Chambre d'agriculture de la Loire
Miser sur l’autonomie et la compétitivité

Après une année 2022 compliquée pour l’agriculture, Raymond Vial, président de la Chambre d’agriculture de la Loire, prend la parole pour dresser un rapide bilan, mais surtout aborder les sujets majeurs de l’année qui vient de commencer et de celles à venir.

Miser sur l’autonomie et la compétitivité
Raymond Vial, président de la Chambre d’agriculture de la Loire

Pour le président de la Chambre d’agriculture de la Loire, « 2022 restera dans les annales. L’année a été marquée par la sécheresse, avec des conséquences historiques. Pour moi, elle a été un tournant comme le fûrent 1976 et 2003 : on avance d’un cran dans le manque de pluviométrie et on ne revient plus en arrière. Nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles sécheresses, qui pourraient bien être de plus en plus violentes. Et finalement, personne ne sait vraiment comment les gérer. »

2022 est aussi une année atypique sur le plan économique, notamment en raison de la flambée des prix des intrants, de l’alimentation, de l’énergie. « C’est une première pour les agriculteurs, qui n’ont jamais connu une telle situation, estime Raymond Vial. Cette situation nous plonge dans l’inconnue et il devient difficile de se projeter à cinq ans. Les conflits et les échanges entre les pays ont une influence considérable. D’où le nouveau leitmotiv en France : l’autonomie alimentaire. » Le président de la Chambre d’agriculture convient que « notre pays doit être le plus autonome possible, mais le résultat dépendra de comment il traitera son agriculture et ses agriculteurs ».

Pour lui, « le monde change, et même très vite. Nous vivons des années charnières pour l’agriculture, avec de grandes évolutions. J’assimile cette période aux années 1960, avec le boom du développement agricole. La paysannerie a toujours relevé les défis qui lui ont été demandés. Elle s’est adaptée aux quotas laitiers, aux primes vaches allaitantes, à la mise aux normes, et bien d’autres encore. »

Equilibre entre productions végétales et animales

« Je pense que demain, l’agriculture française devra conserver un équilibre entre les productions animales et végétales, poursuit Raymond Vial. C’est une certitude que l’avenir d’un département comme la Loire passera par la polyculture-élevage, pas à l’échelle de chaque exploitation, bien évidemment, mais à l’échelle du territoire ligérien. S’il n’y avait plus d’élevage demain, toutes les surfaces agricoles ne pourraient pas être cultivées. »

Le président de la chambre consulaire n’oublie pas les productions végétales comme le maraîchage et les légumes de plein champ. « La société actuelle les demande. Mais on ne peut pas rayer de la carte l’élevage de ruminants. Il ne faut pas oublier que les prairies constituent un gros capteur de CO2. Elles doivent être mises en avant comme un outil de lutte contre le réchauffement climatique. Par contre, je pense que l’élevage ne sera plus comme avant : il faudra avoir moins d’animaux avec le même nombre d’hectares, et même avoir le même nombre d’animaux avec plus d’hectares. » Dans cette affirmation, il sous-entend l’adaptation des exploitations au changement climatique. « Il ne faut rien attendre des institutions européennes et françaises. C’est un dossier que la profession doit gérer et c’est à chaque agriculteur de se poser la question de comment il peut adapter son exploitation : système, restructuration parcellaire, accès à l’eau. La Chambre d’agriculture peut accompagner les agriculteurs dans leur réflexion, mais ils doivent avoir la volonté d’aller vers le changement. »

Des exploitations compétitives

« Les agriculteurs ne doivent pas perdre de vue l’objectif premier pour leur exploitation : gagner en compétitivité. Ils ne sont pas les seuls au monde. Sur les marchés, ils sont en concurrence avec ceux des autres départements français, des pays européens et au-delà. La compétitivité est un mot clé pour l’avenir de l’agriculture. »

Elle passera notamment par « des bâtiments adaptés, modernisés et économes en main d’œuvre. Le dossier de l’élevage est intimement lié à la main d’œuvre. Cela ne veut pas forcément dire regroupement d’exploitations ou de sociétés. On peut également miser sur le salariat, mais avec de vrais salariés, considérés, ayant des responsabilités. L’agriculture a besoin de main d’œuvre performante et donc rémunérée en conséquence. Il faut accompagner les agriculteurs à devenir de bons employeurs et leur faire admettre qu’un salarié peut gagner plus que son patron. A la fin de sa carrière, ce dernier a pour lui le capital de sa société. » Pour Raymond Vial, « les centres de formation ont un grand rôle à jouer pour préparer les jeunes à devenir salariés. L’apprentissage est un bon moyen de mettre un pied à l’étrier. »

La modernisation des outils de travail, et surtout des bâtiments, passe par la robotisation. « Les équipements automatiques peuvent remplacer une personne, et surtout faciliter le travail. Ça va dans le sens de la performance et de la compétitivité. Le développement de l’agriculture biologique, avec de grandes exigences, a entrainé une forte robotisation. L’exemple le plus criant est le désherbage, domaine dans lequel les robots se sont développés. » En matière d’innovations, Raymond Vial n’omet pas de citer les outils informatiques et électroniques : logiciels, applications et autres drones. « Je pense que nous sommes loin d’avoir tout vu. Je fais confiance à l’agriculture, elle a toujours été pionnière, et les entreprises qui conçoivent des outils innovants l’ont bien compris. »

La Chambre d’agriculture aide les agriculteurs à gagner en compétitivité, et plus largement à avoir des exploitations viables, vivables et durables, comme il est indiqué dans le projet agricole départemental porté par la structure et les élus qui sont à sa tête. Pour cela, elle organise régulièrement des rencontres technico-économiques sur le terrain ou en salle, à l’image de la journée du 19 septembre 2022 sur « les opportunités et risques pour les éleveurs de la Loire ». Elle accompagne les agriculteurs qui le souhaitent dans l’élaboration de dossiers de demande d’aides, comme par exemple pour la Pac. Elle met également en place de nombreuses formations tout au long de l’année sur des sujets divers et variés. Elles sont consultables sur le site internet dédié www.terresdeloire.fr/boutique/, où il est également possible de s’y inscrire.

Raymond Vial considère que « les structures qui accompagnent les agriculteurs doivent avoir une remise en cause perpétuelle et être dans l’anticipation pour les conseiller au mieux. Chaque exploitation est un cas particulier. Il est devenu plus compliqué d’avoir un accompagnement de masse. »

Au regard de l’année écoulée, Raymond Vial pense que « chaque exploitant doit avoir en tête l’autonomie pour l’eau, l’alimentation et l’énergie. C’est ce qui fera la différence entre les fermes qui resteront – ou qui seront transmissibles – et celles qui disparaitront – ou qui ne seront pas transmissibles. A nous, structures, de les accompagner et aux agriculteurs d’être inventifs. » Le renouvellement des générations constitue également un enjeu de taille pour l’agriculture ligérienne. Ces sujets sont développés dans le journal du 10 février.

Lucie Grolleau Frécon