Maxime Brun : « La loi Contraintes vidée de tout son sens »
Le 7 mai, la commission du Développement durable de l’Assemblée nationale examinait la proposition de la loi sur les contraintes agricoles. La déception du syndicalisme majoritaire était à la hauteur de ses attentes. Maxime Brun, secrétaire général de la FDSEA de la Loire, fait part de son agacement.

Les conclusions de l’examen du texte de la loi Contraintes, parfois appelée Entraves, par la commission Développement durable de l’Assemblée nationale le 7 mai a fait bondir les responsables de la FDSEA et de Jeunes agriculteurs Loire. La proposition de loi, initiée par les sénateurs Duplomb et Ménonville, vise à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur. Elle trouve son origine dans les manifestations syndicales de l’hiver 2023-2024.
« Les agriculteurs demandaient de la simplification administrative et de les laisser produire, rappelle Maxime Brun, secrétaire général de la FDSEA de la Loire. Le slogan “Pas d’interdiction sans solution’’ faisait référence à ces revendications. Nous estimons qu’il n’est pas question d’interdire des produits sans apporter de solutions à la place. Le risque est de mettre à mal des filières, comme on le voit déjà pour celle de la cerise. » La proposition de loi était « censée lever des contraintes, par exemple relatives au stockage de l’eau ou l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, et simplifier la vie des agriculteurs sur le plan administratif. Elle portait également sur les ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement) ou encore sur l’OFB (Officie français de la biodiversité). » Mais la commission du Développement durable de l’Assemblée nationale a « rejeté une partie des avancées issues de nos revendications, essentiellement les propositions portant sur l’environnement et les facteurs de production. La loi a donc perdu son intérêt. Pire, d’après les premières analyses, des contraintes pourraient être ajoutées dans le domaine de la gestion de la ressource en eau ».
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Sentiment de trahison
Un communiqué publié le 7 mai par la FNSEA et JA France assurait que « la réaction sera à la hauteur de la trahison » et appelait les deux réseaux « à se mobiliser pour aller à la rencontre de l’ensemble des députés pour les convaincre de revenir à la raison ». Les responsables de la FDSEA comptent bien solliciter à nouveau les parlementaires, « d’une manière ou d’une autre », assure Maxime Brun. « Nous voulons aussi contacter les députés qui siègent à la commission du Développement durable pour en savoir plus sur les discussions et tenter de comprendre ce qu’il s’est passé. »
Le 28 avril, les représentants de la FDSEA et de Jeunes agriculteurs Loire avaient rencontré les députés et sénateurs, ou leur attaché parlementaire, pour leur faire part de leurs revendications quant à certains projets de loi, dont celle sur les entraves. « Nous en avions détaillé les articles, apporté du concret et donné quelques exemples. La plupart des parlementaires ligériens allaient dans notre sens, ou, à défaut, n’étaient pas hostiles à nos propositions. Les échanges avaient été plutôt constructifs », rapporte le responsable syndical.
« Comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, nous demandons qu’on nous laisse travailler. Les attentes des manifestants étaient réelles. Nous étions sur la bonne voie pour qu’elles se concrétisent, mais tout est remis en cause. C’est frustrant de voir que tout peut être bloqué à l’échelon national, alors même que dans le département, on a l’impression que le préfet a envie d’avancer sur certains sujets, comme par exemple le stockage de l’eau. »
Maxime Brun n’est pas vraiment confiant sur le devenir de ce texte. « Nous estimons que si la loi est vidée de tout son sens, elle n’a plus de raison d’exister. Les débats au sein de la commission du Développement durable reflètent l’état d’esprit de certains groupes. Le climat politique français est toujours tendu. Il ne faudrait pas qu’elle serve de prétexte pour faire tomber le gouvernement. » La commission économique devrait étudier le texte de la proposition de loi avant le débat à l’Assemblée nationale fin mai.
Vigilance sur l’application d’Egalim
Le syndicalisme FDSEA-JA est également attentif à l’application des loi Egalim. Mercredi 7 mai, des représentants ont rencontré des membres du groupe de distribution Auchan : le directeur du magasin de Villars et la responsable France des relations agricoles. L’objectif était de contrôler l’origine des produits laitiers et leur prix, mais surtout d’échanger avec eux sur la valorisation des produits agricoles. « Nos interlocuteurs ont réaffirmé leur attachement à la loi Egalim et à la rémunération des agriculteurs. Ils ont expliqué que, ces derniers mois, ils ont acheté les produits agricoles plus cher, mais que la rémunération des agriculteurs n’avait pas augmenté. On peut donc s’interroger sur les marges des intermédiaires », considère le secrétaire général de la FDSEA. Il poursuit : « Le prix de vente des broutards a dépassé le coût de production. Pour les cotations des vaches entrée abattoir, on s’en approche. Il y a quelques années, personne ne croyait à de tels prix. L’augmentation des cours est liée à la rareté des animaux, mais il ne faut pas négliger l’effet de la loi Egalim. Elle a permis aux industriels de faire passer des hausses de prix à la grande distribution. »
L’échange avec les représentants d’Auchan a mis en évidence que le groupe souhaite plus de transparence dans la construction des prix chez les industriels. « Néanmoins, nous restons méfiants sur ce type de position car nous ne sommes pas dans les box de négociations et nous ne savons pas ce qu’il s’y passe. » Maxime Brun estime que cette rencontre a été « positive » car « les responsables ont envie d’avancer en faveur de la rémunération du producteur. Ce n’est pas le cas pour tous les groupes de distribution ». D’autres enseignes ont été sollicitées par le syndicalisme pour ce même type de rencontre. Affaire à suivre…
Les membres des réseaux FDSEA et JA estiment qu’une 4e loi Egalim pourrait contribuer à améliorer les précédentes, mais aussi que la contractualisation, rendue obligatoire par la loi, aurait dû se mettre en place plus tôt : « elle aurait pu limiter le phénomène de décapitalisation des troupeaux. La France se trouve désormais dans la situation que nous avions prédite il y a quelques années, c’est-à-dire le manque d’animaux pour alimenter les outils d’abattage et la menace d’importations massives de viande. » Dans ce contexte, pour le responsable de la FDSEA, « il n’y a aucune raison pour que le prix de la viande et du lait baisse. Espérons que la politique ne vienne pas s’en mêler… ».