« Les consommateurs privilégient le goût et la fraîcheur des produits »
Liliane Bonnal est professeure des Universités et directrice de l’unité de formation et de recherche à l’université de Poitiers. Enseignante-chercheuse en économie, ses recherches sont appliquées à l’économie de la santé, à l’économie de l’éducation et du travail. Elle s’intéresse plus particulièrement à l’évaluation des politiques publiques, aux problèmes d’inégalité et de discriminations, ainsi qu’aux problèmes d’insertion et de mobilité.

En 2019, Liliane Bonnal coécrit les travaux de recherche Perceptions et comportements d’achat des produits alimentaires locaux, aux côtés de Marie Ferru et de Denis Charles. 122 pages d’analyse des comportements vis-à-vis de la consommation locale, les motivations et freins à l’achat, les critères de choix.
Quels sont les critères qui influencent l'achat des consommateurs ?
Liliane Bonnal : « Lors de cette étude, il a été observé que les consommateurs, qu’ils soient salariés ou étudiants, privilégient le goût et la fraîcheur des produits. C’est ensuite le prix qui est déterminant pour l’achat, tout particulièrement en ce qui concerne les étudiants. Ces derniers considèrent globalement que les produits locaux ont des prix trop élevés pour eux.
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D’autres critères importants pour motiver l’achat sont le respect de la saisonnalité des produits, les labels, la traçabilité et le respect de l’environnement. Les labels et les normes sont des repères importants pour les acheteurs réguliers de produits locaux. Ils inspirent confiance. L’achat de produits locaux est ainsi perçu comme une manière simple de s’assurer de la qualité et de l’origine des produits achetés. En revanche, les marques, les packagings ou encore les apports énergétiques sont peu décisifs dans le processus d’achat. »
Quel rôle jouent les motivations altruistes, comme le patriotisme local, dans les décisions d'achat ?
L.B. : « Les consommateurs sont largement sensibles aux bénéfices collectifs : près de 95 % considèrent que les produits locaux soutiennent l’économie locale. Le patriotisme local est donc un moteur important d’achat, indépendamment du profil sociodémographique, aux côtés des motivations individuelles. Les bénéfices environnementaux et sociaux, comme la moindre utilisation de transports, la saisonnalité des produits, les liens avec les producteurs et la confiance qui leur est accordée, font aussi partie des motifs d’achat récurrents. Finalement, ces motivations altruistes cohabitent aisément avec des bénéfices plus individualistes, que sont une meilleure qualité, un meilleur goût et plus de fraîcheur. »
Quelles différences existent-ils dans les comportements d'achat entre jeunes, étudiants et adultes ?
L.B. : « Comme évoqué, les étudiants achètent moins souvent local. Ils vivent généralement en zone urbaine, avec peu de moyens, et seuls, ce qui limite leur capacité à stocker ou cuisiner des produits frais. Ils sont néanmoins aussi sensibles que les adultes à la fraîcheur, à la qualité et aux aspects environnementaux des produits locaux. Alors naturellement, le motif principal de non-achat pour cette population particulière est le prix, qui leur est trop élevé. 33,7 % des étudiants n’achètent jamais de produits locaux, contre 13,3 % des non-étudiants. Seuls 14,4 % des étudiants en consomment régulièrement, contre 39,3 % des non-étudiants. »
Comment les politiques publiques peuvent-elles encourager la consommation locale et comment l'évolution des comportements d'achat est-elle perçue ?
L.B. : « Les Plans alimentaires territoriaux (PAT) ont pour objectif d’encourager la consommation locale. Ils peuvent soutenir les producteurs, éduquer les consommateurs et développer des campagnes ciblées, notamment vers les jeunes. Théoriquement, définir un octroi « carbone » pourrait créer une incitation prix pour l’utilisation des circuits courts, mais cela semble un peu compliqué à mettre en place.
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L’évolution de la consommation de produits locaux devrait être favorable, car les jeunes générations sont sensibilisées aux circuits courts et à la transition écologique au sens large (environnement, agriculture bio, etc.). À Poitiers, par exemple, sur le campus de l’université, nous avons un agriculteur qui vend directement sa production locale. Il existe une réelle méfiance vis-à-vis de l’agro-industrie mondialisée, le local apparaît donc comme une alternative de confiance et un engagement citoyen. Pour les étudiants, dont les faibles moyens les empêchent d’acheter local, leur consommation devrait évoluer positivement avec l’âge et l’amélioration de leur revenu. »