Société
Harcèlement : internet, l’amplificateur

Si toutes les affaires de harcèlement ne deviennent pas médiatiques, il n’en demeure pas moins que ce fléau sociétal est en expansion, notamment dans le cyber espace. Décryptage du phénomène avec un spécialiste : Benjamin Fremiot.

Harcèlement : internet, l’amplificateur
Le changement d’attitude brusque d’un adolescent doit alerter les parents.

Trop régulièrement, les cas d’adolescents victimes de harcèlement virent au drame et font la Une des journaux. A l’école ou sur les réseaux sociaux, les dangers guettent. Sans tomber dans la paranoïa, il convient pour les parents d’être vigilants. Et dans les deux sens… Car si votre enfant peut être une cible, il peut être aussi un auteur de harcèlement, un agresseur, notamment pris dans un tourbillon de bêtise collective.

Le phénomène s’est particulièrement développé avec la démocratisation des smartphones et l’avènement des réseaux sociaux. Benjamin Fremiot travaille pour la société Log in Prévention, spécialisée dans la prévention des risques liés à Internet. Il intervient, entre autres, à la demande des établissements scolaires ou directement des professeurs ou autre personnel scolaire, le plus souvent dans les collèges et lycées. Mais il constate que le phénomène s’étend désormais jusqu’aux primaires. « Avec le confinement, certains parents ont équipé leurs enfants, raconte-t-il. Je suis intervenu récemment auprès d’élèves de CE2 pour des cas de harcèlement à partir d’un groupe WhatsApp de classe ».

Plaisanterie ou harcèlement, repérer la frontière

Le harcèlement est défini comme une violence verbale, physique ou psychologique, à l’encontre d’une victime qui ne peut se défendre. Donc, lorsqu’un adolescent est insulté, menacé, battu, bousculé ou reçoit des messages injurieux à répétition, il s’agit de harcèlement. Il peut être physique ou électronique via les messageries instantanées, forums, chats, courriers électroniques et autres réseaux sociaux.

Où se trouve la frontière entre moquerie et harcèlement ? Ce n’est pas toujours très clair pour les adolescents qui rétorquent souvent : « C’était juste pour rigoler ».

« Parmi les cas classiques de harcèlement, on trouve les adolescents qui se séparent et balancent des informations compromettantes sur leur ex ; idem pour des camarades qui se sont chamaillés ; ou encore le jour anniversaire de telle personne où l’on arrose les réseaux de photos compromettantes. »

Il n’est pas simple d’exercer une surveillance efficace et discrète de l’activité de son adolescent qui bien souvent maitrise mieux l’outil informatique que ses parents, mais sans en percevoir tous les dangers. Clairement, « ils se sentent à l’abri quand ils envoient des messages dans leur chambre, cachés derrière un pseudo. Pour autant, les auteurs sont faciles à retrouver. Faire un post, ce n’est pas que du virtuel, cela peut avoir des conséquences dans la vie réelle. Le smartphone est certes un outil privé, mais les messages que vous postez ne le sont plus. Ils ne se rendent pas compte que cela peut se retourner contre eux », poursuit le spécialiste.

Des parents souvent démunis

Les parents sont donc invités à agir. Ce n’est pas « fliquer » que de surveiller les premiers pas de son enfant dans le monde virtuel, d’essayer de lui apprendre les bonnes pratiques : ne pas liker un post blessant et encore moins le partager ou de signaler aux adultes les phénomènes de harcèlement.

« Mais beaucoup de parents bottent en touche, regrette Benjamin. Ils estiment qu’ils n’y comprennent rien, que les réseaux sociaux ne sont pas de leur génération. On entend souvent : ils sont nés avec alors ils savent s’en servir. Mais c’est faux. Nous, nous sommes de la génération voiture et pour autant nous devons apprendre à conduire. C’est pareil pour internet », pense encore Benjamin Fremiot.

Quels sont les symptômes qui doivent alerter les parents ?   « La phobie scolaire, les résultats qui baissent, un ado qui se réfugie dans les jeux vidéo pour s’éloigner de la réalité, l’irritabilité, les troubles du sommeil, le changement d‘attitude brusque (repli sur soi) ou la consultation compulsive du smartphone », liste le professionnel.  

Pour faire cesser le phénomène, il faut souvent trouver une aide extérieure. « Quand j’interviens dans un établissement, les élèves se confient plus facilement à moi qu’à leurs professeurs car je ne les vois pas au quotidien », remarque Benjamin.

Ensuite, il y aura toujours l’éventuel recours à la justice. « Et là, ça fait tilt dans la tête des jeunes et de leurs parents quand s’ils sont convoqués par la police. »  L’effet dissuasif est avéré mais quand est-il des contenus déjà diffusés ? Là, ce sont les plateformes qui devront intervenir pour les faire disparaitre.

L’Education nationale s’organise

Conscient du problème, le ministère de l’Education nationale s’en est saisi. Il a formé 10 000 ambassadeurs parmi les collégiens et lycéens au repérage des situations de harcèlement pour devenir des lanceurs d’alerte. Il consacre des journées dédiées, un site web (www.nonauharcelement.education.gouv.fr) et un numéro vert, le 3020 (1). C’est un dispositif entièrement gratuit qui offre une écoute et des conseils aux appelants. Quand les situations de harcèlement sont avérées, elles sont signalées aux référents « harcèlement » de l’Éducation nationale. Ce numéro a été appelé pas moins de 77 742 fois en 2019 pour 2 176 signalements aux référents académiques.

En dehors de l’Éducation nationale, il existe un autre numéro vert : 0.800.200.000 (2), anonyme et gratuit, pour signaler les cas de cyber harcèlement. Net’écoute peut aussi vous aider dans le retrait d’images, de propos blessants voir de comptes.

 

DB

 

(1)      Le 3020 est joignable du lundi au vendredi, sauf jours fériés, de 9 à 20 heures du lundi au vendredi et de 9 à 18 heures le samedi.

(2)      Net’Ecoute du lundi au vendredi de 9 à 20 heures et le samedi de 9 à 18 heures.