Une histoire de moutons et de loup...

Pendant deux jours, à l'estive de Garnier, sur la commune de Saint-Bonnet-le-Courreau, les éleveurs ovins de la Loire ont accueilli plus de 5 000 visiteurs dans le cadre de la Journée du mouton. Le soleil était au rendez-vous de ces deux jours. Le vent frais du samedi a laissé place à des températures plus élevées le dimanche. Comme souvent, les personnes qui n'avaient pas pris leurs précautions sont reparties avec la peau rougie par le soleil. A la fin du week-end, visiteurs et organisateurs étaient satisfaits de cette 30e édition de la Journée du mouton. Les visiteurs ont pu passer un agréable moment en déambulant sur le vaste site en passant d'une animation à l'autre : marché de produits du terroir et locaux, démonstration de tonte, présentation des races ovines élevées dans le département, rétrospective des 30 éditions de la manifestation, finale du championnat de France de dressage de chien de troupeau, dégustation de viande Agneau de l'Adret, concours de dessin, débat autour du thème loup et pastoralisme, balade à poney, balade guidée pour découvrir la flore...
L'édition 2016 de la Journée du mouton marquait le 30e anniversaire de la manifestation. A cette occasion, comme ce fut le cas pour les 10e et 20e anniversaires, elle accueillait la finale du championnat de France de dressage de chiens sur troupeau. Ainsi, pendant deux jours, les 17 concurrents et leur chien se sont succédés sous les yeux vigilants des juges (une manche chaque jour) sur le parcours constitué de plusieurs obstacles. Les visiteurs ont pu apprécier l'agilité du chien et la complicité nécessaire entre l'animal et son maître pour maîtriser le lot de brebis et le conduire avec constance et fluidité. Ceux qui ont perdu le moins de points sur les obstacles se sont inévitablement retrouvés en haut du classement. Ainsi, Jean-Michel Jolly et son chien Enkore II ont été sacrés champions de France. Un classement que cet éleveur ovin des Alpes-de-Haute-Provence collectionne puisqu'il s'agit-là de son 12e titre (3 fois champion de France en bovins, 7 fois en ovins inter-race et une fois en Border collie). Mention particulière aussi à Nadège Piccand et son chien Hasch qui se placent en deuxième position. Cette éleveuse de l'Allier, originaire de la Loire, connaît bien l'estive de Garnier puisqu'elle y a été bergère pendant trois ans.
Outre ce concours de dressage de chiens, une des raisons d'exister de la Journée du mouton est la promotion de l'élevage ovin et de la viande d'agneau. « Les éleveurs ont à cœur de valoriser leurs agneaux, expliquait à l'heure des discours dimanche midi Jocelyne Cherrier, co-présidente du Syndicat des éleveurs de moutons de la Loire, parlant également au nom de Gilles Tixier, co-président. C'est pour faire connaître cette production que différentes animations ont été mises en place ce week-end. La présence des éleveurs ovins est indispensable sur les terres ligériennes. Les cours sont désormais plus rémunérateurs et les aides plus équitables ». C'est ce qu'a confirmé Pierre-Olivier Chambeyron, ancien président de la Cialyn section Corel (en recherche d'un successeur à ce poste...), le groupement ovin ligérien. « Les cours sont porteurs. Il y a des demandes d'installations de jeunes. C'est bon signe. Par contre, la problématique pour eux est de trouver une exploitation adaptée à l'élevage ovin. » « Tout doit être fait pour accompagner les éleveurs dans l'amélioration de leurs conditions de travail », ajoutait le président de la Chambre d'agriculture.
Le loup arrive ?
Cette année, les organisateurs avaient donc choisi d'aborder le thème loup et pastoralisme. Pour traiter de ce sujet, un film (source MSA) a été visionné à plusieurs reprises. A l'issue de chaque diffusion, Bernard Grellier (éleveur ovin dans le Gard, président de la fédération des groupements pastoraux du Gard et de la Lozère, membre du conseil d'administration du Parc national des Cévennes, adhérent à l'association nationale pour une chasse écologiquement responsable) se tenait à la disposition des visiteurs pour répondre à leurs questions. Des panneaux explicatifs étaient également consultables. Il faut savoir qu'en 2015, 9 068 animaux ont été tués par des loups (2 473 attaques) dans 19 départements. En 2016, on constate déjà une progression des attaques de 20 %.
En abordant ce thème, les organisateurs ne souhaitaient pas entrer dans la polémique, mais informer le public des conséquences de l'arrivée du loup dans les monts du Forez sur l'élevage ligérien et le territoire. A l'heure des discours, la thématique a été abordée par plusieurs intervenants, sachant que le loup est aux portes de la Loire, aux portes de l'estive de Garnier. Pour le président de la Sica qui gère cette estive, « le jour où le loup apparaitra ici, le travail des éleveurs sur la montagne sera menacé, puis en péril. Il faut penser à l'écosystème, mais aussi aux éleveurs ». « Si le loup arrive sur notre territoire, il sera dans un hôtel 4 étoiles. Il pourra se restaurer et dormir tranquillement », assurait Joël Epinat, maire de Saint-Bonnet-le-Courreau. Le président de la Chambre d'agriculture de la Loire est également intervenu sur ce thème : « Le massif Central est le terrain de prédilection du loup. S'il arrive sur les hauteurs des monts du Forez, les éleveurs et leurs animaux quitteront les lieux. Emaneront alors des problématiques de travail et des répercussions psychologiques. Les consommateurs doivent comprendre qu'il est impossible de tout défendre, le loup et l'élevage ». « J'espère que quelques idéalistes du loup ne viendront pas détruire l'équilibre actuel », ajoutait Chantal Brosse, vice-présidente du Conseil départemental en charge de l'agriculture.
A travers la problématique du loup et du maintien de l'élevage, c'est aussi le devenir du tourisme qui est touché, puisque si les paysages du territoire sont ce qu'ils sont, c'est bien grâce à l'agriculture. « Notre territoire est pastoral, agricole et touristique. Tout est lié. S'il n'y a plus ces paysages, il n'y aura plus de touristes. » Pour Alain Bertéas, président de Loire Forez, « notre territoire n'est pas encore suffisamment connu des touristes. Peut-on imaginer nos montagnes sans vaches et sans moutons ? C'est important de soutenir les éleveurs ». Lors de l'inauguration officielle dimanche, une minute de silence a été respectée en hommage aux victimes de l'attentat de Nice. Le sous-préfet de Montbrison, Rémi Récio, a fait allusion à cet événement dans ses propos tout en s'adressant plus particulièrement aux éleveurs : « Vous célébrez ici un bel anniversaire. C'est important d'afficher au grand jour ce que vous êtes, surtout en ces temps troublés. Soyez fiers de vos valeurs. Faites de ce territoire un joyau. »
Lucie Grolleau Frécon
Palmarès du concours de chiens de troupeau
1er, Jolly Jean-Michel, Saint Jurs (04), avec Enkore II (Border collie) 239 points2e, Piccand Nadège, Meillers (03), avec Hash (Border collie) 222 points
3e, Malbouyres Denis, Flavin (12), avec Grand Bill (Border collie) 212,50 points
4e, Lahaye Pierre, Repel (88), avec Fidji (Border collie) 210,5 points
5e, Drouen Frédéric, Sommery (76) avec Energie (Kelpie) 205 points
6e, Canton Laurent, Domerat (03), avec Crow (Kelpie) 192,50 points
7e, Coste Sarguet Gilbert, Dambenoît-lès-Colombes (70) avec Gringo (Border collie) 179,50 points
8e, Serclerat Etienne, La Couvertoirade (12) avec F'Cool (Border Beauce) 176 points
9e, Bouillot Claude, Ecuisses (71) avec Flo (Border collie) 173 points
10e, Marguet Jean, Brillon-en-Barrois (55) avec Etoile (Border collie) 166 points
11e, Alber Frédéric, Montrond-le-Château (25) avec Eco (Border collie) 157,50 points
12e, Grime Frédéric, Martigues (13) avec Chrek (Border collie) 128 points
13e, Richard Martial, Morbier (39) avec Gather Sheep (Border collie) 117 points
14e, Agnoli Frédéric, Port-Saint-Louis-du-Rhône (13) avec Crow (Border collie) 78 points
15e, Lalande Gérard, Salles (33) avec F'Mac (Border collie) 43 points
16e, Haeyaert Philippe, Savières (10) avec Baccara (Berger des Ardennes) 23 points
17e, Amoros Gérard, Mézériat (01) avec Eclipse (Berger Picard) 20 points