Chaque jour qui passe sans pluie aggrave une situation inquiétante pour l’agriculture depuis déjà plusieurs semaines. Les agriculteurs ont les yeux rivés sur leur smartphone pour consulter les prévisions météorologiques et sur le ciel, qui se grise parfois sans pour autant apporter la pluie en quantité suffisante.

Une sécheresse inquiétante
Les céréales souffrent de la chaleur et de la faible pluviométrie. Les rendements en paille seront faibles, ceux en grains hétérogènes.

Tous les agriculteurs voulaient croire aux prévisions météorologiques annonçant de la pluie dimanche et lundi. Finalement, peu de secteurs ont bénéficié de quelques millimètres d’eau bienfaiteurs. La grêle s’est invitée à certains endroits. Après une année 2021 avec une pluviométrie favorable à la constitution de stocks, la météo semble à nouveau vouloir contrarier les agriculteurs avec un manque d’eau avéré et des températures élevées, le vent venant amplifier l’assèchement des sols. Une situation délicate qui intervient tôt en comparaison de certaines années de sécheresse du passé. Si la pluie ne tombe pas dans les prochains jours et en quantité suffisante, la situation pourrait devenir encore plus critique, d’autant plus dans un contexte de charges qui ne cessent d’augmenter.

Compléter la ration

Globalement, sur le département, après les premiers passages des ruminants dans les pâtures, l’herbe commence à manquer. Beaucoup d’éleveurs laitiers envisagent déjà de nourrir leurs vaches avec une ration hivernale. Les animaux avec moins de besoins, comme les vaches allaitantes, devront également avoir prochainement un complément de ration pour compenser le manque d’herbe au pâturage, si ce n’est déjà le cas.

Heureusement, les stocks de fourrages constitués en 2021 étaient conséquents dans beaucoup d’exploitations. Néanmoins, au printemps, les témoignages divergeaient : des agriculteurs avaient encore des réserves, qu’ils pourront utiliser dans l’été si la sécheresse persistait ; d’autres n’avaient presque plus rien car la mauvaise qualité a été compensée par une augmentation des quantités consommées. Une chose est sûre, les stocks ne suffiront pas à passer un été sec. Dans ce contexte économique perturbé, le risque est que les éleveurs perdent leurs repères et aient des difficultés à prendre les bonnes décisions pour leur troupeau, au risque de dérégler leur système.

Récoltes d’herbe à faible rendement

Les récoltes d’ensilage d’herbe sont hétérogènes selon les secteurs du département. Globalement, les rendements sont meilleurs dans les parcelles de ray grass récents que dans les parcelles plus anciennes. Mais dans beaucoup d’endroits, les rendements ne sont pas à la hauteur des espérances. C’est particulièrement le cas dans les secteurs précoces, qui ont fortement été impactés par le manque de pluie. En général, l’enrubannage a pu se faire dans de bonnes conditions, même si, par exemple dans le Roannais, certaines parcelles étaient humides...

Quant au foin, la récolte a déjà commencé dans plusieurs secteurs, mais les rendements sont faibles. Les fortes températures « brûlent » l’herbe et les agriculteurs ramassent ce qu’ils peuvent. Sur les contreforts des monts du Lyonnais notamment, des agriculteurs ont déjà fini de récolter les foins, avec des rendements de 1,5 tonne à l’hectare.

Manque de paille, manque de grains

La situation n’est pas meilleure pour les céréales. Les orges commencent à jaunir en plaine, signe que la moisson sera prématurée. Un peu plus haut, les céréales ont tendance à blanchir dans les terrains plus pauvres et séchants, mettant en évidence le phénomène d’échaudage dû aux températures élevées. Le remplissage des grains est stoppé et les plantes se dessèchent. Dans les monts du Lyonnais, il a été constaté que l’application d’un fongicide a empiré la situation. Heureusement, dans des terrains plus favorables, le cycle des céréales se poursuit quasi normalement. Quoi qu’il en soit, un peu partout dans la Loire, la croissance est restée limitée, ce qui engendrera un manque de paille. S’il ne pleut pas rapidement, le rendement en grains sera restreint.

Du maïs toujours dans les sacs

Du côté des maïs, les semis se font dans un sol sec, quand il n’est pas trop dur pour y planter les socs de la charrue. Les agriculteurs qui en ont la possibilité irriguent pour faire lever les maïs, et ont même parfois arrosé pour pouvoir labourer. Et il faut continuer à apporter de l’eau pour que la plante subsiste. Mais le vent fort et fréquent vient perturber l’irrigation : faut-il arroser au risque que l’apport d’eau ne soit pas optimisé (et d’arroser les routes et ainsi donner une mauvaise image de l’agriculture…) ou faut-il stopper l’irrigation momentanément, au risque de désorganiser les tours d’eau ? Dans les parcelles non irrigables où le maïs a pu être semé, la levée est irrégulière. Il en est de même pour le tournesol.

D’autres agriculteurs ont pour l’instant fait le choix de laisser les grains de maïs dans les sacs et attendent la pluie pour les mettre en terre. Une question se pose : faut-il utiliser du gasoil, vu son prix, pour semer du maïs sans avoir la certitude qu’il sorte de terre ? Les éleveurs dont le système repose sur l’ensilage de maïs, comme c’est par exemple le cas dans les monts du Lyonnais, sont d’autant plus inquiets.

Dans les monts du Forez, certains secteurs ont bénéficié de quelques pluies d’orage, à des moments stratégiques pour les agriculteurs les plus chanceux, rendant la situation moins alarmante. Par contre, à d’autres endroits, les gelées tardives combinées à un manque de pluviométrie alarment les agriculteurs. La période de pousse végétative a été courte entre les températures basses et élevées.

Les arbres ont soif

Dans le sud du département, où l’arboriculture ligérienne se concentre, le manque d’eau se fait également sentir. Après le gel tardif du mois d’avril, certains producteurs doivent désormais faire face à de fortes températures, qui ont plus tendance à faire régresser les fruits qu’à les faire grossir. C’est particulièrement le cas pour les cerises, dont la récolte commence. Les arboriculteurs sont d’autant plus inquiets que, disent-ils, « c’est en ce moment que la récolte de l’année prochaine se prépare. Si l’arbre souffre maintenant, il y aura des répercussions l’année suivante ».

 

 

Lucie Grolleau Frécon