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Compte de l'agriculture

Une hausse en trompe l’œil

L’Insee a publié le 16 décembre le compte prévisionnel de l’agriculture pour l’année 2025. Selon ses premières estimations, la production agricole augmenterait de 3,7 % en euros courants1 : la hausse des volumes s'accompagnerait d'une légère hausse des prix. Mais chacun des acteurs économiques reconnaît que cette hausse est en trompe-l’œil.

Par Christophe Soulard 
Une hausse en trompe l’œil
©iStock-SimonSkafar
Les productions céréalières retrouvent quelques couleurs avec une récolte globale en hausse de 16,3 % en volume, en particulier en blé tendre (+ 30 %), en protéagineux (+ 18,9 %) et en oléagineux (+ 9,5 %).

Après deux années de baisse (- 7,5 % en 2024 et - 1,5 % en 2023), la production agricole reprendrait quelques couleurs en affichant une croissance de 3,7 % selon l’Institut national de la statistique et des études économique (Insee). L’Insee explique ce rebond à la bonne tenue des productions animales (toutes catégories confondues) qui affichent une augmentation « de 9,2 %, sous l’effet d’une hausse marquée des prix (+ 8,5 %) associée à une stabilité des volumes (+ 0,6 %) », indique le document de l’Insee2. Cependant, les disparités restent importantes dans ces productions avec une très forte hausse du prix des gros bovins (+ 25,4 %) et « la flambée de celui des œufs (+ 40 %) ».

À contrario, les prix de la volaille et du lait restent stables et ceux du porc « poursuivent leur reflux », souligne l’Insee. Ils reculent de 7,8 % après avoir perdu 8,6 % en 2024.

D’une manière globale, si l’on compare ces chiffres à ceux de 2019, les prix des productions animales ont crû de 46,2 %. Mais ce chiffre est à pondérer avec la hausse des coûts de production qui, selon les secteurs d’activité, ont augmenté entre 27 et 47 % dans le même laps de temps. Il faut aussi tenir compte des mauvaises récoltes fourragères (- 24,8 %) qui ont fait bondir le prix du foin (+ 16,1 %). Par ailleurs, l’Insee constate la poursuite de la décapitalisation. Le cheptel s’érode pour les gros bovins (- 2,2 %), les veaux (- 4,5 %) et les ovins-caprins (- 4,6 %). En plus du non-renouvellement des générations, les épizooties (FCO, MHE…) ont réduit une partie des effectifs, souligne l’Insee.

Productions végétales

Les statisticiens pointent également une production végétale en hausse globale de 3,5 %, avec d’importantes différences selon les catégories. Après une année 2024 particulièrement compliquée (- 16,8 %), les productions céréalières retrouvent quelques couleurs avec une récolte globale en hausse de 16,3 % en volume, en particulier en blé tendre (+ 30 %), en protéagineux (+ 18,9 %) et en oléagineux (+ 9,5 %).

À contrario, les conditions climatiques (pics de chaleur et stress hydrique) ont été peu favorables pour la culture de maïs (- 9,7 %), de sorgho, de tournesol et de soja, note l’Insee. Ces chiffres ont fait réagir les producteurs de grandes cultures3 (hors pommes de terre et betterave). « Ils illustrent pour la seconde année consécutive un décrochage massif de la filière céréalière avec les revenus les plus bas, toutes filières agricoles confondues », ont-ils indiqué dans un communiqué. 

« Ces exercices négatifs cumulés illustrent la perte de compétitivité et de souveraineté alimentaire française : près de 900 000 hectares de céréales à paille et 550 000 hectares de maïs ont été perdus en 10 ans », ajoutent-ils.

Inquiétude des agriculteurs 

Côté viticulture, la production bondirait globalement de 7,7 % après une chute de 28,8 % l’an dernier. Le champagne afficherait une hausse de 15,2 % et les vins sous appellation de 8,8 %. En revanche, la canicule estivale et les campagnes d’arrachage ont eu raison des autres vins qui reculeraient de 6,5 %. Enfin, les productions de fruits (- 2,3 %) et de légumes (+ 0,8 %) resteraient peu ou prou égales à celles de l’an passé.

À noter, toutefois, une forte augmentation de la production d’abricots (+ 23,8 %), de pommes de terre (+ 10 ,1 %) et de concombres (+ 10 %) et un recul plus sensible des pêches (- 8,3 %) et des pommes (- 4,4 %), rapporte l’Insee.

Commentant ces résultats, Chambres d’agriculture France a indiqué dans un communiqué que « le rebond du résultat ne suffira pas à résorber l’inquiétude des agriculteurs. Il ne doit pas masquer la dégradation de certains indicateurs qui constitue une source de grande préoccupation ». L’organisme consulaire cite le bilan du commerce extérieur agroalimentaire français qui devrait être négatif cette année, pour la première fois depuis 1978, ainsi que les résultats économiques 2024 des exploitations très négatifs, avec des pertes de valeurs à venir sur les céréales et la viticulture.

1 - Ces chiffres s’entendent hors subvention. 2 - Étude disponible sur www.insee.fr 3 - AGPB (blé), AGPM (maïs), Fop (oléoprotéagineux).