Assemblée nationale et Sénat
Parlementaires : quasi-unanimité contre le Mercosur

C’est devant un hémicycle clairsemé que s’est tenu, le 26 novembre, en fin d’après-midi, le débat, suivi d’un vote, sur l’accord commercial UE-Mercosur à l’Assemblée nationale. La scène s’est répétée au Sénat le lendemain.

Parlementaires : quasi-unanimité contre le Mercosur
La déclaration du Gouvernement contre l’accord UE-Mercosur a été adoptée par 484 voix pour et 70 contre à l’Assemblée nationale le 26 novembre, et par 338 voix pour et une contre au Sénat le lendemain. ©AdobeStock

Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, a posé d’entrée les enjeux et a rappelé la position de la France. « Avec cet accord, nous signerions le contrat de délocalisation d’une partie de notre agriculture. » En ce mercredi 26 novembre, à l’Assemblée nationale, elle venait d’évoquer les nombreuses distorsions de l’agriculture des pays du Mercosur avec l’agriculture européenne. « Comment justifier l’ouverture de nos marchés ? », a-t-elle interrogé. « Cet accord ne nous permet de garantir ni la sécurité sanitaire des denrées importées telle que nous l'envisageons en Europe, ni l'établissement de conditions de concurrence loyales pour nos agriculteurs ».

La ministre de l’Agriculture a par ailleurs annoncé que la Pologne venait officiellement de rallier le camp du non. En effet, le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a déclaré, le même jour, que son pays n’accepterait pas en l’état l’accord de libre-échange.

Au-delà de l’agriculture, l’accord concerne tous les secteurs de l’économie. « Nous ne pouvons pas faire rentrer des produits moins disant, plus compétitifs, moins normés », a ajouté Sophie Primas, ministre du Commerce extérieur.

« Exception agriculturelle »

Près de 30 députés, issus de tous les groupes parlementaires, ont ensuite pris la parole dans un débat qui a duré près de 3h30. Pour le groupe Gauche Démocrate et Républicaine, André Chassaigne a fustigé un « accord d’un autre temps, d’un autre siècle », un accord « viandes contre bagnoles, si possibles allemandes ». Il a dénoncé le « caractère antidémocratique des négociations ». « La France est-elle prête à faire usage de son droit de véto ? » a-t-il demandé au Gouvernement.

Hélène Laporte (RN, Lot-et-Garonne) a refusé que l’UE signe avec « un géant agroalimentaire qui ne joue avec aucune de nos règles » en dénonçant l’idée (qui transpire dans les bureaux à Bruxelles) d’un « fonds d’indemnisation (…) pour accompagner la mort douce de nos exploitations ».

« Non au Mercosur, oui au libre-échange », s’est exclamé Dominique Pottier (PS, Meurthe-et-Moselle). L’élu a défendu l’idée d’une « exception agriculturelle » et a fait une « proposition originale » : un système de clauses miroirs où la charge de la preuve revient à l’exportateur.

Dénoncer les conditions de production de la viande

Pour le groupe Droite républicaine, Julien Dive (Aisne) a pointé le risque de « déclassement » qui pourrait mettre en danger « l’indépendance de notre modèle agricole ».

De son côté, Antoine Vermorel-Marques, député ligérien Les Républicains, faisait la promotion de l’agriculture française à travers l’histoire de la race Charolaise et le travail quotidien des éleveurs du Roannais. Il dénonçait à son tour les conditions de production de la viande en Amérique du Sud au détriment du bien-être animal, de la biodiversité et de la santé des consommateurs. « L’accord avec le Mercosur n’est pas qu’un sujet d’agriculteurs. Il concerne également les consommateurs. » Et de terminer : « Non à la viande aux hormones, non à la concurrence déloyale, non à la fin de l’élevage français, non au Mercosur. »

Ancien ministre de l’Agriculture et président du groupe Les Démocrates, Marc Fesneau a souligné que « l’accord négocié n’est plus en phase avec l’actualité des temps » et s’est interrogé sur « la volonté incompréhensible de la Commission européenne de sacrifier les intérêts de l’agriculture ».

Un seul groupe refusera de voter contre l’accord UE-Mercosur, celui de LFI. « Nous ne refusons pas l'accord “en l'état“ ; nous refusons l'accord “tout court", a précisé Arnaud Le Gall (Val d’Oise). Mais, reprochant au Gouvernement de « louvoyer », de « n’avoir aucune stratégie », le député a annoncé que son groupe votera contre la déclaration gouvernementale.

Le Gouvernement souhaitait un soutien unanime de l’Assemblée nationale. Il l’a presque obtenu. Sa déclaration contre l’accord UE-Mercosur a été adoptée par 484 voix pour, et 70 contre (toutes du groupe LFI).

Le Sénat rejette massivement l’accord commercial

Le lendemain, le Sénat a lui aussi très largement validé (par 338 voix contre une) la résolution s’opposant au projet d’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, verrouillant ainsi la position de la France d’un rejet en l’état. « Ce que nous souhaitons à travers ce débat, c’est entériner solennellement la position de la France et lui offrir une assise transpartisane forte, pour que sa voix puisse résonner dans toute l’Europe », a ainsi déclaré la ministre de l’Agriculture Annie Genevard en ouverture des discussions tout en tentant de rassurer les partenaires sud-américains sur les intentions françaises.

Le Brésil veut signer avant la fin de l’année

De son côté, le président brésilien Luis Inacio Lula da Silva persiste dans sa volonté de finaliser le traité d'ici la fin de l'année. Et il cible Paris. « Si les Français ne veulent pas de cet accord... ils ne décident plus de rien, c'est la Commission européenne et Ursula von der Leyen qui décident » a-t-il affirmé le 27 novembre lors de la Rencontre nationale de l'industrie, organisée par le CNI à Brasilia. Et d’ajouter sur le réseau social X, « je veux signer l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, car cela fait 22 ans que nous en discutons ».

Source : ActuAgri et AgraPresse