A Matignon et à l’Elysée, FNSEA et JA maintiennent la pression
Une délégation de la FNSEA a été reçue le 19 décembre par le Premier ministre, Sébastien Lecornu, à Matignon. Les responsables du syndicat ont ensuite rencontré le président de la République le 23 décembre. La colère agricole ne retombe pas.
«Le Premier ministre s'est engagé, d'ici ce soir, à nous fournir un courrier avec l'ensemble des intentions de Matignon », a déclaré Arnaud Rousseau, président de la FNSEA à sa sortie d’un rendez-vous avec le chef du gouvernement à Matignon vendredi 19 décembre. Ce dernier était entouré de la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, et du ministre du Commerce extérieur, Nicolas Forissier. Arnaud Rousseau était notamment accompagné par le secrétaire général, Hervé Lapie, le président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), Yohann Barbe, celui de la Fédération nationale bovine (FNB), Patrick Bénézit, et par le président de l’Association générale des producteurs de blé, Éric Thirouin. Une délégation de jeunes agriculteurs (JA), conduite par son président, Pierrick Horel, et le secrétaire général, Quentin Le Guillous, avait été reçue peu avant.
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Les responsables agricoles ont fait part à Sébastien Lecornu du malaise chronique dont souffre la profession depuis des années et des non-réponses concrètes des différents gouvernements qui se sont succédés. « C’est le sixième gouvernement que je vois depuis ma nomination il y a deux ans et demi. J’ai besoin de preuves concrètes, tangibles », a affirmé Arnaud Rousseau sur le perron de Matignon. Il était venu « avec la ferme intention d’obtenir un certain nombre de décisions claires ».
« Réalités du terrain »
La FNSEA a demandé un courrier écrit qui détaille ce que le gouvernement entend mettre en œuvre pour sortir le secteur des nombreuses crises qu’il traverse (inflation post-Covid, conséquences de la guerre en Ukraine, crises sanitaires, crises économiques, surtranspositions, baisse de revenus, etc.). L’objectif de cette lettre est de « confronter la parole publique » aujourd’hui très décriée « aux réalités du terrain », ont fait connaître les responsables syndicaux. Les attentes sont importantes dans la profession, car depuis 2017 et son discours de Rungis, le président de la République n’a pas donné de vision politique et économique très claire sur l’agriculture.
À l'issue de cette rencontre avec les syndicats agricoles, Sébastien Lecornu a adressé un courrier réexpliquant la stratégie sanitaire mise en place pour lutter contre la Dermatose nodulaire contagieuse (DNC), consistant notamment à abattre la totalité d’un foyer quand un cas est détecté. « N’éliminer que les bovins présentant des symptômes fait courir un risque majeur de propagation du virus », affirmait-il.
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Il a également fait passer le montant d’un fonds d’urgence, annoncé quelques jours auparavant, de 10 à 11 millions d'euros (M €), destinés aux petites exploitations les plus en difficulté. Plus de 7 M€ d’acomptes ont été versés aux éleveurs dont les vaches ont été abattues depuis juin. La lettre donnait par ailleurs un calendrier précis pour la vaccination de 750 000 bovins dans dix départements du Sud-Ouest, « conduite sous un mois ».
Le Premier ministre a donné rendez-vous à la FNSEA et à JA début 2026 pour travailler sur la vision de l’agriculture française. « Nous voulons continuer à produire pour nourrir les Français et nous avons besoin d’un cap et d’engagements clairs », a martelé Arnaud Rousseau. L’objectif est d’obtenir des « réponses d'ici le Salon de l'agriculture » sur de nombreux dossiers encore en suspens : la crise viticole, l’accès aux moyens de production que sont en particulier l’eau et les produits phytosanitaires, ainsi que les fertilisants, dont le coût va irrémédiablement croître dès le 1er janvier avec l’instauration des mesures d’ajustement carbone aux frontières.
Les syndicats agricoles reçus à l’Elysée
De son côté, Emmanuel Macron a reçu, mardi 23 décembre à l’Élysée, les syndicats agricoles pour parler de l'accord UE-Mercosur et de la DNC. Selon l’AFP, les syndicats disent avoir rappelé au chef de l'État « l'extrême tension » et la « colère » du monde agricole et que des réponses étaient attendues « dès les premiers jours de janvier » sur ces deux sujets. La FNSEA a réaffirmé son opposition aux accords commerciaux et sa ferme position sur les autres dossiers européens majeurs (Politique agricole commune et Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières). « Pas de concurrence déloyale, pas de renoncements. La mobilisation continue, autant qu’il le faudra », assurait le syndicat.
« Sur le traité du Mercosur, la position de la France est ferme », a affirmé de son côté le Premier ministre Sébastien Lecornu, après ce rendez-vous. « Aucun accord ne sera accepté s'il fragilise nos filières ou impose une concurrence déloyale. Le texte a évolué, mais le compte n'y est toujours pas ».
La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a salué sur son compte X le report d’un mois de la signature de l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne. « C'était la seule décision raisonnable, car il est en l'état inacceptable. Grâce à la détermination de la France et de plusieurs autres États membres (…), nous avons fait entendre nos préoccupations. C’est une avancée mais pas une victoire : la France restera pleinement mobilisée pour défendre ses agriculteurs et ses filières », a-t-elle écrit. Elle assure travailler « sur des mesures concrètes : la clause de sauvegarde, les mesures miroirs et le renforcement des contrôles ».