Rallye
Un duo de Ligériens en buggy termine le Dakar

À 35 ans, Mathieu Bouchut, de Bellegarde-en-Forez, est charpentier à son compte. Attiré depuis toujours par les sports mécaniques, il s’est lancé dans une grande aventure avec son ami d’enfance : participer à la 44e édition du Dakar, du 1er au 14 janvier 2022, en Arabie Saoudite.

Un duo de Ligériens en buggy termine le Dakar
A bord d’un buggy dans la catégorie SSV, le binôme a parcouru plus de 8 000 km en Arabie Saoudite sur 12 jours. ©Mathieu Bouchut

C’est un rêve devenu réalité pour celui « qui n’avait jamais été copilote de sa vie ». Avec son ami d’enfance Ulrich Caradot, de Pommiers-en-Forez, dévoué au buggy, Mathieu Bouchut, plutôt féru de moto, avait un objectif depuis sa plus tendre enfance : participer à une édition du Dakar et la terminer. La catégorie SSV (« Side by side vehicle », traduisez littéralement « véhicule côte à côte ») s’est imposée à eux, plus facile à prendre en main et avec des coûts d’entretien moins onéreux.

Une préparation compliquée…

Lorsque s’est posée la question de désigner le futur copilote, le choix s’est alors naturellement tourné vers Mathieu Bouchut, son ami Ulrich étant avant tout un habitué de la conduite des buggys. Première expérience de copilotage pour une première édition de Dakar, la tâche semblait ardue pour le duo d’amateurs. Pour compliquer encore plus leur future participation, des accidents de la vie mutuels ont entaché la préparation des deux amis. Ces derniers, souhaitant se lancer dans l’accomplissement de quelques rallyes en vue de « tâter le terrain » et de se préparer à cet évènement annuel, ont finalement été contraints d’abandonner leur préparation. Et avec le contexte sanitaire actuel, toute préparation annexe tournait au ralenti.  Mathieu Bouchut a alors contacté plusieurs anciens pilotes ou pilotes chevronnés pour être conseillé ; une préparation technique qui a nécessité une bonne année. Le reste, Mathieu l’a appris lors du Dakar.

Gérant du Team BBR, entreprise spécialisée dans la préparation de SSV et la gestion de la logistique implantée à Civens, Loïc Bonnevie a pris en charge les deux hommes. Coût de l’accompagnement ? Une enveloppe de 150 000 euros pour les suivre de A à Z. « Ils ont été tops, ils se sont chargés de tout, de nos inscriptions à la logistique, en passant par les réparations, les conseils et le soutien. Notre prise en charge a été géniale », confiait Mathieu Bouchut. Un constat qui se confirme puisque le Team BBR, le « David » face aux « Goliath », a réitéré son exploit de l’an passé : c’est-à-dire que chaque pilote et copilote pris en charge par leurs soins terminent la course.

…mais au final, la fierté d’y être arrivé

Au terme de cette 44e édition, c’est une véritable fierté qui a envahi le binôme. « C’était un vrai soulagement d’être arrivé en Arabie Saoudite et d’avoir pu participer. Avec la Covid, tous les tests qu’il fallait faire, on n’était jamais vraiment rassurés. Mais finalement, de monter dans le véhicule et d’être prêts à se lancer, à débuter dans un cadre pareil, c’était intense ».

Terminant à la 35e place sur une cinquantaine de binômes participants, Mathieu Bouchut reste comblé. « Rendez vous compte, c’était notre but ultime. On est vraiment fiers de notre parcours. Notre défi, c’était de terminer la course. Et croyez-moi, c’est déjà une sacrée tâche ; beaucoup avaient ce même souhait, mais n’ont pas réussi à aller au bout ».

Un scénario qui aurait très bien pu leur arriver. À 30 km de la fin de la « spéciale » (les parties chronométrées du rallye de plusieurs centaines de kilomètres), le duo percute un rocher en tentant de doubler un concurrent. Avec le sable et la poussière générés par le véhicule de devant, leur visibilité a été grandement réduite, les menant à percuter l’obstacle. Résultat : une roue arrachée, ainsi qu’une bonne partie du train avant. Coincés dans le sable, un conducteur de camion a tenté de les tirer d’affaire : « Il était russe. Il avait vraiment voulu nous aider. Puisqu’on parlait en anglais pour se comprendre et que mon niveau ne devait pas être bon (rires), il n’a pas compris que je lui demandais juste de nous sortir du sable et non de nous ramener jusqu’à l’arrivée. Il nous a arraché une bonne partie de ce qui restait de l’avant de notre buggy », explique, hilare, le Bellegardois.

Au final, le camion d’assistance a porté secours au binôme vers 1h30 du matin pour effectuer les réparations qui s’imposaient. Malgré une nuit particulièrement courte, les deux hommes ont pu enchainer le lendemain. Quant à l’ambiance entre pilotes, copilotes et mécaniciens, « elle était vraiment dans l’entraide. Finalement, ce n’était pas tant concurrentiel, on a beaucoup appris des autres. C’était vraiment des moments chaleureux et bon enfant, où on se fait de bons amis », confie le copilote.

Retour d’expérience et projets

À la question du statut minimisé de copilote, souvent dans l’ombre du pilote, Mathieu Bouchut, malgré son faible recul dans le domaine, témoigne de son expérience. « Copilote, c’est un rôle super important dans un rallye. C’est celui qui choisit à peu près tout dans la voiture. On peut dire que nous sommes les yeux du pilote, ce n’est vraiment pas un rôle à prendre à la légère. »

Celui qui a guidé son ami d’enfance durant ces douze jours d’étapes reconnait avoir l’avantage de cette relation privilégiée avec le pilote pour développer des automatismes. « C’est primordial d’avoir une bonne entente mutuelle et une véritable complicité. Parfois, il faut mettre ses convictions et son égo de côté, car le plus important, c’est de bien écouter l’autre et d’avoir une confiance parfois aveugle en son partenaire ».

Dans son retour d’expérience du rallye raid de Dakar, Mathieu Bouchut retient également l’impression d’avoir été dans un monde à part : « c’était vraiment intéressant d’être copilote. Il y avait tellement de choses à faire, c’est un rôle très prenant. On se prend vraiment au jeu, on a à cœur de faire bien parce qu’on est dans notre bulle. Ce sont de sacrées sensations. » Et dans cette lignée, le trentenaire a également été surpris de tout le soutien qu’il a reçu tout au long de la course. « Notre quotidien avait été diffusé médiatiquement et nos proches nous suivaient, mais aussi des gens que l’on ne connaissait pas. Ça faisait chaud au cœur de voir qu’on avait des encouragements de la part d’autant de personnes ».

Pour se nourrir, c’est « au cœur du bivouac qu’un espace de restauration immense était mis à disposition des coureurs », précisait le coureur ligérien. Mais pas seulement, il servait aussi de lieu d’échanges de 40 mètres de large pour 60 mètres de long où les participants se retrouvaient en fin d’étape pour discuter. Ouvert 24h/24 en raison des larges plages horaires de départ des concurrents, la nourriture doit toujours être prête pour réconforter les amateurs.

Quant à réitérer une prochaine édition ? « A mon avis, avec plusieurs années d’expérience, ce Dakar doit procurer encore plus de plaisir ». Pour l’heure, le copilote savoure déjà d’avoir participé au Dakar et d’être arrivé au bout : « Finir un Dakar, c’est déjà assez énorme en soi ». Si ses ambitions sont de réitérer l’expérience, l’idée de franchir le palier du top 10 lui est encore lointaine. « Les dix premiers, c’est un tout autre niveau. Les coureurs ont beaucoup plus d’expérience, notamment. Et puis, c’est aussi une question de financement : le Team BBR, malgré la qualité de leur accompagnement, reste un petit Team par rapport à d’autres qui sont de vrais mastodontes. Ils sont dans une toute autre dimension. Ça se joue là aussi ».

 

Axel Poulain