FILIERE
L'arboriculture ligérienne à la relance

L’arboriculture demeure une culture emblématique du département avec des fruits comme la cerise ou la pomme. Malgré son dynamisme, elle peine à renouveler ses générations de producteurs.

L'arboriculture ligérienne à la relance
La récolte 2020 qui s’achève ne laissera pas un souvenir impérissable. « C’est décevant en calibre et en quantité. On paye la canicule d’il y a deux ans qui a perturbé les arbres », estime le président de la filière, Henri Mazenod.

 L’arboriculture dans le sud de la Loire se concentre dans deux secteurs : le Jarez (environ 600 ha et une quarantaine de producteurs) et le Pilat (environ 300 ha et une vingtaine de producteurs).
Le premier est plus diversifié avec notamment une culture de la cerise dynamique, une pomme toujours solidement ancrée et quelques fruits d’été (abricots, pêches, prunes). Les exploitations sont petites, à taille humaine, commercialisent beaucoup en circuits courts mais aussi auprès de metteurs en marchés dynamiques comme Cerifrais. Le Pilat est moins diversifié la pomme est dominante et les exploitations sont un peu plus grandes. Une quinzaine de producteurs livrent à la coopérative des Balcons du Pilat. La pomme du secteur jouit d’une bonne réputation mais les producteurs peuvent être soumis à la fluctuation des cours.


Arb’eau


Christophe Gratadour, technicien spécialisé aux chambre d’agriculture du Rhône et de la Loire, n’y va pas par quatre chemins : l’enjeu de l’arboriculture dans la Loire, c’est l’eau, notamment dans le Jarez qui a toujours été déficitaire. Un temps, les retenues collinaires ont été suffisantes pour combler le manque, mais depuis 2015, le réchauffement climatique est trop fort, les retenues sont à moitié vide. Certains vergers sont abandonnés.
« Pour s’en sortir, il faudra trouver des solutions collectives, pas chercher tout seul dans son coin », prévient Christophe Gratadour. Le projet, c’est d’amener de l’eau du Rhône grâce au Smhar (Syndicat mixte d’hydraulique agricole du Rhône) dans le cadre du plan de gestion des ressources en eau (PGRE).
Pour le spécialiste, cette volonté de trouver des solutions collectives devra aussi s’appliquer au domaine technique. « Pour maintenir la productivité des vergers, il faut travailler sur le matériel végétal, les phytosanitaires, la fertilisation, les pratiques culturales, l’adaptation au climat. Il faut la jouer collectif avec l’Afrel (Association fruits Rhône et Loire) ou avec le verger expérimental de Saint-Laurent. »


Le challenge de l’installation


L’enjeu, le défi même, pour la filière, c’est le renouvellement des générations. « Sans eau, c’est difficile de transmettre », assurent tous les acteurs de la filière.
L’arboriculture est une filière de patience. Il faut planter, attendre, investir dans le matériel, et pas seulement cultural : palox, frigos… « Le retour sur investissement est très long », analyse Henri Mazenod, président de la section arboricole de la FDSEA.
A Pélussin, Daniel Rivory est à la retraite après avoir cédé son exploitation (16 ha de vergers) à son fils, Olivier. Pour ce passionné, les difficultés de la filière sont un crève-cœur. « Selon moi, l’absence de repreneurs est plutôt dû aux problèmes de mévente et aux risques d’accident climatique. » D’autres estiment que la filière paye sa mauvaise réputation en matière de traitements phytosanitaires.
Pourtant, poursuit le fondateur de la fête de la pomme, « ceux qui s’organisent vivent bien de leur métier ». Une analyse partagée par Christophe Gratadour. « Mais attention, il y a des heures à passer. Un filet anti-grêle à poser, c’est 20 à 30 heures de boulot par exemple. » Bref, les revenus ne sont pas toujours à la hauteur des efforts consentis et ce, même si certaines tâches ont été simplifiées (pallox, taille électrique ou pneumatique, confort du tracteur).
Le métier a évolué, notamment au niveau administratif ou réglementaire où il s’est notoirement alourdi mais Daniel Rivory veut en vanter les mérites : « C’est un métier passionnant. On fait un peu tous les métiers : gestion, comptabilité, mécanique, soins aux cultures… Avant, il suffisait d’être bon techniquement et courageux pour que ça marche. Aujourd’hui, c’est plus complexe ».
Autre facette du métier, la gestion de la main d’œuvre permanente et saisonnière. L’arboriculteur est forcément un employeur et cette tâche de « management » rebute certains, même si la profession a mis en place des outils d’aide (Agri Emploi 42). « Pour que ça marche, il faut un respect mutuel entre patrons et salariés », estime Daniel Rivory dont certains employés ont fait toute leur carrière sur l’exploitation.


Pénurie de formation


A ce jour, l’arboriculture perd du terrain « quand une exploitation de 15 ha arrête, en général, les dix meilleurs hectares sont repris mais le reste non », regrette le Pélussinois
Et on ne voit pas trop venir la relève sur les bancs de l’école, et pour cause : il n’y a plus de formation en arboriculture en France ! « Pas d’élève, pas de formation, pas de formation, pas d’élève… C’est le chien qui se mord la queue ! Les jeunes qui veulent faire de l’arboriculture passent par une formation en horticulture et font des stages pour se spécialiser mais c’est boiteux comme système », estime Henri Mazenod,
Par ailleurs, l’arboriculture ne dispose pas de ce réservoir de hors-cadre familiaux que l’on retrouve dans d’autres filières (maraichage, vigne…), « sauf parfois des salariés d’ exploitations qui s’installent eux-mêmes », signale Mazenod.


Les consommateurs sont là 


Si les cours sont parfois volatiles et insuffisants, quelles sont alors les possibilités pour capter la valeur ajoutée ? Henri Mazenod exclut la transformation « Ce n’est pas rentable ou alors il faut aussi faire des prestations pour d’autres mais on devient industriel. ».
En revanche les opportunités de développement de la vente directe, sur un territoire aussi peuplé avec deux grosses agglomérations, existent. « Tout le monde en fait un peu. Chez nous, ça représente 10 % de nos ventes. C’est vrai, c’est très gratifiant mais c’est très chronophage. Il faut cadrer les horaires d’ouverture à la ferme, sinon, on n’a plus de temps libre », prévient Mazenod « et vendre à un prix rémunérateur ». Le confinement a ravivé l’intérêt du public. Le domaine des vergers de Bayol constate « un gros trafic sur notre site web depuis six mois même si ça ne se traduit pas forcément par de la vente ».
Et puis, contrairement à la viande par exemple, la consommation de fruits ne baisse pas… Les consommateurs sont attachés aux produits français et locaux. C’est bien là le trésor de la filière. 

 

David Bessenay