FDSEA-JA
Sauver le maïs pour sauver l’élevage

Les responsables de la FDSEA et de Jeunes agriculteurs Loire avaient donné rendez-vous à la préfète de la Loire, Catherine Séguin, sur une exploitation des monts du Lyonnais, mercredi 20 juillet. Les conséquences de la sécheresse se sont inévitablement invitées dans les discussions.

Sauver le maïs pour sauver l’élevage
Alors que la préfète annonçait un nouvel arrêté préfectoral restreignant les usages de l’eau, les agriculteurs et leurs représentants lui expliquaient tout l’enjeu de la possibilité de poursuivre de l’irrigation du maïs encore au moins trois semaines.

Le tour du département avec la préfète de la Loire, sur invitation du syndicalisme majoritaire, avait été amorcé au printemps 2021 avec la visite d’une exploitation à Pouilly-sous-Charlieu. Il s’était poursuivi en fin d’année dans une ferme à Saint-Germain-Laval. Objectif : faire part des préoccupations du moment des agriculteurs aux représentants de l’Etat. Pour le troisième rendez-vous, c’est l’exploitation du Gaec des Gouttes (famille Goutagny), à Saint-Héand, qui avait été choisi. Quant au thème, il n’y a pas eu d’hésitation, la sécheresse devait être abordée, avec les sujets qui s’y rapportent.

Catherine Séguin, notamment accompagnée de la directrice de la DDT, Elise Régnier, et du directeur de la DDPP, Laurent Bazin, a avoué « apprécier ces visites » car elles constituent « un moment où nous pouvons faire le point sur des dossiers et prendre le temps de nous dire les choses ».

La présentation de la situation de l’exploitation de la famille Goutagny a été le point de départ de la discussion. Les trois associés, Marie-Paule et ses deux fils, Stéphane et Pierre, élèvent 50 vaches laitières et 20 chèvres, qui produisent respectivement 345 000 litres de lait (dont 20 à 25 000 transformés) et 10 000 litres (en totalité transformés). Pousse de l’herbe limitée dès la fin du mois de mars, semis de maïs retardés et croissance désormais délicate, mais aussi pertes sur les céréales en raison de la grêle en juin… voici comment se caractérise le premier semestre de l’année 2022 pour leur exploitation, à l’image de nombreuses autres dans les monts du Lyonnais et dans la grande majorité du département. « Le stock qui ne se fait pas au printemps ne se fait jamais, assurait Stéphane Goutagny. Ces dernières années, nous avions trouvé un équilibre sur l’exploitation et nous n’avions plus besoin d’acheter de nourriture pour les animaux. »

Des stocks faibles

L’année 2022 est tout autre ! Elle est d’ailleurs assimilée à 2003, année de référence quand on évoque la sécheresse dans le département. Elle serait même pire sur certains secteurs, avec une pluviométrie plus faible. Le suivi de la croissance de l’herbe réalisé chaque année par Loire conseil élevage et la Chambre d’agriculture de la Loire met en évidence que la pousse de l’herbe sur la campagne 2022 a toujours été en dessous de la moyenne des dix dernières années sur le département.

Le bilan fourrager réalisé par la Chambre d’agriculture de la Loire en début de semaine au Gaec des Gouttes illustre une perte de rendement de 65 % en ensilage d’herbe, de 57 % en enrubannage et de 71 % en foin. « Une repousse hypothétique de l’herbe à l’automne permettrait de faire pâturer les animaux et de moins puiser dans les stocks pour l’hiver, mais en aucun cas de les reconstituer », assurait Pierre Vergiat, technicien à la Chambre d’agriculture. Globalement, sur l’exploitation, en appliquant le barème des calamités, le taux de perte provisoire est de 35 %.

Dans cette situation, la première décision prise par les associés a été de se séparer des vaches les moins productives. L’économie sur les stocks est réelle, mais ces animaux ne seront plus là les années suivantes pour produire du lait. De plus, les membres du Gaec ne sont pas sûrs de pouvoir acheter du maïs-épi dans la plaine du Forez, faute de disponibilité. « L’hiver sera long… » craint Stéphane Goutagny.

Un arrêté qui fait débat

Alors que la situation climatique laissait présager un nouvel arrêté préfectoral restreignant encore plus les usages de l’eau - d’ailleurs annoncé par la préfète elle-même lors de la visite puis reporté jusqu’à lundi -, responsables professionnels et agriculteurs tenaient à mettre en garde les représentants de l’Etat sur les conséquences de telles mesures. « Si le futur arrêté sécheresse fait passer des secteurs en niveau de crise, cela signifierait que les maïs ne pourront plus être irrigués, intervenait Nicolas Charretier. Arrêter l’irrigation maintenant serait une grosse perte pour les agriculteurs, qui ont déjà investi dans l’eau pour les premiers tours. Il faut absolument emmener les cultures jusqu’au bout. »

Des agriculteurs localisés sur la rive droite de la Loire, entre Andrézieux-Bouthéon et Feurs, et irriguant à partir de prises d’eau dans le fleuve ou des nappes phréatiques, s’étaient déplacés pour faire entendre leur voix. Leur demande rejoignait cette position, appuyée par Jean-Luc Perrin, secrétaire général de la FDSEA : « Les agriculteurs doivent pouvoir continuer à irriguer le maïs où c’est possible car cette plante apporte de l’énergie pour nos animaux. »

L’objectif est que les éleveurs des coteaux puissent s’approvisionner dans la plaine du Forez. Ceci est d’autant plus important que des tournesols ont été emblavés sur les surfaces habituellement dédiées à la culture de maïs. « Contrairement à 2003, où les agriculteurs de la Loire avaient pu acheter des maïs dans la Loire et ailleurs en France, le maïs risque de manquer cette année », complétait Raymond Vial, président de la Chambre d’agriculture de la Loire.

Nicolas Charretier renouvelait la demande de la Chambre d’agriculture, sur laquelle les élus avaient largement échangé avec les services départementaux de l’Etat les jours précédents, pour avoir l’autorisation de déstocker plus d’eau du barrage de Grangent de manière à pouvoir alimenter le canal du Forez et irriguer les cultures sur la rive gauche. Chantal Brosse, vice-présidente du Département en charge de l’agriculture, appuyait fortement cette position.

Elise Régnier, directrice de la DDT, rappelait que les priorités en matière d’usage de l’eau sont définies dans l’arrêté-cadre départemental, en vigueur depuis plusieurs années et qui est en cours de révision. Le nouvel arrêté cadre est sur le point d’être finalisé, mais « j’ai fait le choix de retarder sa publication pour ne pas changer les règles en cours d’épisode de sécheresse », complétait Catherine Séguin.

Gérard Gallot, président de la FDSEA, en profitait pour pointer du doigt « les manquements de la politique de stockage de l’eau conduite dans le département au cours des dernières décennies » que l’agriculture paie aujourd’hui. Jean-Luc Perrin rappelait que « le syndicalisme majoritaire a demandé à l’administration de mettre en place un comité départemental d’expertise » pour déterminer les pertes de fourrages liées à la sécheresse et à la grêle.

Plutôt que de parler d’aléas climatiques exceptionnels que sont la sécheresse ou la grêle, la préfète estime qu’il faut plutôt parler « d’instabilité récurrente » car ces événements, « sur la durée, sont sur une tendance haussière en nombre, en ampleur et en impacts ».

Pour y répondre, les agriculteurs doivent « agir en prévention », mais attention « aux conséquences individuelles et collectives ». Autre réponse au changement climatique : l’assurance récolte. Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, « est récemment revenu sur toute l’importance de cette loi ».

Elle répondait ainsi aux inquiétudes de Patrick Laot, président de Groupama Loire, intervenu auparavant sur ce sujet : « Le Conseil de l’agriculture français et les organismes agricoles étaient satisfaits » des propositions faites pour l’assurance récolte. Mais « nous avons reçu les premières ordonnances » qui ne sont pas satisfaisantes. « La profession était prête à inscrire un dispositif dans un projet de loi, qui finalement va être mis à mal. »

Comment payer le fourrage ?

Jean-Luc Perrin ne manquait pas de rappeler qu’outre la sécheresse et à certains endroits de la grêle, « les agriculteurs sont fortement impactés par la situation économique. Nous avons vraiment peur que des agriculteurs fassent des choix très drastiques qui les pénalisent plus tard ». Plus globalement, la baisse de la production laitière sur le sud-est inquiète les responsables professionnels. Une inquiétude plus induite par la baisse de production dans chaque exploitation, notamment liée au manque de nourriture, que par les cessations.

Le président de Jeunes agriculteurs Loire, Nicolas Lenoir, poursuivait : « Si le lait était un peu plus payé aux producteurs, ils pourraient se permettre d’acheter du fourrage pour maintenir la production. Le prix de vente des produits agricoles est un vrai dossier. » Il estime que « nous ne sommes pas allés assez loin sur la loi Egalim ». Ainsi, une partie de la réunion était consacrée à l’application de cette loi. Lire encadré ci-contre.

En réponse aux tensions sur le terrain et au désarroi du milieu agricole pointé du doigt par plusieurs responsables, la préfète s’est dit être attentive et mobilisée sur l’accompagnement moral des agriculteurs. « Si nous ne sommes pas à l’écoute sur ce sujet majeur, les autres dispositifs ne servent à rien. »

Lucie Grolleau Frécon

Des agriculteurs, adhérant à la FDSEA ou à Jeunes agriculteurs Loire, étaient venus de toute la moitié sud du département pour faire part de leurs revendications, notamment en lien avec la sécheresse, à la préfète, Catherine Séguin.
Conjoncture économique

Aux agriculteurs de s’approprier la loi Egalim

Une partie de la réunion avec les représentants des services départementaux de l’Etat en milieu de semaine dernière à Saint-Héand a porté sur la mise en œuvre de la loi Egalim.

La Chambre d’agriculture a conduit une étude sur l’incidence économique de la conjoncture et de la loi Egalim sur les exploitations d’élevage de la Loire. L’objectif était notamment de voir si la hausse des prix de vente des produits agricoles couvrait la hausse du prix des matières premières. L’étude des cas-types met en évidence une baisse du revenu disponible par UMO entre 2021 et 2022 variant de -12 à -39 % selon les élevages (caprins, ovins viande, bovins lait). Les élevages de bovins viande sont les seuls à connaître une augmentation de revenu disponible, « mais ils partent de loin », commentait Stéphane Brisson, technicien à la Chambre d’agriculture, lors de la présentation de l’analyse aux représentats de l’Etat. « Et même de très très loin », intervenait François Garrivier, vice-président de la FDSEA.

Pour lui, l’avenir de la ferme France, des filières et des emplois « dépendra de ce que nous ferons de la loi Egalim, de si les agriculteurs contractualisent et négocient leurs prix ou pas ». A la question de Laurent Bazin, directeur de la DDPP, « Pourquoi les éleveurs, autres que les coopérateurs, ne contractualisent-ils pas ? », François Garrivier répondait : « Les acheteurs les menacent de ne plus prendre leurs animaux… »

Pour la préfète, « le nerf de la guerre est d’être nombreux à s’emparer de la loi Egalim et à contractualiser ». Gérard Gallot la rejoignait sur cette position : « Les agriculteurs doivent proposer des contrats et les acheteurs doivent aussi prendre en compte la nécessaire rémunération des agriculteurs. » Néanmoins, il estime que « la concentration de la grande distribution en France est problématique car elle fait la pluie et le beau temps ».

LGF