Gaec : quand l’union bat de l’aile
Les groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec) sont la forme phare de l’agriculture collective. Mais ils sont aussi particulièrement exposés aux conflits entre associés : désertion d'associé, dissolution tendue… Selon Gaec & sociétés les impacts peuvent être graves, tant sur le plan humain que financier. Pour limiter ces risques, la future loi d’orientation agricole prévoit un droit à l’essai avant l’entrée définitive dans un Gaec.

« Les mésententes se multiplient au sein des Gaec. » S’exprimant au Sénat le 11 février, Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, s’est dit « frappée » par l’ampleur du phénomène. Des « conflits très complexes » ont lieu notamment au sein de ces groupements agricoles d’exploitation en commun, a souligné la ministre pendant l’examen de la loi d’orientation (LOA).
« Parfois interminables, ces discordes font courir de grands risques aux exploitations et déstabilisent les associés. » Le sujet est d’importance, car le statut de Gaec est très courant dans les campagnes (43 000 exploitations en 2020) et représente le modèle type de l’agriculture collective, avec son obligation de travail effectif pour chaque associé. Un chef d’exploitation sur cinq en fait partie, d’après les chiffres de la MSA pour 2023.
Abonnez-vous à Paysans de la Loire
La moitié des Gaec détient un cheptel laitier (21 500). C’est dans cette filière que l’enjeu semble le plus fort. Les raisons qui poussent à s’associer sont largement connues. Transmission de la ferme, partage du travail et des investissements… À cela s’ajoute, dans le cas du Gaec, l’atout du principe de « transparence », réservé à ce statut : chaque associé y conserve les droits (fiscaux, sociaux et économiques) auxquels il aurait pu prétendre à titre d’exploitant individuel. Malgré ces avantages, les ingrédients ne sont pas toujours réunis pour leur réussite.
Diverses causes de mésentente
Gaec & sociétés a identifié trois grandes sources de mésentente. En tête, vient le défaut de communication entre associés. «Cela peut aboutir à des choix que tous ne partagent pas », estime Éric Mastorchio, directeur adjoint de Gaec & sociétés. Exemple avec l’achat de matériel, voulu par un associé, mais trop cher ou fonctionnant mal aux yeux d’un autre. Des problèmes de communication peuvent aussi naître de l’organisation du travail : quand un atelier, avec une personne aux manettes, affiche de moins bons résultats, les critiques sont parfois mal perçues. « Les Gaec les plus dangereux sont familiaux, poursuit-il. Un enfant avec un parent peut avoir du mal à exprimer ses vues. Dans une fratrie, il existe parfois une hiérarchie qui influe sur leur relation professionnelle. »
La deuxième cause de mésentente est liée, selon lui, à une divergence stratégique. « Dès le départ, les objectifs communs peuvent ne pas être bien clairs, observe Éric Mastorchio. L’enthousiasme qui accompagne la naissance du Gaec est d’ailleurs dangereux. Cela peut occulter les fragilités du projet. » À l’instar d’un nouvel installé qui passe sous silence sa volonté de changer la façon de produire, l’autre associé y voyant un changement trop radical. Ou le cas d’un jeune pas d’accord avec la poursuite de l’élevage, insuffisamment rentable, quand l’ancien, fier de sa génétique, refuse d’abandonner.
Lire aussi : Innovation et organisation du travail au Gaec de Saligny
Troisième cause de mésentente : un dysfonctionnement. « Certains Gaec sont mal organisés », poursuit-il. Et de citer le manque de réunions, avec ordres du jour et traces écrites des décisions, ou encore l’absence de bureau dédié. « Comme dans toute entreprise, les dysfonctionnements sont sources de tension. Mais en Gaec, quand on se rate, le patrimoine est en jeu. Cela accroît la charge mentale. »
Coûteuse séparation
Ainsi, les causes de mésentente ont une forte dimension sociologique, qui se retrouvent durant les phases de dissolutions. C’est là que les désaccords se dénouent, parfois douloureusement. Si certaines dissolutions laissent un simple goût amer, d’autres se terminent en d’interminables procédures.
Par ailleurs, se séparer coûte cher, mais pas seulement parce que la procédure traîne en longueur ou que l’on se sent lésé. La note peut vite grimper sur le plan fiscal et social. « Mal préparée, la dissolution risque d’être onéreuse, souligne Éric Mastorchio de Gaec & sociétés. Au vu notamment des résultats en sursis d’imposition (subventions étalées, déductions fiscales), des plus-values latentes. »
Sur le plan patrimonial, il est parfois difficile de récupérer ses billes. Les actifs n’ont pas forcément la même valeur une fois séparés de leur ferme. « Certains construisent des sortes de cathédrales à plusieurs centaines de milliers d’euros. En cas de cession, la valeur dépend de ce que le repreneur peut faire du bâtiment. »
D’après JCD
Le droit à l'essai
Afin de permettre aux exploitants d’y voir clair avant de se lancer, les pouvoirs publics ont décidé de mettre en place un « droit à l’essai ». Objectif : éviter les cas courants de mésentente, qui peuvent coûter chers aux protagonistes.