Organisations professionnelles agricoles
Ils sont devenus des pro de la visio

Malgré le confinement, les responsables des OPA ont dû continuer à piloter leur structure et à gérer les dossiers. Pour ceci, ils ont dû se familiariser avec de nouvelles formes d’organisation et de communication. Ils sont unanimes sur le fait que cette période laissera des traces positives, notamment sur la forme des réunions.
Ils sont devenus des pro de la visio

Nicolas Lenoir / Un début de mandat particulier

« Comme je suis président de JA Loire depuis peu de temps, je ne peux pas comparer avant et pendant le confinement, confie logiquement Nicolas Lenoir. Je ne m'attendais pas à un début de mandat comme cela. Rémi Jousserand m'avait dit qu'être président de JA signifiait passer du temps au téléphone, mais là c'était beaucoup de téléphone. Et c'est bizarre d'organiser des réunions téléphoniques avec la nouvelle équipe sans avoir eu de réunion en présentiel avant et sans vraiment bien se connaître. Mais finalement, tout s'est plutôt bien passé pour la vie du réseau JA. Nous avons fait de notre mieux pendant cette période compliquée. »


L'objectif chez JA Loire était de ne pas perdre le lien entre les membres du réseau. Ainsi, pendant la période de confinement, des réunions de bureau, de conseil d'administration, de JA Aura et JA national étaient organisées par téléphone ou par visio. « Nous avons aussi créé un groupe avec l'application WhatsApp entre les membres du bureau de JA Loire pour communiquer entre nous. Nous allons essayer d'organiser une réunion de bureau JA Loire en présentiel en juin. Pour l'instant, je ne sais pas comment et où, mais c'est l'objectif.»


« Il a fallu que je m'organise sur l'exploitation pour suivre les réunions, comme si je devais vraiment m'absenter, précise Nicolas Lenoir. Beaucoup de réunions étaient le soir. Sur l'exploitation, même s'il a fallu réorganiser les points de vente des produits, cette période aura été bénéfique pour notre activité de vente. Personnellement, je n'ai pas mal vécu le confinement. Le bilan moral est plutôt positif. »

 

Gérard Gallot / Un gain de temps

« C'était un fait nouveau de ne plus pouvoir faire de réunion, raconte le président de la FDSEA de la Loire, Gérard Gallot. Il a fallu s'y habituer. Et le premier mois, l'actualité était telle qu'il a fallu passer beaucoup de temps au téléphone, que ce soit en direct avec une personne ou à plusieurs sous forme de réunion téléphonique. Les premières semaines ont été très chargées. J'ai passé moins de temps sur les routes, mais plus de temps au téléphone. Ceci a demandé beaucoup d'énergie. »


Puis, une fois que les choses ont été organisées dans les structures et pour les filières, « l'intensité a diminué. Les réunions étaient moins fréquentes et moins longues. J'ai réellement levé le pied en mai. Heureusement car c'était une période charnière pour l'exploitation avec les ensilages et les semis de maïs. La climatologie d'avril, avec la pluie, a éloigné la sécheresse et a beaucoup apaisé les inquiétudes, et le téléphone a moins sonné. »


Gérard Gallot poursuit : « Les réunions téléphoniques, je connaissais. Celles en visio, je ne pratiquais pas. J'ai découvert un bel outil. Que ce soit en réunion de bureau FDSEA, de conseil d'administration, de conseil fédéral, nous avons eu de bons échanges, mais ça ne remplace pas le présentiel. L'échange est plus compliqué en visio, mais on passe moins de temps sur la route, c'est un gain de temps. » Les réunions en présentiel n'ont pas encore repris à la FDSEA. « Je ne sais pas si nous pourrons en tenir en juin ». Une chose est sûre, à terme, «je pense que nous allons continuer à faire des réunions téléphoniques ou en visioconférence car finalement on y passe moins de temps. Ce type de réunion est intéressant pour faire passer des informations, mais le débat est difficile. »


Même si tout n'a pas été simple au départ en tant que président de la FDSEA, Gérard Gallot avoue avoir « apprécié pouvoir passer plus de temps avec les membres de ma famille pendant le confinement, que ce soit sur l'exploitation ou à la maison. Mais je suis également content que le confinement soit levé pour retrouver la famille au complet. »

 

Bertrand Lapalus / Gérer les dossiers les plus urgents

« J'ai plutôt bien vécu le confinement, confie le président de la Safer Loire, qui est également président de la section nationale des fermiers et métayers. J'ai pu être 100% du temps sur l'exploitation car je n'ai eu aucun déplacement à Paris et à Saint-Etienne. Ça change et ça fait du bien. J'ai fait plus qu'une mise à jour sur l'exploitation : j'ai pu réaliser des travaux que j'avais prévu à une échéance de deux ou trois ans. J'ai également pu apprécier la très forte baisse de la circulation sur la route qui borde l'exploitation : de 12 000 voitures par jour à quelques-unes. J'avais l'impression d'avoir déménagé et j'ai entendu des bruits que je n'entendais pas habituellement. Nous avons aussi pu prendre du bon temps en famille. »


Mais Bertrand Lapalus n'en a pas pour autant oublié ses responsabilités. « Au début du confinement, il a fallu passer du temps au téléphone avec le directeur de la Safer, et avec le vice-président et la juriste de la section des fermiers pour définir les nouvelles méthodes de travail. » Il poursuit : « A la Safer, nous avons géré les dossiers les plus urgents. Des installations étaient prévues, tout a été mis en œuvre pour ne pas les retarder. L'ordonnance de fin mars a ouvert des possibilités pour que des dossiers soient gérés en visio-conférence. Mais les dossiers les plus compliqués ont été mis en attente. »


A la section des fermiers et métayers, comme dans tout le réseau FNSEA, l'année est élective. « Nous venions de tenir notre assemblée générale et un conseil d'administration venait d'être élu. L'élection du bureau a été préparée à distance, par téléphone. Le matin des élections (vote numérique), nous avons organisé une réunion de conseil d'administration en visio pour présenter les administrateurs. »


Le réseau internet de son domicile ne permet pas à Bertrand Lapalus de travailler en visio. « Pour chaque réunion, j'étais obligé de me rendre au bureau de la Safer à Perreux. Malgré cela, j'ai passé moins de temps que d'habitude dans les déplacements... » Ce responsable professionnel estime « qu'il faudra continuer à utiliser la visioconférence pour certains types de réunions. Pour moi, c'est deux heures de réunions à la place d'une journée de déplacement à Paris. Pour trancher entre « oui » et « non », une visio, ça va, par contre, pour débattre, c'est plus compliqué.»

 

Patrick Laot / « D'un seul coup, tout s'est arrêté »

« Dans le mode de fonctionnement de nos structures, nous n'étions pas du tout préparé à un confinement. Finalement, la capacité des différentes structures à s'adapter et à s'organiser a été réelle. Cette période va marquer la vie de nos entreprises. Il y aura un avant Covid et un après et nous avons encore des enseignements à en tirer», analyse Patrick Laot, président de Groupama Loire. Pour cette structure, pendant cette crise sanitaire, «notre stratégie est d'assurer la continuité des services tout en préservant les personnes. C'est pour cela que nous ne voulons pas précipiter le déconfinement, même si je conçois que certains ont besoin de retrouver du lien social, que ce soit les salariés ou les membre du bureau.» Il ajoute : « Les premiers jours, il a fallu gérer l'urgence sanitaire et soutenir le monde de la santé. Maintenant, il va falloir accompagner la phase de relance économique, tout en étant au cœur du grand débat sur la perte d'exploitation des entreprises.»


Chaque semaine, habituellement, les responsabilités de Patrick Laot (Groupama et Ceser) lui prennent entre 3,5 et 4 jours par semaine. « D'un seul coup, tout s'est arrêté. Par contre, j'ai passé plus de temps devant l'écran d'ordinateur. La visio a permis de ne pas perdre le lien et de traiter les sujets les plus urgents pour les deux structures. Les réunions ont été moins longues qu'en présentiel. Globalement, j'ai passé moins de temps pour les visio qu'en réunion en présentiel. Mais la visio est une forme de réunion plutôt fatigante et la concentration n'est pas la même.»


Patrick Laot estime que, « personnellement, le confinement est arrivé à une période où j'avais besoin de me retrouver sur mon exploitation. J'ai pu mettre à profit le temps disponible pour rattraper le retard accumulé. » et, avoue-t-il, « le confinement a été l'occasion pour moi d'utiliser un peu plus les réseaux sociaux ». De conclure : « j'ai constaté que les gens se sont plus souciés des autres et la solidarité entre voisins était également au rendez-vous. Je pense bien évidemment que le confinement a été beaucoup mieux vécu à la campagne qu'en ville. »

 

Christophe Chavot / Moins de stress et de fatigue

Chez Eurea, « notre letmotiv est depuis longtemps que la réussite de l'entreprise passe par la valeur des hommes et des femmes qui la composent. Nous avons suivi cette ligne de conduite pour le confinement en cherchant à protéger au maximum les salariés », argumente Christophe Chavot, président d'Eurea. Ainsi, « dès le départ, le choix a été fait de mettre au maximum les salariés au télétravail et les Gamm vert ont fermé totalement au grand public. » Alors que président et directeur avaient auparavant l'habitude de se contacter chaque jour par téléphone, ce rythme a été tenu pendant le confinement. «Par contre, nous ne nous sommes pas vus pendant un mois, pour nous protéger mutuellement. »


Le comité de direction s'est réuni en audio et en vidéo, tout comme les membres du bureau et les administrateurs. « Le rythme d'une réunion de conseil d'administration tous les deux mois a été tenu pendant le confinement, en ayant eu la même participation que d'habitude. Tout s'est très bien déroulé. L'organisation d'une réunion en visio est différente. Elle demande plus de discipline pour la prise de parole, mais aussi plus de concentration. En tant que président, l'animation est différente. Pour moi, une réunion de conseil d'administration doit permettre de partager des idées et doit être synonyme de convivialité. C'est compliqué en réunion à distance, même si c'est pratique sur le court terme. Les administrateurs sont demandeurs d'organiser des réunions en présentiel. Nous le ferons dès que ce sera possible. »


Christophe Chavot a pris part à des réunions de Coop de France Nutrition animale en visio, alors qu'elles ont habituellement lieu à Paris. « Ça a évité des heures de déplacement, mais aussi du stress, de la fatigue. Des enseignements sur nos modes de fonctionnement devront en être tirés.» Pour la plateforme d'approvisionnement du Grand Est de la France pour les coopératives telles qu'Eurea, dont Christophe Chavot est le président, tous les échanges entre responsables se sont déroulés en audio ou visio.


« Globalement, je ne suis pas un pro de l'informatique, mais je trouvé que tous les outils sont plutôt simples d'utilisation, même à partir d'une tablette. » Pour suivre les réunions dans de bonnes conditions, Christophe Chavot s'est organisé un espace dans le bureau de l'exploitation « pour être isolé et plus concentré. Les horaires de réunions sont globalement restés les mêmes et d'autres sont venues se greffer aux habituelles. » Mais, au final, « le confinement m'a laissé plus de temps sur l'exploitation aux côtés de mon épouse et du salarié ».

Lucie Grolleau Frécon