RENCONTRE
Édouard Philippe à l'écoute des agriculteurs

Après les mobilisations du 27 novembre, les représentants de la FNSEA et de Jeunes agriculteurs (JA) ont rencontré ce mardi 3 décembre le Premier ministre, Édouard Philippe. Sur les règles d'utilisation des produits phytosanitaires, il a confirmé qu'il irait dans le sens de la science. Sur les EGA, il a promis un calendrier de mesures prochainement et l'accord de libre-échange avec le Mercosur ne sera pas ratifié par la France, a-t-il également assuré.
Édouard Philippe à l'écoute des agriculteurs

Comme cela avait été annoncé au soir de l’action syndicale du 27 novembre, les responsables des syndicats agricoles FNSEA et Jeunes agriculteurs ont été reçus mardi matin 3 décembre par le Premier ministre. L’entretien a duré 1h30, au cours duquel Édouard Philippe a fait preuve « d’écoute », a indiqué Christiane Lambert à sa sortie. « Nous avons eu de l’écoute sur les différents sujets que nous avons portés, que ce soient les distorsions de concurrence, l’agribashing, le dénigrement de l’agriculture ou les États généraux de l’alimentation, qui sont le coeur de notre mobilisation », a détaillé la présidente de la FNSEA lors de la conférence de presse qui a suivi.

 

Le sujet des retraites a également été abordé, à l’aube d’une action nationale d’ampleur. « Nous soutenons la réforme des retraites, ce ne peut être que mieux pour les agriculteurs », a déclaré Christiane Lambert, qui a insisté sur « le niveau dramatique » des pensions, qui s’élèvent, en moyenne, à 780 euros mensuels pour les agriculteurs et 580 euros mensuels pour les agricultrices. Tout en réclamant un geste pour les retraités actuels, les syndicats ont soutenu une réforme qui permettra, ont-ils dit, que chaque point cotisé ouvre aux mêmes droits.

 

Mercredi 27 novembre, en Auvergne-Rhône-Alpes, plusieurs centaines d’agriculteurs et de tracteurs ont bloqué les entrées de Lyon, à Limonest sur l’autoroute A6 (photo), à Vaulx-en-Velin sur l’A42 et à Givors sur l’A47. Les deux premiers blocages ont été levés tard dans la soirée.

 

Sujet majeur de préoccupation : les distorsions, « nombreuses », a rappelé Christiane Lambert. « Les agriculteurs ont l’impression d’être dans un guet-apens, en voyant venir des produits qui ne respectent rien alors qu’eux sont soumis à des obligations et des charges nouvelles. » Chiffres à l’appui, le Premier ministre a pu mesurer l’impact de ces distorsions sur la compétitivité de l’agriculture française, a expliqué la présidente de la FNSEA. Il a sur ce point confirmé que son gouvernement « ne signerait pas l’accord de libre-échange avec le Mercosur », a ajouté le président de Jeunes agriculteurs.


À propos des phytosanitaires et des ZNT, la présidente du premier syndicat agricole de France n’a pas hésité à parler de « débat hystérisé ». « Nous avons souhaité que ce qui puisse prévaloir par rapport aux décisions qui vont être prises, ce soit la science, toute la science, rien que la science », a-t-elle martelé. Le Premier ministre s’est engagé à aller dans ce sens, comme son ministre de l’Agriculture l’avait fait une semaine plus tôt. Édouard Philippe s’exprimera sur ce sujet dans quelques jours, a rapporté Christiane Lambert. « En un an, on a doublé le recours aux biocontrôles et aux méthodes alternatives. Ça se passe dans nos champs, dans nos vergers et dans nos vignes, ce n’est pas connu, mais nous continuons à travailler », a-t-elle ajouté, comme pour justifier que la FNSEA s’était bien emparée de ces questions.

EGA : un calendrier pour bientôt

Samuel Vandaele, le président de Jeunes agriculteurs, a ensuite pris la parole sur la problématique du revenu des agriculteurs et sur le fait qu’avec la loi EGA, profession et pouvoirs publics partagent le même constat : le compte n’y est pas. Parmi les freins, il y a, d’abord, les sanctions, qui ne sont pas assez fortes, a signalé Samuel Vandaele. Sur ce point, le Premier ministre va demander à Bercy des mesures de contrôle plus strictes. La fraude a également été pointée du doigt, qu’elle concerne l’étiquetage des produits ou les relations commerciales. « Les EGA doivent conduire à un retour de rémunération dans les cours de fermes, sans quoi demain, nous n’aurons plus de paysans », a-t-il alerté.

 

Édouard Philippe s’est là aussi engagé à fixer un calendrier prochainement, pour « que la loi s’applique partout et que les sanctions soient très fermes ». « Tous les dispositifs qui sont dans la loi EGA doivent permettre de ramener de la valeur et du prix jusqu’aux producteurs français. Les distributeurs et les industriels qui ne jouent pas le jeu doivent être repérés et sanctionnés », a averti Christiane Lambert. « Nous ne sommes pas venus chercher un chèque de l’Élysée ni de Matignon », a-t-elle ajouté, en réponse à une journaliste qui souhaitait connaître les mesures financières réclamées par la profession.

Les paysans veulent du concret

Autre sujet abordé à Matignon, celui des intrusions dans les exploitations. Le chef du gouvernement a réaffirmé que « la loi et la justice devaient faire leur travail » et que, si cela s’avérait nécessaire, il fallait aller plus loin et recourir au « délit d’entrave » pour sanctionner toute violation de propriété agricole. Concernant les déclarations de Donald Trump de sanctionner à 100 % certains produits français, notamment viticoles, le secrétaire général de la FNSEA, Jérôme Despey, a demandé au chef du gouvernement de « privilégier la négociation pour sortir du conflit » car « l’agriculture ne peut pas être prise en otage ». Il a également réclamé la mise en place de compensations « pour permettre aux viticulteurs de réorienter les débouchés vers d’autres pays ». « Ce qui compte, c’est le résultat. Les paysans, partout, ont besoin d’avoir du concret sur les exploitations, sur la surtransposition, sur le prix et sur l’image », a conclu le président de JA.

Sébastien Duperay