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Visite préfectorale

Derrière la sécheresse, la morosité ambiante

Les agriculteurs étaient mobilisés vendredi dernier pour accueillir Monsieur le Préfet de la Loire dans trois exploitations ligériennes pour aborder les problèmes liés à la sécheresse. Au-delà de ce sujet, c’est le malaise de toute une profession qui a été mis en évidence.
Derrière la sécheresse, la morosité ambiante

La Chambre d'agriculture organisait vendredi 26 octobre une journée de visites sur le terrain pour le Préfet Evence Richard et les services de l'Etat dans l'objectif de mettre en évidence les problèmes rencontrés par les agriculteurs face à la sécheresse. Trois exploitations sur la moitié nord du département ont ouvert leurs portes à la délégation et aux agriculteurs du secteur. Il était matériellement compliqué de parcourir l'ensemble du territoire ligérien. Néanmoins, ces trois points de chute ont été l'opportunité de montrer la réalité actuelle des exploitations ligériennes au Préfet.
Les adhérents du réseau FDSEA-JA s'étaient mobilisés en nombre sur chacune des trois exploitations : Christophe Cote à Crémeaux ; Julien Peronnet à Mably ; Christian Denis et Jean-Marc Chaverot à Violay. Les quelque 200 agriculteurs et agricultrices présents sont malheureusement la preuve que le sujet de la sécheresse préoccupe et que le pessimisme qui règne actuellement dans le milieu agricole est bien une réalité.

 

Les agriculteurs étaient eux aussi au rendez-vous sur les trois exploitations visitées, preuve du désarroi qui règne dans cette profession. Ici à Mably. Ici à Violay. Ici à Crémeaux.
Chaque exploitation visitée a fait l'objet d'un bilan fourrager par un technicien de la Chambre d'agriculture. Il ressort inévitablement un déficit lié à un arrêt prématuré du pâturage, à une distribution de la ration hivernale pour les vaches laitières depuis cet été, à une distribution des fourrages initialement prévus pour l'hiver, à des récoltes inférieures à d'habitude... Car effectivement, cette sécheresse se poursuit tard dans la saison et monte en altitude. Des secteurs habituellement préservés sont cette année particulièrement touchés par la sécheresse, même au-delà de 600-700 m d'altitude.
Et les agriculteurs ne sont pas optimistes pour la campagne à venir. Les semis de prairies et dérobées après céréales n'ont pas toujours pu être faits, et s'ils ont pu se faire, dans quelles conditions ? Sans pluie, la levée a été plus qu'aléatoire. Les semis de céréales sont également compliqués. Les agriculteurs disposant d'un réseau d'irrigation ont pu le mettre à profit, mais plusieurs ont signalé des dégâts de sangliers... Par ailleurs, l'état des sols et de la végétation risque de retarder la mise à l'herbe au printemps, accentuant encore plus les déficits fourragers sur les fermes.

 

Demande de reconnaissance en calamité

Ainsi, face à cette situation, les responsables de la FDSEA et des JA, appuyés par ceux de la Chambre d'agriculture de la Loire, ont décidé de faire les premières démarches pour la demande de reconnaissance du caractère de calamité agricole pour la Loire. Néanmoins, ils étaient plusieurs agriculteurs à remettre en cause les calculs d'éligibilité au fonds des calamités, excluant des agriculteurs du système d'aides. C'est ce qui a été vécu pour la sécheresse de 2017. « Je ne suis pas favorable à l'arrêt du système des calamités, intervenait Gérard Gallot, président de la FDSEA. Il y a des points à faire évoluer. Mais il faudra peut-être aller aussi vers le système assurantiel. » « Il y a 15 ans que nous tournons en rond avec le système assurantiel, intervenait Patrick Laot, président de la fédération des caisses de Groupama de la Loire. Nous avons besoin d'une position claire de la part de l'Etat. L'objectif est bien évidemment de sécuriser les exploitations ». Et en attendant une évolution des systèmes, «nous défendrons bec et ongle le dossier calamités 2018 », assurait Raymond Vial, président de la Chambre d'agriculture de la Loire. « Nous nous laissons le temps de bien construire le dossier, posément, méthodiquement..., poursuivait Monsieur le préfet. Je ne découvre pas la situation, j'ai des yeux et j'ai déjà échangé sur ce sujet avec vos représentants. Pour moi, la priorité est la constitution du dossier des calamités. » Le préfet a également évoqué la possibilité, à l'étude, du dégrèvement de la Taxe sur le foncier non bâti, pour limiter les charges sur les exploitations.
Face à cette sécheresse persistante et au manque de fourrages, les agriculteurs se sont donc démenés pour tenter d'acheter de la nourriture et de la paille pour leurs animaux. Mais les cours ont flambé, certains fournisseurs cherchant sûrement à spéculer devant cette situation. L'approvisionnement des méthaniseurs allemands en matières premières, achetées en France, pouvant servir à l'alimentation du bétail suscite également des interrogations. Ainsi, la Chambre d'agriculture de la Loire a créé dans l'urgence, il y a un mois, l'Association solidarité sécheresse Loire 2018 dans l'objectif d'acheminer de la paille de riz du sud de la France et de la canne de maïs de Limagne dans le département pour pallier le manque de paille. Une solution avec du foin d'Espagne est également en train de se mettre en place.
Des liens sont déjà tissés entre des agriculteurs de la Loire et des agriculteurs d'autres départements pour des achats annuels de paille, facilitant ainsi les transactions les années difficiles. Gérard Gallot soulignait que la contractualisation entre céréaliers et éleveurs devait être une solution à généraliser pour sécuriser les approvisionnements et les tarifs.
Le prix d'achat des fourrages est bien ce qui pose problème. Les agriculteurs ont deux solutions pour faire face aux stocks au plus bas : acheter du fourrage ou vendre des animaux. Et comme il devient très compliqué d'acheter du fourrage par manque de trésorerie, les agriculteurs risquent de vendre des animaux. Certains se posent même la question d'arrêter le métier d'agriculteur. La sécheresse est la goutte d'eau qui fait déborder le vase... Ce vase déjà bien rempli de retards de versement d'aides Pac, de contrôles de l'ASP qui retardent encore plus la mise en paiement de certains dossiers, de prix de vente des produits agricoles pas à la hauteur des coûts de production, des attaques incessantes des groupuscules anti-viande, de factures d'eau exceptionnellement élevées, sans oublier les dégâts de grêle et de sangliers sur certains secteurs...

 

Demande d'un plan de soutien

Face aux trésoreries au plus bas des agriculteurs, le syndicalisme majoritaire demande au gouvernement, par l'intermédiaire du Préfet, qu'un plan d'urgence soit mis en place. « L'Etat doit réfléchir à un plan d'urgence pour aider les agriculteurs à retrouver de la trésorerie », lançait Gérard Gallot. Pour Jean-Luc Perrin, secrétaire général de la FDSEA, « le gouvernement se cache derrière le versement anticipé des aides Pac, mais il ne doit pas servir à financer les achats de camions de paille... »
Autre conséquence de cette morosité ambiante : la détresse psychologique d'agriculteurs en difficulté. C'est pour cela que la Chambre d'agriculture a adressé aux maires de la Loire un courrier pour les inviter à créer une cellule locale de surveillance des agriculteurs. « L'objectif est d'appeler à la vigilance sur des situations difficiles et d'inciter à faire un signalement via le numéro vert mis en place, précisait Raymond Vial. Dans les situations extrêmes, l'objectif est de sauver les hommes et les femmes, pas les vaches. »

 

Demande de stocker l'eau

Nombreux sont ceux qui ont pris la parole pour exprimer leur souhait de voir simplifiées les démarches pour la construction de retenues de stockage d'eau pour arroser les cultures et abreuver les animaux. Pour eux, il est inconcevable de ne pas pouvoir stocker les excès d'eau quand elle tombe pour pouvoir l'utiliser en période de faible pluviométrie. Pour le président de la Chambre d'agriculture, « les exploitations qui n'auront pas de ressource en eau devront probablement à l'avenir diminuer leur chargement. Soit on donne la possibilité aux agriculteurs d'irriguer leurs productions végétales et d'abreuver leurs animaux, soit ils disparaitront. Il y a un problème de différence de traitement des dossiers entre le bassin Loire Bretagne et les autres. Ce n'est pas normal. Le Sdage et le Sage doivent être favorables à la création de réserves d'eau. Plus les bonnes décisions tarderont à être prises, plus la situation pour l'agriculture sera compliquée. »
« Le climat se dégrade, avec des épisodes extrêmes de plus en plus fréquents. Nous réfléchissons avec la Chambre d'agriculture à des solutions, assurait Evence Richard. Il faut travailler pour identifier les lieux où créer des réserves suffisantes. C'est un vrai sujet, qui a un impact sur l'agriculture, mais aussi sur le développement des communes. »
Avec le manque de pluviométrie accumulé depuis plusieurs mois, l'alimentation de la population en eau potable devient incertaine sur certains secteurs du département. Le risque est que des coupures soient mises en place plusieurs heures par jour. L'agriculture est directement concernée, certaines exploitations utilisant cette ressource en eau pour leurs activités (abreuvement, hors-sol, transformation). L'occasion pour Chantal Brosse, vice-présidente du Conseil départemental en charge de l'agriculture, de revenir sur le financement de la collectivité pour des installations de forage pour abreuver les animaux sans utiliser le réseau d'eau potable.

Lucie Grolleau Frécon