Jeunes agriculteurs
Jérémy Louat, la ferme chevillée au cœur

Jérémy Louat, 22 ans, est installé en Gaec avec son père depuis qu’il en a 18. Engagé, responsable et syndiqué, il entend vivre de sa profession. Et en vivre bien. Pour atteindre ce but, il a montré qu’il était prêt à se battre. Présent sur les manifestations dès les premiers jours, il a donné de la voix pour défendre son métier. Portrait. 

Jérémy Louat, la ferme chevillée au cœur
Installé en Gaec avec son père, Jérémy Louat cumule les responsabilités et les engagements. ©AP

Regard droit, bonnet enfoncé sur les oreilles, jean et bottes, Jérémy Louat sort de la stabulation. Voix posée, le jeune agriculteur n’hésite pas, ne cherche pas ses mots. Le Gaec de la Daviarie, il le connaît par cœur. Installé à 18 ans, il en a aujourd’hui 22. Après un bac pro CGEA (Conduite et gestion de l’entreprise agricole) en alternance, il a rejoint son père sur la ferme familiale. « Mon oncle, qui travaillait sur l’exploitation depuis une quinzaine d’années, avait toujours dit que lorsque j’arriverais, il me laisserait la place », déroule le jeune homme, les mains serrées autour d’un verre de café sans sucre. Il aurait pu poursuivre en BTS, mais a préféré saisir l’opportunité d’entrer dans la vie active. « L’école, ce n’était pas trop ma tasse de thé », se marre Jérémy Louat. Mais quand il se retourne sur son parcours, le constat est sans appel : « Je me dis que ça va quand même faire une paire d’années jusqu’à la retraite... » 

Cinquième génération

Selon une étude de la MSA de 2019, l’âge moyen d’installation d’un agriculteur est de 36 ans. Jérémy Louat avait moitié moins. « Beaucoup de personnes m’ont dit que c’était jeune, relate-t-il. Mais je travaille avec mon père. Il a vécu la même chose quand il s’est installé avec le sien, donc cela ne me faisait pas peur. Forcément, ça n’aurait pas été pareil avec quelqu’un d’autre. » Depuis cinq générations, la famille se transmet l’exploitation, « toujours de père en fils ». Une équation qui ne complique pas le travail. « On se dit tout. Quand l’un de nous est énervé, ça finit par lui passer », rigole l’agriculteur.


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Sitôt installé, sitôt engagé puisqu’il a signé chez Jeunes agriculteurs de la Loire à sa majorité et ne les a pas quittés depuis. Il est d’ailleurs vice-président du canton de la vallée du Gier. Un activisme syndical qui, comme la ferme, se transmet de père en fils puisque le sien était président du même canton pour les JA 20 ans auparavant. « L’engagement, c’est important pour avancer sur les projets, se tenir informé, voir le monde extérieur... énumère-t-il. Sur notre canton, on est aussi un groupe d’amis, on se connaissait d’avant. » 

Le jeune homme est aussi président de la finale départementale du concours de labour qui se tiendra le 25 août. Une charge éphémère mais qui s’ajoute à celles de conseiller de section chez Sodiaal pour le secteur Sud-Est, de responsable gibier pour les JA à l’échelle départementale, de représentant JA pour le GDS et de délégué Safer sur le canton.

« On fait ce métier par envie, par besoin »

Afin de mener l’ensemble de front, pas de secret. Jérémy Louat hausse les épaules quand on le lui demande. « L’organisation, assène-t-il. Elle passe avant tout. » Et au Gaec de la Daviary, père et fils ont le même but, les mêmes envies ; ils travaillent dans la même direction. Une efficacité qui leur permet de dégager du temps, précieux, pour partager autre chose que le travail. « On va beaucoup à la chasse », indique le jeune homme. Le chenil qui héberge la meute de chiens accueille d’ailleurs les visiteurs à l’entrée de la stabulation. 

Alors que devenir agriculteur attire de moins en moins les jeunes générations, 55 % des exploitants ont 50 ans ou plus, et que les conditions de travail – et de vie – ne sont pas une sinécure, la voix de Jérémy Louat vibre d’enthousiasme quand il parle de sa profession. Ses mains s’animent, ses yeux sourient. « Mon père, mon grand-père et même mon arrière-grand-mère, toujours en vie, étaient agriculteurs », liste-t-il. Sa fierté s’entend, l’importance de la transmission s’inscrit en filigrane dans son ADN d’exploitant. « Et puis, on fait ce métier par envie, par besoin. Il faut bien des agriculteurs pour nourrir les autres... » Jérémy Louat aime aussi ses bêtes. Le Gaec de la Daviary compte 70 vaches laitières et autant d’hectares de prairies permanentes ou naturelles. Les 20 restant qui complètent le domaine sont dédiés à la culture du maïs et des céréales : dix pour chaque. « Tout est dédié à l’autoconsommation », précise le jeune homme qui « apprécie ce travail à l’extérieur ».


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Mais si l’agriculture est « une passion avant tout », Jérémy Louat compte en vivre, et en vivre bien. Il se bat déjà pour faire entendre sa voix et ses revendications. Il était au volant de son tracteur sur les blocages la semaine dernière, enchaînant les nuits – presque – blanches sur l’autoroute. « Les normes et la loi Egalim », martèle-t-il lorsqu’il évoque les combats à mener. Résolu, il ne lâchera pas et attend la mise en application des annonces gouvernementales. Les yeux de Jérémy Louat perdent leur éclat pour s’assombrir d’une détermination qu’il est facile de croire sans faille : si la feuille de route présentée mi-février ne lui convient pas, « on y retournera ». 

Alexandra Pacrot