porteurs de projet, une phase très stressante. Les bâtiments d’élevage sont devenus très techniques avec de nombreux réseaux, de nombreux automates, etc. De plus, lors de la mise en service du bâtiment, une période de soin et d’observation est nécessaire afin de suivre l’évolution du comportement et de la santé des animaux, qui ont pu ressentir eux-aussi du stress ou subissent les conséquences de mauvais réglages (barrières, logettes, courants électriques, etc.) », conclut Alain Vincent. 

Amandine Priolet