VISITE
Gérard Larcher au pays de la fourme

A l'invitation des sénateurs de la Loire, le président de l'hémicycle du palais du Luxembourg, était en visite dans la Loire vendredi. Il a fait escale au Gaec du Fay à Lérigneux avant de rencontrer les élus locaux à Montbrison.
Gérard Larcher au pays de la fourme

La tranquillité du petit village de Lérigneux, dans les monts du Forez, s'est trouvée quelque peu perturbée vendredi matin 6 décembre. Christine Bédouin, maire, avait ceint l'écharpe tricolore tandis que les petits enfants de la ferme avaient fait l'école buissonnière avec l'assentiment de tous. Ce n'est pas tous les jours que l'on reçoit chez soi le second personnage de l'État ! C'est un Gérard Larcher (vétérinaire de profession) très à l'aise, expérimenté et fin connaisseur de la ruralité et de l'agriculture qui a débarqué dans la Loire.

 

A quelques mois des élections municipales, le premier message qui lui a été adressé était une ode à l'échelon communal. A 1 000 m d'altitude, comme l'a rappelé la première édile, Lérigneux s'emploie pour conserver son indépendance, son dynamisme, son école aussi à travers un RPI. Elle compte ses encore six exploitants, plusieurs artisans et a vu s'installer récemment un chocolatier artisanal et une céramiste, signe d'une vitalité retrouvée. Christine Bédouin a trouvé en Gérard Larcher un allié, un défenseur de l'entité communale, ciment de la vie républicaine. « Défendre la commune, ce n'est absolument pas de la nostalgie », a-t-il assuré.

 

L'exploitation visitée par le président du Sénat n'avait pas été choisie au hasard. Le Gaec familial du Fay, composé de Nicolas Gorand, de son épouse Christelle et de sa sœur Corinne Perrichon, élève 55 vaches laitières sur 90 hectares pour produire 414 000 litres de lait destinés à être transformés en fourme de Montbrison. Une exploitation de zone montagne (20 000 euros d'ICHN) typique de la zone, avec un lait bien valorisé (400 euros/1 000 litres), mais qui n'est pas épargnée par la sécheresse. Cette année, elle a dû acheter 50 tonnes de fourrages à l'extérieur pour assurer l'alimentation du troupeau. Plus original, dans l'attente de l'arrivée d'un quatrième associé, le Gaec a investi dans la diversification par le rachat de l'épicerie-bar-restaurant du village, à l'abandon depuis trois ans. L'établissement a officiellement ouvert le 8 juin dernier. « C'est aussi pour contribuer à redonner vie au village », affirment en chœur les associés.

 

Le président de la Chambre d'agriculture, Raymond Vial, a tenu à remercier toute la famille Gorand pour son accueil : Maurice et Raymonde (les parents), Nicolas, Christelle et Corinne (Perrichon).

Interpellé sur les sujets agricoles, Larcher répond prudemment

Les éleveurs ont souhaité alerter Gérard Larcher – lui-même chasseur passionné – de l'importance croissante des dégâts de sangliers. Un problème qui semble insoluble. « La terre dans le fourrage fait monter les butyriques, c'est une catastrophe », signale le président de l'AOP fromagère Hubert Dubien. Le préfet de la Loire, Evence Richard, s'est avoué impuissant et les professionnels regrettaient que les battues soient si lourdes à mettre en place et donnent si peu de résultats. Ils relevaient aussi qu'avec le changement climatique, les portées étaient plus nombreuses et plus productives.


Gérard Larcher a tenté de rassurer : « Il y a eu une rencontre FNC/FNSEA, je crois qu'on avance. Faut-il permettre de prélever des sangliers toute l'année ? II faut trouver la bonne méthode pour régler le problème, tout en gardant en tête les questions de sécurité aussi. » Le syndicat majoritaire et JA, par la voix de leur président respectif, Gérard Gallot et Rémi Jousserand, sont revenus sur la Loi Egalim et son absence d'effets sur les cours. « Pour la viande, c'est même pire qu'avant, ont tonné les syndicalistes, et sur le lait, on est loin du compte. Si on n'encadre pas mieux, on ne s'en sortira pas, il faut des sanctions ! Que peut-on faire face à la Grande distribution ? Nous avons besoin de l'aide de l'État ! »


Tandis que le responsable de la Safer, Bertrand Lapalus (éleveur à Mably), rappelait l'urgence d'une loi foncière pour préserver les espaces agricoles, tout en s'inquiétant de son éventuel report, le président de la Chambre d'agriculture, Raymond Vial, revenait sur le dossier structurant de l'eau et de la volonté professionnelle de développer l'irrigation. Si le président du Sénat ne s'est pas défilé, il a néanmoins répondu avec prudence. Gérard Larcher a d'abord appelé à la vigilance sur les négociations pour la PAC « et l'importance des arbitrages à venir ». Il s'est montré volontaire sur la loi Egalim. « Si cela n'évolue pas, on reverra le texte de loi » a-t-il promis, ciblant par ailleurs la concurrence déloyale avec l'arrivée de viande américaine, certes sans hormones, mais produite dans des conditions bien moins draconiennes qu'en Europe.

 

Le Président du Sénat est reparti les bras chargés de cadeaux, gourmands notamment, remis par les élus et les professionnels.

Une heure d'échanges

Il a émis le vœu d'une nouvelle loi foncière, « l'ancienne datant d'une autre époque ». Sur l'eau, il s'est montré plus bavard. « Oui, nous sommes prêts à prendre des initiatives. L'Espagne retient 25 % de son eau pluviale. Nous, dix fois moins ! C'est un vrai sujet, mais attendons-nous à avoir des débats surréalistes avec certains ! » Il invitait par ailleurs les agriculteurs à faire évoluer leurs pratiques : gérer et économiser l'eau, peut-être changer de méthodes d'arrosage, voire de variétés : « Le maïs grain consomme beaucoup. »


En fin de matinée, après que Gérard Larcher a avalé quelques tranches de fourme et soit reparti en direction de l'ancienne préfecture, les membres du Gaec se montraient satisfaits de l'expérience, « même si ça été très rapide », à peine une heure. Gérard Gallot se félicitait d'avoir pu administrer une piqûre de rappel sur les sujets épineux. Et les enfants du hameau ont pu retourner à l'école, des images plein la tête.

David Bessenay