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Sanitaire

DNC : comment démêler le vrai du faux

Les risques d’une propagation de la Dermatose nodulaire contagieuse (DNC) restent toujours importants. Les scientifiques, vétérinaires en tête, appellent à l’abattage total des troupeaux en cas de découverte d’un cas. Explications.

Par Christophe Soulard
DNC : comment démêler le vrai du faux
La maladie se caractérise par l'apparition de nodules à l'intérieur et à l'extérieur du corps.

La DNC, maladie tropicale, autrefois circonscrite sur le continent africain, est arrivée en Europe en 2014 provoquant une vaste épizootie dans les Balkans et en Grèce entre 2015-2017 avant de réapparaître en Sardaigne en juin dernier. Cette maladie, non transmissible à l’Homme, est hautement contagieuse pour les bovins. Elle entraîne de la fièvre, des chutes de lactation, la constitution de nodules à l’intérieur et à l’extérieur du corps. Elle est mortelle dans plus de 10 % des cas. Les animaux contaminés qui parviennent à survivre conservent d’importantes séquelles : infertilité, amaigrissement, avortements spontanés…


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Maladie classée A par l’Union européenne, c’est-à-dire comme « maladie à éradication immédiate », comme le sont la fièvre aphteuse et la grippe aviaire, la DNC est transmise par des insectes piqueurs (taons, stomoxes, tiques). Ceux-ci peuvent conserver le virus plusieurs heures et le réchauffement climatique favorise le maintien des insectes piqueurs plus longtemps pendant la période automnale. À ce jour, il n’existe pas de traitement antiviral spécifique contre cette maladie.

Animaux asymptomatiques

Le vaccin dont disposent aujourd’hui les vétérinaires français est produit par un laboratoire sud-africain : Onderstepoort Biological Products. Il est efficace à 85 % et ne produit véritablement son plein effet qu’après 21 jours. Or, le temps d’incubation de la DNC est de 28 jours. Une bête peut ainsi être asymptomatique, mais rester contagieuse et donc transmettre la maladie. 

« Si on ne faisait que des dépeuplements partiels, il faudrait analyser toutes les bêtes de tous les élevages tous les jours […] Si l’on épargne les animaux sans symptômes, on ne va jamais arrêter le cycle », a indiqué Éric Cardinale, directeur scientifique de la santé animale à l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Vacciner l’ensemble du troupeau français est une mesure à exclure, ont répété le ministère et plusieurs organisations agricoles, dont la FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA). En effet, la France serait considérée comme un pays non indemne de la maladie et, par conséquent, les exportations d’animaux vivants seraient stoppées, entraînant une perte de revenus importante.


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« Si on vaccine, on n’a plus la possibilité d’exporter pendant quatorze mois. C’est donc un gros problème pour la filière. Le souci aussi, c’est que les animaux peuvent avoir des symptômes importants après la vaccination », a expliqué Cécile Contal, éleveuse de charolaises en Seine-et-Marne.

Sur son compte X, JA a fait témoigner Bastien Chappet, un jeune éleveur de Haute-Savoie touché cet été par la DNC : « Pour éradiquer la DNC, il est nécessaire de respecter le triptyque : dépeuplement, vaccination, interdiction de mouvement, comme nous l’avons fait en Savoie », a-t-il dit. « Face à la désinformation sur les réseaux sociaux ou dans les médias, il ne faut pas avoir peur de prendre la parole et dire la vérité sur ce sujet », a-t-il ajouté.

Pour l'intérêt collectif

À la contestation et à la désinformation d’une minorité d’agriculteurs, s’ajoute une vaste campagne de menaces qu’a dénoncée le président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (Cnov), Jacques Guérin : « Vous avez des appels à brûler des cliniques sur les réseaux sociaux, des vétérinaires agonis d’injures sur leur standard. Celui du Conseil national de l’Ordre est submergé d’appels de personnes complotistes, antivax, anti-tout, qui déversent des tombereaux de bêtises à l’encontre de la profession. Cela finit par impacter fortement le moral des vétérinaires », a-t-il affirmé dans un entretien à nos confrères de l’AFP. Il a aussi confirmé qu’il « n’hésiterait pas, s’il le faut, à entamer des actions en justice dès que des actes malveillants seront perpétrés ».

Pour le président du Cnov, ce protocole a fait ses preuves depuis plus de soixante-dix ans. « Il a permis de traiter les grandes maladies des cheptels. Il repose sur la défense de l’intérêt collectif et demande une certaine discipline […] Il y a parfois des choix dramatiques à faire pour certains élevages : mais c’est à ce prix-là qu’on protège les 16 millions de bovins du pays. Si l’intérêt individuel se met à prévaloir, avec de l’irrationalité et des pseudo-sciences, le modèle va s’écrouler. Et là, les impacts pour la totalité des éleveurs seront terribles », a-t-il confié à nos confrères du Parisien.