Conseil régional
Laurent Wauquiez toujours autant attaché à l'agriculture

Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes,  a confirmé que le budget agricole pour 2021 ne baissera pas. De plus, il ambitionne de capter 100 millions d’euros du plan de relance agricole.

Laurent Wauquiez toujours autant attaché à l'agriculture
Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. (Crédit : C. Pietri)

Le président Valéry Giscard d’Estaing nous a quittés le 2 décembre dernier. Que retenez-vous de son rapport à l’agriculture et à notre région ?

Laurent Wauquiez : « Lorsque l’on parle d’agriculture, on pense à Jacques Chirac et on sait à quel point ce dernier a aimé l’agriculture. Mais il ne faut pas oublier les apports importants de Valéry Giscard d’Estaing, notamment sur la mise en place de la Pac. Ensuite, pour l’agriculture de notre région, il a toujours défendu les races de massifs et l’agriculture de montagne. Et ça lui tenait aussi très à cœur de parvenir à développer une alternative professionnelle au Salon de l’agriculture. Quand il a développé l’équipement de la Grande Halle d’Auvergne, c’était pour permettre au Salon de l’élevage de se maintenir et de gagner en puissance pour devenir le premier rendez-vous de l’élevage européen. Il a toujours compris que la Région devait soutenir son agriculture. »

Vous avez déclaré être prêt à surveiller les loups de la région Auvergne-Rhône-Alpes avec des drones. Quelle technique envisagez-vous de déployer ?

L.W. : « Avant toute chose, il faut que la législation sur le loup bouge. La convention de Berne n’est plus adaptée : nous ne sommes pas face à une espèce en voie de disparition mais en voie de multiplication rapide. Le système des tirs de prélèvement ne fonctionne pas. Et le comptage des populations à l’échelle du pays, et non par massifs, nous désavantage énormément, car il y a une très forte concentration des loups sur la partie alpine, le Massif central, l’Ardèche, la Lozère, etc. La priorité est d’abord de mettre en place des mesures qui permettent de juguler de manière beaucoup plus importante la multiplication du loup. Tout le reste, ce sont des pansements sur des jambes de bois ! Il faut faire changer la loi et que le gouvernement tienne parole ! On a bien vu que lorsque nous mettions plus d’argent sur les lieutenants de louveterie pour augmenter les tirs de prélèvement, on nous a fait savoir que nous n’avions pas le droit… Malgré tout, tout ce qui permet de protéger les éleveurs, je le fais : le financement d’équipements pour les lieutenants de louveterie, le soutien juridique aux éleveurs lorsqu’ils sont mis en cause avec leurs chiens de protection, les mesures de surveillance des troupeaux, comme les logements mobiles, des clôtures plus efficaces, des colliers connectés… »

Le drone sera-t-il donc un dispositif supplémentaire ?

L.W. : « La surveillance par drone consiste à équiper des animaux dans le troupeau avec des colliers balises ; si l’on constate tout à coup un comportement anormal de l’animal, le drone s’élève et réalise un survol de contrôle. En cas d’attaque, le drone peut projeter un répulsif non létal en direction de l’attaquant. Le but est de faire de l’effarouchement et de créer une crainte pour le prédateur. Cette solution nous a été présentée par une société, elle ne va pas tout résoudre. Mais si elle peut permettre de protéger quelques troupeaux, ça vaut la peine de tenter. Nous allons y consacrer 30 000 euros environ. Des tests pourraient être lancés dans le Massif des Bauges, mais pas seulement, c’est ce que nous sommes en train d’étudier. »

La Région a voté, le 14 décembre, une aide financière à l’acquisition de chiens de troupeaux pour les éleveurs. Quelles en sont les modalités ? 

L.W. : « Nous sommes en train de les caler. Une aide à hauteur de 80 % pourrait concerner l’acquisition de chiens de troupeau, mais également l’hébergement, le dressage… Nous regardons le lien possible avec les dispositifs Feader, qui proposent aussi des aides importantes sur les chiens de protection. Nous espérons une mise en place au premier trimestre. »

L’aide de la Région pour la mise en place de mesures de biosécurité en élevages porcins prend fin au 31 décembre. Au vu de la pression de la peste porcine africaine, la Région prévoit-elle de prolonger le dispositif ?

L.W. : « Notre Région a été la première à mettre en place cette aide. L’idée est partie d’une séance de travail avec la profession lors du Sommet de l’élevage. L’objectif est de faire passer le message aux agriculteurs : profitez de cette aide ! Pour que le dispositif fonctionne, il faut que tout le monde joue le jeu. Si on subit la peste porcine, ce sera une catastrophe. Le dispositif est simple : il permet la mise en place de clôtures de protection, couplée avec un module de formation. J’ai décidé de le prolonger en 2021 pour qu’un maximum d’agriculteurs puissent en bénéficier. »

Depuis plusieurs mois, on entend parler d’une nouvelle marque régionale : « Ma Région, ses terroirs ». Où en êtes-vous concrètement ? Quels seront ses objectifs ?

L.W. : « La marque régionale « La Région du goût » a été lancée en 2017 et a bien fait son chemin. Nous avons réalisé un test et elle est reconnue par les consommateurs, mais aussi par les agriculteurs et les transformateurs. Nous avons aujourd’hui près de 4 000 produits référencés. Nous avons donc franchi le stade du lancement et de l’expérimentation. Notre objectif est d’aller au-delà et de renforcer cette marque, pour aller capter des débouchés et du prix pour les agriculteurs. Nous avons travaillé avec des consommateurs et des associations spécialisées dans l’émergence de marques, et en avons conclu qu’il fallait être plus en lien avec l’idée des terroirs, pour mieux se rapprocher de l’agriculture. La marque régionale va petit à petit se transformer et devenir dès le début d’année 2021, « Ma Région, ses terroirs ». Nous avons augmenté les partenariats avec les distributeurs, qui cherchent de la valeur ajoutée et ces produits peuvent y répondre ; en contrepartie, nous voulons des engagements de volume et de prix pour les agriculteurs. »

Vous aviez annoncé, en début d’année, vouloir créer une structure autonome, sous une forme intermédiaire publique-privée, pour aider les agriculteurs dans le rapport de force avec la grande distribution. Cette structure va-t-elle exister ?

L.W. : « La démarche « Ma Région, ses terroirs » sera rattachée à l’entité Auvergne-Rhône-Alpes Gourmand, qui va piloter la promotion et jouer le rôle d’intermédiation pour la nouvelle marque régionale. »

La Région est intervenue à plusieurs reprises durant la crise sanitaire. Pourquoi un tel déploiement de mesures alors que l’Etat a mis en place des dispositifs d’aide massifs ? Et à quel coût pour les contribuables ?

L.W. : « D’abord, notre région a été l’une des plus touchées par la crise sanitaire. Ensuite, parce que les dispositifs nationaux, pilotés depuis Paris, manquent souvent de bon sens. Ça a été le cas lors de l’épisode des masques, où la Région a été la seule à en distribuer à sa population alors qu’ils n’étaient pas obligatoires. Lorsque la campagne régionale de tests a été lancée, on nous a dit que ça ne servait à rien. Et puis, des grandes villes ont elles aussi lancé des campagnes ; mais les zones rurales étaient oubliées. Notre conception était au contraire d’offrir des tests jusque dans les petites communes. Et puis dans les mesures nationales, souvent les agriculteurs ont été oubliés, par exemple pour la vente à distance ou l’agritourisme… Nous, nous avons toujours pensé à l’agriculture. Les mesures de protection sanitaires coûteront environ 100 millions d’euros. Si l’on ajoute les mesures économiques et le plan de relance régional, l’accompagnement de la Région dans cette crise dépasse le milliard d’euros. Tout cela a été financé uniquement par les économies que nous avons faites pendant quatre ans. Nous n’avons augmenté aucun impôt, ni notre dette, ni non plus pris sur les autres domaines d’intervention. »

Vous avez présenté, en plénière le 14 décembre, le budget primitif 2021, dont le fil conducteur est la protection des habitants de la région face à la crise sanitaire et économique. Est-ce que le budget agricole en sera affecté ?

L.W. : « On a aujourd’hui le budget agricole le plus important de toutes les Régions françaises. D’autres Régions baissent leur budget agricole pour financer les mesures Covid. Pas nous ! J’ai même signé un engagement très fort, puisque nous sommes la première Région qui va se battre sur l’adaptation au changement climatique. » 

Le déploiement du volet agricole du Plan de relance s’appuie sur la Draaf, en partenariat avec la Région et le réseau régional des chambres d’agriculture. Quel va être concrètement le rôle de la Région dans ce dispositif ?

L.W. : « Nous aimerions capter pour notre Région aux alentours de 100 millions d’euros, pour nous en servir sur la protection des cultures et des vergers, sur les dispositifs d’irrigation, sur la modernisation des outils de transformation… Nous avons mis en place un accord avec le préfet de Région et le président de la Chambre régionale d’agriculture pour travailler tous en commun pour en récupérer un maximum pour notre territoire. La Région n’hésitera pas à mettre de l’argent pour que cela nous permette de mobiliser aussi, en face des crédits de l’Etat, le plus de fonds Feader. Notre objectif est qu’Auvergne-Rhônes-Alpes soit la première région en termes de bénéfices du plan de relance agricole. Nous avons des prix corrects sur un certain nombre de filières. Je reste néanmoins très préoccupé sur les prix de la viande et sur la situation de l’élevage. Nous devons donc être sur le pont. »

Le Parlement européen vient de donner son feu vert au Cadre financier pluriannuel (CFP) de l'UE pour 2021-2027. Le budget de la Pac a été fixé à 336 milliards d’euros en prix constants (1). Que pensez-vous de cette enveloppe ? Quelles sont pour vous les priorités régionales de la future Pac ?

L.W. : « Nous avons été très inquiets et nous sommes beaucoup battus, avec l’ensemble de la profession. Globalement, les années de transition 2021 et 2022, c’est bon ! Nous avons le même niveau de Feader que 2020, même si je considère que l’agriculture méritait mieux. La crainte, c’est 2023-2027, avec une menace de baisse de Feader annoncée de 30 %. Sur 2021-2022, nous avons ce qu’il faut pour assurer la DJA, le plan bâtiment, la montée en puissance des dispositifs pour l’irrigation… Nous allons travailler sur la bonne réussite de ces années de transition. Mais attention à ce que l’arbre ne cache pas la forêt ! »

Propos recueillis par Sébastien Duperay 

(1) - Source : Agrapresse