Économie
Quand les ventes aux enchères parisiennes passent par Montbrison

La maison de vente aux enchères parisienne Rossini organisait récemment une journée d’estimations à Montbrison. L’objectif ? Dégoter des objets et œuvres d’art qu’elle proposera lors de prochaines ventes organisées à Paris. Reportage.

Quand les ventes aux enchères parisiennes passent par Montbrison
Correspondant local de Rossini, Laurent Aubanel a la charge d’estimer la valeur des objets que les particuliers lui présentaient ce jour-là à Montbrison.

Le 8 décembre, en tout début d’après-midi à Montbrison. Salle Pierre-Boulez, on se trouve loin de Drouot, le quartier parisien symbole de la vente aux enchères en France. Se joue pourtant ici, à deux pas du palais de justice, une étape indispensable dans la vie de la maison Rossini, qui y organise l’une de ses 300 journées d’estimation annuelles. L’objectif : dénicher des pièces qu’elle présentera par la suite aux acheteurs. Le décor est des plus sobres : trois chaises et un bureau derrière lequel a pris place Laurent Aubanel. Voilà cinq ans que cet expert en art, antiquaire et galeriste basé à Roanne travaille en partenariat avec Rossini. En tant que correspondant local, il organise régulièrement de tels événements à Roanne, Saint-Etienne, Vichy, Thiers ou, donc, Montbrison depuis cet été.

« Il est intéressant d’apporter ce service aux locaux, qui n’ont pas de commissaire-priseur à proximité », commente-t-il en reprenant place après la coupure méridienne. En ce mercredi, son agenda comporte 25 rendez-vous, dont 14 ont eu lieu dans la matinée. « Une bonne journée », estime-t-il. Il faut dire que le secteur affiche un certain dynamisme, dopé par le succès d’Affaire conclue sur France 2 (lire l’encadré). « Tout le monde me parle de ce programme, confirme le professionnel. Même s’il y a des choses à redire à son sujet, c’est un plus pour la profession. Il montre l’intérêt de vendre aux enchères et a contribué à attirer un public plus large alors qu’avant nous recevions essentiellement des personnes âgées qui en connaissaient les mécanismes. » 

Fantasmes

Le programme attise les fantasmes. Celui des particuliers d’avoir un trésor qui dort à la maison et celui des professionnels comme Laurent d’en découvrir. « Peut-être que je vais voir des pièces lambda lors de dix journées mais qu’à la onzième, je tomberai sur un chef d’œuvre », acquiesce-t-il, citant ce bracelet repéré à Saint-Etienne. Estimé entre 5 000 et 8 000 euros par ses soins, il avait trouvé preneur à 17 000 euros ! À une échelle plus modeste, l’une de ses précédentes venues dans le Forez lui avait permis de dénicher une mallette avec jetons de notaires vendue 2 200 euros à Drouot.

« Comme le cours de l’or est haut, on nous apporte beaucoup de bijoux, mais aussi pas mal de vins et d’objets d’art comme des tableaux, précise-t-il. Il y a quelques curieux, mais les personnes qui viennent nous voir sont de plus en plus vendeuses, même si elles peuvent être déçues de l’estimation. Soit parce qu’elles avaient acheté l’objet plus cher, mais c’est la loi du marché, soit en raison de l’attachement sentimental qu’elles lui vouent. »

Satisfaire les vendeurs, attirer les acheteurs

14 heures, voici le tour de deux amies, téléspectatrices assidues du programme qu’incarne Sophie Davant. Il s’agit d’une première pour Danielle. Yvette, elle, était déjà venue faire expertiser un service de verres à partir de photos pour ne pas prendre le risque de les abimer dans le transport. Satisfaite, elle passe cette fois aux choses sérieuses et les met entre les mains de Laurent Aubanel. Comme à chaque fois, il étudie attentivement afin de déterminer ce qui peut être proposé aux enchères et ce qui est plutôt destiné aux brocantes.

Rossini n’achète pas, mais intervient comme intermédiaire. A ce titre, l’établissement assure tout le travail en amont (transport, prise de photos, édition de catalogues, organisation de la vente) mais se rémunèrera uniquement au pourcentage en cas de transaction. Il a donc tout intérêt à ce que les objets se vendent le plus cher possible, mais ne peut pas non plus stocker des choses dont on sait qu’elles ne partiront pas, indique son représentant. « Il faut arbitrer pour définir un prix qui satisfasse le vendeur tout en restant attractif afin d’attirer les enchérisseurs. Pour les objets que l’on estime à 150 euros et plus, on fixe un prix de réserve en dessous duquel on ne vendra pas », ajoute-t-il.

Quand les deux parties sont d’accord, un mandat de vente officialise le deal et les produits sont expédiés à Paris pour intégrer l’une des prochaines ventes. Le délai dépendra de la catégorie concernée : « La maison Rossini organise en moyenne deux ventes de bijoux chaque mois alors que ce sera plutôt une à deux fois par an pour les collections de timbres. Ce sont toujours des ventes par spécialité. Par exemple, votre vin ne sera pas mis aux enchères entre un bijou et une commode… Il s’agit d’un vrai point fort car c’est un public intéressé par la catégorie concernée qui se déplace. »

Expertise et pédagogie

Pour Danielle, en revanche, c’est une première. Elle est venue avec des bijoux sur lesquels Laurent Aubanel démontre son expertise. Faute de trouver le poinçon officiel attestant de leur teneur en or, il la détermine à l’aide d’acides, détaillant son intervention pas à pas. Quelques minutes plus tard, le professionnel emploie un stylet pour s’assurer qu’il s’agit bien de diamants. Si la Montbrisonnaise ne lui confie finalement qu’une broche, elle repart ravie : « Je voulais voir comment cela se passait et c’était très intéressant. J’ai découvert des choses sur l’histoire de mes bijoux, dont je souhaitais connaître la valeur, plus à titre d’information que dans l’optique de les vendre. Cela permet de se faire une idée. »

Il leur reste désormais à patienter pour voir si leurs biens trouveront preneur. Contrairement à Yvette, Danielle n’a jusqu’à présent jamais assisté à une vente aux enchères. Ce ne sera pas pour tout de suite car elles n’ont pas prévu de se rendre dans la capitale pour suivre la présentation des biens qui leur appartiennent encore et retrouveront leur foyer s’ils ne trouvent pas preneur après plusieurs passages. Les Montbrisonnaises pourront toutefois, si elles le désirent, suivre la “cérémonie” en direct sur internet.

Franck Talluto

Pour accomplir sa mission, Laurent Aubanel associe son expertise et des outils comme ce stylet attestant qu’il s’agit de véritables diamants. 

Le phénomène « Affaire conclue »

Le 21 août 2017, France 2 lançait une nouvelle émission. Déclinaison d’un concept allemand, Affaire conclue avait réuni ce jour-là 343 000 téléspectateurs. L’audience n’a cessé de progresser depuis, poussant la chaîne à programmer chaque jour deux numéros de l’émission incarnée par Sophie Davant, à 15h15 et 16h10, du lundi au vendredi. Le 6 décembre, celle-ci a réalisé un nouveau record avec 2,02 millions d'individus devant leur écran. Le service public propose régulièrement des soirées spéciales avec des déclinaisons thématiques. Les professionnels comme Laurent Aubanel apprécient le coup de projecteur porté sur leur métier, mais il dépeint un tableau plus contrasté. Tout en jugeant la partie estimation très réaliste, celui qui est basé à Roanne pointe quelques travers : « Beaucoup de personnes nous en parlent, mais il faut leur expliquer que cela reste de la télévision. Par exemple, ce ne sont pas des ventes aux enchères publiques et, surtout, les acheteurs communiquent, s’entendent entre eux parfois. Or c’est interdit dans nos ventes aux enchères. Si cela arrive, on peut faire sortir les personnes concernées et annuler la vente car cela va à l’encontre de l’intérêt du vendeur que l’on représente. »