Création de bâtiment
Bâtiment : « Un projet à deux ans »

Les questions sont nombreuses au moment de se lancer dans la création ou la réhabilitation d’un bâtiment d’élevage bovins, qu’il soit laitier ou allaitant. Tour d’horizon des points clefs avec Alain Vincent, architecte de la Sica Habitat rural Rhône-Loire.

Bâtiment : « Un projet à deux ans »
Outre la configuration du bâtiment, le matériau utilisé est sujet à réflexion. Environ 80 % des bâtiments sont construits en bois sur le secteur Loire-Rhône.

Créer un bâtiment d’élevage, c’est évidemment un moment clef dans le parcours d’un éleveur. Le droit à l’erreur n’existe pas tellement, et les conséquences techniques et financières sont importantes. Le projet peut donc devenir obsédant.

Par quel bout le prendre ? Il faut d’abord balayer tous les aspects réglementaires en se renseignant notamment en mairie : mon installation est-elle classée ou non ? A quelle distance se trouve le premier tiers ? Que dit le PLU ? Si je suis en zone agricole non constructible, en zone naturelle, le projet de bâtiment a de suite du plomb dans l’aile…

Une fois ce préalable établi, il est nécessaire de se faire accompagner. Vous trouverez du conseil avisé auprès des organismes agricoles : Chambre d’agriculture, Sica Habitat rural, Loire conseil élevage… Le risque à collaborer avec des acteurs trop éloignés de l’agriculture, « c’est de se faire piéger sur l’aspect réglementaire », pense Alain Vincent, responsable de la Sica Habitat rural Rhône-Loire.

Pour entrer dans le vif du sujet, il vous faut réaliser un état des lieux de l’existant, et ensuite des besoins :  Quels animaux vais-je loger ? Que vais-je faire des anciens bâtiments ? etc.

« Il y a toujours plusieurs solutions possibles et chacune a ses avantages et ses inconvénients, reconnait le spécialiste. Le neuf, c’est souvent le mieux pour le bien-être animal et le confort de travail, mais ça peut être aussi un plus gros investissement financier. »

L’agriculteur, seul décisionnaire

Les bâtiments de vos collègues sont autant d’exemples à étudier, sûrement très instructifs, mais il n’est pas la peine de se précipiter. Il faut d’abord faire le diagnostic de sa situation avant d’aller « faire des visites ciblées, sur des exploitations présentant les mêmes caractéristiques. Parfois, on peut se contenter de visiter un bâtiment pour un point de détail : le fonctionnement de la grille de pré-égouttage à lisier par exemple. Et il ne faut pas hésiter à discuter travail avec le collègue car faire un bâtiment, c’est se simplifier le travail. »

Et quelle que soit la qualité du conseiller, « l’agriculteur est le chef d’entreprise, c’est lui qui prend la décision, pas le conseiller. Ce dernier est juste là pour amener une information contextualisée et adaptée. »

La question du coût et du financement arrive rapidement sur la table. Les centres de gestion sont susceptibles de vous accompagner. « Mais attention, les subventions, ce n’est pas un droit, prévient Alain Vincent. On a juste le droit de déposer un dossier. Certains sont mieux notés que d’autres (les JA, les bio) … ». Bref, il ne faut pas partir comme si tout était acquis.

Pour évaluer le coût du projet, il est possible de faire des ébauches à partir d’un coût à la vache standard, mais attention aux surprises. « Si le prix des bâtiments sont en général réguliers, les coûts des travaux annexes (branchements réseaux, terrassements) sont très variables selon la situation, les configurations des lieux. Ne vous laissez pas surprendre. »

L’art des choix

Faire un bâtiment implique de faire des choix, des compromis. Ils dépendront du cheptel, de vos productions végétales, du climat, de la géographie des lieux (pente, habitations proches ou non…), des aspects réglementaires, de vos équipements (pailleuse suspendue, etc.) « Le bâtiment est aussi dimensionné selon les caractéristiques des matériels qui vont être utilisés dans le bâtiment. » Et dernier critère : « le goût de l’agriculteur. C’est le facteur le moins rationnel, mais il rentre toujours en ligne de compte. »

Outre la configuration du bâtiment, le matériau utilisé est sujet à réflexion. Pour Alain Vincent, la balance penche vers le bois. « Environ 80 % des bâtiments. Sur notre territoire Rhône-Loire, nous avons beaucoup de charpentiers de qualité. Nous avons acquis une véritable culture bois. Et puis, économiquement, il est bien positionné à ce jour. S’il est bien mis en œuvre, sa durée de vie est équivalente à d’autre matériaux », argumente-t-il. Au niveau bardage, le bois est également plus avantageux : « la tôle augmente la vitesse des écarts thermiques par rayonnement. »

Depuis une dizaine d’années, une nouvelle contrainte s’est ajoutée à la réflexion :  l’évolution climatique. S’il n’est pas question d’oublier les critères hivernaux. Il faut aussi penser aux estivaux : « D’une part parce qu’il fait de plus en plus chaud, d’autre part parce que les troupeaux passent de plus en plus de temps dans les stabulations. Il faut mettre en courant d’air total le bâtiment. »

La construction d’un bâtiment d’exploitation est un projet de long terme, il n’empêche qu’il puisse être amené à évoluer au cours de votre carrière (augmentation du cheptel, etc.). Il faut anticiper cette possibilité.  « La clef, c’est de construire le plus léger possible, avec le moins de béton. Plus il y a de bardages ou panneaux, plus il est facile de faire évoluer le bâtiment.  Il faut penser simplicité et poids », résume Alain Vincent.

Si la fonctionnalité du bâtiment demeure la réflexion première, il faudra songer à l’intégration paysagère. Elle est parfois imposée (implantation de haies et autres protections végétales). Des obligations bien comprises. « Les bâtiments sont imposants, on a intérêt à ce qu’ils ne soient pas trop visibles, en utilisant des teintes neutres pour rester discret par exemple », estime le professionnel.

 

DB