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FNSEA

Les priorités de Xavier Beulin pour un nouveau mandat

Le président de la FNSEA Xavier Beulin a annoncé le 25 janvier au bureau de son syndicat qu'il briguera un nouveau mandat, le troisième. « J'ai annoncé ma candidature dans le but de porter un projet, une ambition, un espoir pour les agriculteurs français », a-t-il déclaré. « Nous sommes malmenés depuis un certain temps par des crises économiques, climatiques, sanitaires. La France doit retrouver une véritable ambition pour son agriculture et ses agriculteurs. »
Les priorités de Xavier Beulin pour un nouveau mandat

Qu’est-ce qui vous a fait hésiter à vous présenter pour un nouveau mandat ?

Xavier Beulin : « Plusieurs éléments m’ont fait hésiter. D’abord la charge, qui est lourde, et pour laquelle je me devais de tenir compte de ce qu’en pensait mon entourage. Ensuite, une raison plus professionnelle. Depuis trois à quatre ans, je suis triste que l’agriculture n’apparaisse plus dans les priorités nationales tandis que les agriculteurs eux-mêmes, dans les réseaux sociaux par exemple, sont vus comme posant plus de problèmes qu’ils n’apporteraient de solutions. Et ceci malgré tous les efforts qui sont réalisés. Ce qui m’a conduit à me demander si mon travail, ici, à la FNSEA est suffisamment efficace. Et puis, une autre raison personnelle : avec toutes les attaques que je subis, ces derniers temps, je me suis demandé si, au fond, je pouvais recueillir la confiance de mes collègues. Ils sont très nombreux à me l’avoir récemment témoignée. »

Et finalement, qu’est-ce qui vous a poussé à briguer un nouveau mandat ?

X.B. : « Nous sommes dans une situation où les agriculteurs subissent trois crises: économique, sanitaire et climatique. Partir aujourd’hui n’était pas satisfaisant. Plusieurs engagements sont loin d’être aboutis. Je crois pouvoir encore porter, au nom des agriculteurs, un projet. Il consiste à faire reconnaître la diversité de l’agriculture française, mais aussi à libérer les énergies dans ce secteur, tout en faisant reconnaître le besoin de politiques publiques. L’agriculture n’est pas un secteur comme les autres. »

Quelles sont les priorités que vous fixez à votre prochaine mandature ?

X.B. : « La première, c’est que l’agriculture française retrouve son rang en Europe, qu’elle a largement abandonné à ses voisins ces dernières années. Cela implique des mesures, sans doute très ciblées comme la fiscalité ou le statut. Le deuxième objectif concerne la place des agriculteurs. Les enquêtes d’opinion montrent que la population aime les agriculteurs, mais elle en fait souvent des boucs émissaires. Voyez les émissions multiples qui sont à charge, ou encore ce qui se diffuse sur les réseaux sociaux. C’est affligeant. Bien sûr, parfois, on évoque la nécessité de mesures sociales pour les agriculteurs. Mais le jour où on se bornera à ranger les paysans dans la catégorie des bénéficiaires de mesures sociales, c’en sera fini ! Je ne veux pas dire qu’il faille renoncer à demander, dans le contexte de crise aujourd’hui, des soutiens de type social pour aider aux reconversions ou aux départs en retraite. Mais faut-il traiter la cause des difficultés ou leurs conséquences ? Je préfère la cause. »

Et le troisième objectif ?

X.B. : « C’est la question de savoir si nous sommes capables d’adapter l’agriculture, dans sa diversité, à des besoins d’efficacité économique. Un exemple : si la fameuse Ferme des mille vaches n’est pas notre modèle, la Ferme dite des mille veaux dans la Creuse l’est bien davantage : une quarantaine d’éleveurs ont décidé, dans ce cas, de mettre en commun leurs moyens d’exploitation tout en gardant leur capacité de décision. »

Le citadin qui s’est un peu éloigné de l’agriculture… est-ce que tout ceci ne réclame pas un remodelage du syndicalisme agricole ?

X.B. : « Le problème c’est que le citoyen et le politique ne sont pas suffisamment conscients de l’évolution considérable qu’ont connue l’agriculture et ses organisations syndicales. Mais certaines décisions politiques, certains amendements à des projets de loi, vont tellement loin qu’il faut alors qu’on réagisse. Du coup, le citoyen ne retient que cet aspect défensif. Pourtant, la recherche d’alternatives à nos pratiques est permanente. Quand on a obtenu la mise en place du Corena, ce comité de simplification des normes en agriculture, le but n’était pas de faire table rase des normes, mais de se mettre au niveau des normes européennes et aussi de pouvoir se mettre autour de la table pour trouver des alternatives aux pratiques qu’il faut faire évoluer. On n’arrête pas de demander à la recherche, à nos fournisseurs, aux technologies nouvelles comme le numérique des alternatives à nos pratiques. Malheureusement, il y a un vrai écart entre ce qui se vit en agriculture et la perception qu’en a le citoyen. Il y a une question d’image sur laquelle on doit travailler. »

Le grand enjeu des années qui viennent concerne la future Pac. La FNSEA ne doit-elle pas se rapprocher davantage des autres syndicats agricoles européens ?

X.B. : « On a connu deux à trois ans difficiles, sur des sujets de fond, avec nos collègues allemands. Ils s’étaient convaincus que le marché était quasiment le seul indicateur qui devait régir la Pac. Ce qui a conduit à démanteler les outils de gestion de risque. Aujourd’hui, les Allemands prennent conscience que le « tout-marché » ne peut pas suffire. Nous avons signé la semaine dernière un communiqué commun qui prône une réflexion sur les outils de gestion de crise. Ce travail, on le mène à deux niveaux : en France, sur des outils assurantiels et fiscaux et sur des projets de fonds par filières. On ne peut pas avoir de réponse monolithique. Il faut des dispositifs européens mais aussi des outils nationaux. Avec les Allemands, on a décidé de travailler à une position commune pour la prochaine Pac. Avec trois dimensions : la défense d’un budget ; le maintien d’un premier pilier avec des outils de gestion de crises ; la réaffirmation d’une vision pour l’agriculture et l’alimentation européenne. »

Le rapport d’orientation du congrès de Brest évoquera-t-il cette question de la Pac ?

X.B. : « Ce qu’on dira dans notre rapport c’est, notamment, que nous avons besoin d’un premier pilier consolidé. Avec une interrogation sur le verdissement qui porte sur 30 % des aides : ne peut-on en faire un vecteur de progrès pour les exploitations plutôt qu’un système très administratif et pénalisant ? En faire un système de soutien à l’investissement et à l’innovation. Une marche de progrès en somme. Concernant le deuxième pilier, on pourrait avoir un objectif de simplification d’une Pac devenue très complexe, réduire à 20 % de perte le seuil de déclenchement des dispositifs assurantiels plutôt que 30 %, et enfin étendre la possibilité de s’organiser en OP pour renforcer la capacité de négociation avec les transformateurs. Cela existe maintenant pour le lait, mais pas pour les autres productions. »

Apasec